par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 25 novembre 2009, 08-42755
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Cour de cassation, chambre sociale
25 novembre 2009, 08-42.755
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Cause réelle et sérieuse
Licenciement
Reclassement
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé en qualité d'attaché commercial le 15 janvier 2002 par la société Distrimusic international, a reçu le 16 novembre 2005 une lettre de son employeur lui proposant la modification du mode de calcul de ses commissions en raison de difficultés économiques ; que suite à son refus par courrier du 5 décembre 2005, le salarié a fait l'objet d'un licenciement économique par lettre du 3 janvier 2006 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour notamment réclamer le bénéfice du statut de VRP et contester la régularité de son licenciement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'il n'avait pas le statut de VRP et de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle et d'un complément d'indemnité compensatrice de préavis alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article L. 7311 2 du code du travail, les dispositions de l'article L. 7311 3 de ce code sont applicables aux employés qui, conjointement à l'exercice effectif et habituel de représentation, ont accepté de se livrer à d'autres activités, quelle qu'en soit la nature, pour le compte d'un ou plusieurs employeurs ; qu'en l'espèce, il faisait valoir à ce sujet qu'exerçant une fonction de prospection et de représentation auprès de la clientèle pour le compte de la société Distrimusic international dans un secteur géographique déterminé moyennant un salaire de base et une commission variable, il importait peu que, dans le cadre de son organisation, l'employeur ait doté ses représentants d'un véhicule de type fourgon et leur ait demandé, à titre de tâche accessoire à la fonction principale de VRP, de profiter des visites faites aux clients pour leur remettre des marchandises vendues, reprendre les invendus et procéder dans certains cas à l'encaissement des factures ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était ainsi invitée, s'il avait une activité de représentant et si l'activité de vente au laissé sur place présentait ou non un caractère accessoire de l'activité de représentation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7311 2 et L. 7311 3 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant procédé à la recherche prétendument omise et ayant constaté que les fonctions de M. X..., qui avait été engagé en qualité d'attaché commercial, se limitaient à livrer avec un camion de l'entreprise les produits commandés directement au siège social par les clients de la société qu'il leur remettait contre encaissement immédiat de leur prix, la cour d'appel a exactement décidé que l'intéressé ne pouvait prétendre au statut de VRP qu'il revendiquait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit que son licenciement avait une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de sa demande d'indemnité alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier l'exactitude des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement pour justifier les difficultés économiques ayant motivé la modification du contrat de travail refusée par le salarié ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement rattachait les difficultés rencontrées par l'entreprise à une perte de rentabilité devant conduire à un déficit en 2005, ce qu'il contestait en soulignant que les documents comptables concernant l'exercice 2005 faisaient au contraire apparaître un bénéfice ; que, dans ces conditions, la cour d'appel ne pouvait se contenter d'affirmer que l'employeur justifiait rencontrer depuis 2004 d'importantes difficultés financières sans apprécier l'exactitude des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L 1233 3 du code du travail ;
2°/ que la seule baisse du résultat au cours de l'année précédant le licenciement n'est pas de nature à caractériser les difficultés économiques invoquées dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, en l'état de la lettre de licenciement indiquant que les difficultés financières rencontrées par l'entreprise se traduisaient par un résultat négatif à l'issue de l'exercice 2005, la cour d'appel a constaté que les résultats sur son secteur étaient en diminution de plus de 40 % du chiffre d'affaires en 2005 par rapport à 2004 ; qu'en se fondant sur cette constatation inopérante pour conclure que la modification de son contrat de travail reposait sur des motifs économiques entrant dans les prévisions de l'article L. 321 1 2 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233 3 du code du travail ;
