par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 30 mars 2010, 09-65949
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Cour de cassation, chambre commerciale
30 mars 2010, 09-65.949

Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 27 janvier 2009), que la société Patrick Richard volailles (la société) a émis, le 30 janvier 2005, sur son compte ouvert dans les livres de la caisse de crédit mutuel de Craon et du Craonnais (la caisse) un chèque d'un montant de 877,23 euros au bénéfice de la société Maïska Foods ; que ce chèque, présenté au paiement pour un montant de 16 077,23 euros à l'ordre de Rosalina X..., a été payé par la caisse ; que la société a assigné la caisse en restitution de cette somme avec intérêts à compter de la date de débit du chèque litigieux ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande et de l'avoir condamnée au paiement des dépens, ainsi que de 2 000,00 euros au titre des frais irrépétibles, alors, selon le moyen, que commet une faute la banque qui débite le compte d'un de ses clients du montant d'un chèque falsifié quand il en résulte un solde débiteur allant au-delà du découvert autorisé ; que, dans un tel cas, le dépassement du crédit disponible doit être considéré par la banque comme une anomalie rendant douteuse l'authenticité du chèque, de sorte qu'elle doit, soit refuser de contre-passer la somme en débit du compte de son client, soit, à tout le moins, se rapprocher de ce dernier pour l'informer de la situation et recueillir ses explications ainsi que ses éventuelles observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que le chèque, qui avait été présenté le 21 avril 2005 au paiement à la caisse, avait été falsifié quant à sa date, quant à son montant et quant à l'identité de son bénéficiaire, a expressément relevé que l'encaissement de ce chèque falsifié avait fait passer le débit du compte bancaire de la société au-delà de son autorisation de découvert ; qu'en estimant, cependant, qu'eu égard au principe de non-ingérence du banquier dans les affaires de son client, cette circonstance ne permettait pas de reprocher utilement à la banque de ne pas s'être mise en relation avec ladite société avant de débiter son compte pour s'assurer de la normalité du montant du chèque, la cour d'appel n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé, de ce fait, l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 131-4 et L. 131-38 du code monétaire et financier ;

Mais attendu que, lorsqu'il n'existe pas de provision préalable suffisante, le banquier, en passant au débit du compte de son client un chèque émis par ce dernier et présentant toutes les apparences de la régularité, lui consent une facilité de caisse sur sa demande implicite ; qu'après avoir constaté que l'encaissement du chèque falsifié a rendu le solde du compte bancaire de la société débiteur au-delà de l'autorisation de découvert, l'arrêt relève que le montant de ce découvert n'est pas connu; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dès lors que la société n'a pas prétendu que le découvert aurait dû, par son importance, alerter la caisse, la cour d'appel a pu retenir que cette dernière n'avait pas commis de faute, en ne se mettant pas en relation avec la société avant de débiter son compte ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Patrick Richard volailles aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société Patrick Richard volailles.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société PATRICK RICHARD VOLAILLES de sa demande tendant au paiement par sa banque, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE CRAON ET DU CRAONNAIS, de la somme de 16.077,23 €, correspondant au montant du chèque falsifié n° 7776125 qui avait été encaissé à son préjudice et dont la somme avait été passée au débit de son compte bancaire, avec intérêts à compter de la date de ce débit, et de l'avoir condamnée au paiement des dépens, ainsi que de 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles ;

Aux motifs que « le Crédit mutuel soutient qu'en l'absence de faute prouvée de sa part et au vu de la négligence de la société Patrick Richard Volailles ayant permis la falsification du chèque, cette société, titulaire du compte, doit supporter la charge du paiement du chèque falsifié dès lors que le préjudice résulte de sa propre faute.

Il développe que la société Patrick Richard Volailles a commis une faute en ne le prévenant pas de la perte du chèque et en ne régularisant pas une opposition, alors que le bénéficiaire l'avait avisé du défaut de réception du chèque par sa banque avant la mise en circulation du chèque falsifié daté du 24 mars 2005.

La société Patrick Richard Volailles s'oppose à ces prétentions.

Le chèque numéro 7776125 a été régulièrement émis le 30 janvier 2005 par la société Patrick Richard Volailles qui l'a signé. Il a été falsifié par la suite.

En l'espèce, il ne s'agit pas du paiement d'un chèque faux dès l'origine.

Ne trouve donc pas à s'appliquer la jurisprudence vantée par la société Patrick Richard Volailles selon laquelle « en l'absence de faute du déposant, ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature et n'ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque ».

En l'occurrence, il importe de rechercher qui a commis la faute à l'origine du paiement du chèque falsifié.

Avant de prendre le titre à l'encaissement, le banquier est tenu de vérifier sa régularité formelle.

Le chèque litigieux présenté à l'encaissement comportait les mentions requises pour sa validité ainsi que la signature du tireur.

Il n'était pas grossièrement altéré ou surchargé. Sa falsification n'était pas décelable même par un banquier avisé, normalement vigilant.

La régularité de l'endos n'est pas critiquée et il n'y avait pas d'opposition au paiement dudit chèque.

Il n'est pas établi que la Crédit mutuel a manqué à l'une des vérifications lui incombant pour s'assurer de la régularité formelle du chèque litigieux avant de le prendre à l'encaissement.

Il n'est pas prouvé que la formule de chèque utilisée en l'espèce présente des particularités rendant facile sa falsification. Cette formule est sensiblement identique aux formules de chèques émises par les autres établissements bancaires. Il n'est pas prouvé qu'en émettant la formule de chèque utilisée en la cause, le Crédit mutuel a failli à son obligation de sécurité.

Les observations faites par les premiers juges sur la présentation tardive du chèque considéré eu égard aux dispositions de l'article L 131-32 du Code monétaire et financier, sont insuffisantes à établir la faute de la banque qui a normalement réglé dans le délai de la prescription ce chèque qui ne présentait, ainsi qu'il a été dit, aucune anomalie détectable par un banquier avisé et attentif.

Il n'est pas contesté que l'encaissement du chèque falsifié a fait passer le débit du compte bancaire de la société Patrick Richard Volailles « au-delà de son autorisation de découvert », dont le montant n'est pas connu.

Quoi qu'il en soit, eu égard au principe de non-ingérence du banquier dans les affaires de son client, cette circonstance ne permet de reprocher utilement au Crédit mutuel de ne pas s'être mis en relation, avant de débiter son compte, avec la société Patrick Richard Volailles pour s'assurer de la normalité du montant