3°/ que pour apprécier la réalité du motif économique invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement, les juges ne peuvent se fonder sur des données postérieures au prononcé de ce licenciement ; qu'en retenant, pour conclure à l'existence de difficultés économiques entrant dans les prévisions de l'article L. 321 1 2 du code du travail, que les résultats sur son secteur avaient diminué de plus de 85 % en 2006 et que cela avait amené l'employeur à supprimer ce secteur largement déficitaire en juin 2006, cependant qu'il avait été licencié le 3 janvier 2006, la cour d'appel a violé l'article L. 1233 3 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis, que la société rencontrait depuis 2004 d'importantes difficultés financières qui lui imposaient des mesures drastiques pour assurer sa pérennité, la cour d'appel, qui a estimé que ces difficultés économiques étaient de nature à justifier la proposition par lettre du 6 novembre 2005 à l'ensemble du personnel commercial de la modification du système des commissions destinée à réduire ses charges sociales, a pu décider, sans encourir aucun des griefs du moyen, que le licenciement avait une cause économique réelle et sérieuse ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Attendu que pour dire que le licenciement de M. X... avait une cause réelle et sérieuse et le débouter de sa demande d'indemnité, l'arrêt énonce que s'il existait, selon l'annonce publiée fin novembre 2005 dans la presse locale, des emplois disponibles de commerciaux à pourvoir, le reclassement de M. X... dans l'entreprise ne pouvait se faire qu'aux nouvelles conditions proposées par Distrimusic international conformément au projet d'avenant n° 8 ; qu'ayant refusé ces nouvelles conditions, son reclassement était impossible ;
Attendu, cependant, que la proposition d'une modification du contrat de travail que le salarié peut toujours refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors que l'employeur étant tenu de proposer au salarié dont le licenciement était envisagé tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, d'une catégorie inférieure sans pouvoir limiter ses offres en fonction de la volonté présumée de l'intéressé de les refuser, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. X... avait une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande d'indemnité, l'arrêt rendu le 1er avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société Distrimusic international aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Distrimusic international à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Le Bret Desaché, avocat aux Conseils pour
M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a dit que Monsieur X... n'avait pas le statut de VRP et l'a débouté de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle et d'une indemnité compensatrice de préavis correspondant au troisième mois ;
- AUX MOTIFS QUE le contrat de travail de Monsieur X... indique qu'il est engagé en qualité d'attaché commercial, de sorte qu'il lui appartient d'établir qu'il était en réalité VRP ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur X... avait pour mission, avec le matériel de l'entreprise, un camion, de livrer dans les grandes et moyennes surfaces commerciales, clients de la société, les produits commandés, de les mettre en rayons dans les présentoirs fournis par DISTRIMUSIC et d'assurer immédiatement l'encaissement des marchandises déposées, de suivre et faire assurer le règlement des factures selon les tarifs imposés par la société ; que, lors de ses passages dans les surfaces commerciales, Monsieur X... n'établissait pas un bon de commande selon un catalogue qu'il présentait mais un bon de dépôt vente, les commandes étant effectuées directement par le client au siège social sans intervention de l'attaché commercial ; qu'il encaissait immédiatement pour le compte de son employeur le prix de la vente des produits, opérations qui est strictement interdite aux VRP, ce qui permet de constater qu'il s'agissait bien d'un emploi de dépositaire revendeur chargé de ventes au laissé sur place ;
- ALORS QU'en vertu de l'article L. 7311-2 du Code du Travail, les dispositions de l'article L. 7311-3 du même Code sont applicables aux employés qui, conjointement à l'exercice effectif et habituel de représentation, ont accepté de se livrer à d'autres activités, quelle qu'en soit la nature, pour le compte d'un ou plusieurs employeurs ; que, en l'espèce, Monsieur X... faisait valoir à ce sujet que, exerçant une fonction de prospection et de représentation auprès de la clientèle pour le compte de la Société DISTRIMUSIC INTERNATIONAL dans un secteur géographique déterminé moyennant un salaire de base et une commission variable, il importait peu que, dans le cadre de son organisation, l'employeur ait doté ses représentants d'un véhicule de type fourgon et leur ait demandé, à titre de tâche accessoire à la fonction principale de VRP, de profiter des visites faites aux clients pour leur remettre des marchandises vendues, reprendre les invendus et procéder dans certains cas à l'encaissement des factures ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était ainsi invitée, si Monsieur X... avait une activité de représentant et si l'activité de vente au laissé sur place présentait ou non un caractère accessoire de l'activité de représentation, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7311-2 et L. 7311-3 du Code du Travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a dit que le licenciement de Monsieur X... avait une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande d'indemnité ;
- AUX MOTIFS QUE la Société DISTRIMUSIC INTERNATIONAL justifie par la production de ses comptes et l'analyse financière de son commissaires aux comptes qu'elle rencontrait depuis 2004 d'importantes difficultés financières qui imposaient des mesures drastiques pour assurer sa pérennité : « les tensions de trésorerie sur l'année (2005) et la dégradation continue de la valeur ajoutée de l'entreprise m'ont amené à mettre en place des diligences complémentaires en terme de suivi de la continuité et des décisions engagées pour sa sauvegarde, diligences qui se poursuivront sur 2006 », analyse confirmée par le cabinet d'expertise GECORIN qui, dès le 9 septembre 2005, mettait en garde la direction de l'entreprise et la mettait en demeure de prendre d'urgence des mesures pour remédier à une situation financière très serrée : emprunts bancaires à court terme, apports en comptes courants ; qu'enfin, les résultats sur le secteur confié à Monsieur X..., départements des Côtes d'Armor et du Finistère, se sont effondrés en 2005 et 2006, diminution de plus de 40 % du chiffre d'affaires en 2005 par rapport à 2004 et de plus de 85 % en 2006, ce qui a amené la société à supprimer ce secteur largement déficitaire en juin 2006 ; que, dans ces conditions, on ne saurait reprocher à la société d'avoir recherché une solution, dont celle de proposer par lettre du 6 novembre 2005 à l'ensemble du personnel commercial une modification du système de commissions destinée à réduire les charges sociales de la société ; que cette proposition, fondée sur des difficultés économiques qui entraient bien dans les prévisions de l'article L. 321-1-2 du Code du Travail, ayant été refusée par Monsieur X... le 5 décembre 2005, la société n'avait d'autre choix que de procéder à son licenciement ;
- ALORS, D'UNE PART, QU'il appartient aux juges du fond d'apprécier l'exactitude des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement pour justifier les difficultés économiques ayant motivé la modification du contrat de travail refusée par le salarié ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement rattachait les difficultés rencontrées par l'entreprise à une perte de rentabilité devant conduire à un déficit en 2005, ce que le salarié contestait en soulignant que les documents comptables concernant l'exercice 2005 faisaient au contraire apparaître un bénéfice ; que, dans ces conditions, la Cour d'Appel ne pouvait se contenter d'affirmer que l'employeur justifiait rencontrer depuis 2004 d'importantes difficultés financières sans apprécier l'exactitude des motifs énoncés dans la lettre de licenciement, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du Code du Travail ;
- ALORS, D'AUTRE PART, QUE la seule baisse du résultat au cours de l'année précédant le licenciement n'est pas de nature à caractériser les difficultés économiques invoquées dans la lettre de rupture ; qu'en l'espèce, en l'état de la lettre de licenciement indiquant que les difficultés financières rencontrées par l'entreprise se traduisaient par un résultat négatif à l'issue de l'exercice 2005, la Cour d'Appel a constaté que les résultats sur le secteur du salarié étaient en diminution de plus de 40 % du chiffre d'affaires en 2005 par rapport à 2004 ; qu'en se fondant sur cette constatation inopérante pour conclure que la modification du contrat de travail du salarié reposait sur des motifs économiques entrant dans les prévisions de l'article L. 321-1-2 du Code du Travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du Code du Travail ;
- ET ALORS, ENFIN, QUE, pour apprécier la réalité du motif économique invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement, les juges ne peuvent se fonder sur des données postérieures au prononcé de ce licenciement ; qu'en retenant, pour conclure à l'existence de difficultés économiques entrant dans les prévisions de l'article L. 321-1-2 du Code du Travail, que les résultats sur le secteur du salarié avaient diminué de plus de 85 % en 2006 et que cela avait amené l'employeur à supprimer ce secteur largement déficitaire en juin 2006, cependant que le salarié avait été licencié le 3 janvier 2006, la Cour d'Appel a violé l'article L. 1233-3 du Code du Travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a dit que le licenciement de Monsieur X... avait une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande d'indemnité ;
- AUX MOTIFS QUE, s'il existait, selon l'annonce publiée fin novembre 2005 dans la presse locale, des emplois disponibles de commerciaux à pourvoir, le reclassement de Monsieur X... dans l'entreprise ne pouvait se faire qu'aux nouvelles conditions proposées par DISTRIMUSIC INTERNATIONAL conformément au projet d'avenant n° 8 ; que, ayant refusé ces nouvelles conditions, son reclassement était impossible ;
- ALORS QUE le refus par le salarié d'une proposition de modification de son contrat de travail, qui ne constitue pas une offre de reclassement, ne libère pas l'employeur de son obligation de reclassement, qui doit être mise en oeuvre préalablement au licenciement ; que, après avoir retenu que le licenciement de Monsieur X... était fondé sur le refus de celui-ci d'accepter la modification du système de commissions et constaté qu'il existait dans l'entreprise des emplois de commerciaux à pourvoir, la Cour d'Appel a estimé que le reclassement de Monsieur X... ne pouvant cependant se faire qu'aux nouvelles conditions proposées par l'employeur et le salarié ayant refusé ces nouvelles conditions, son reclassement était impossible ; qu'en préjugeant ainsi du refus du salarié de l'offre de reclassement et en dispensant l'employeur de son obligation d'y procéder au seul motif que le salarié avait antérieurement refusé la modification de son contrat, la Cour d'Appel a violé l'article L. 1233-4 du Code du Travail.
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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Cause réelle et sérieuse
Licenciement
Reclassement
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.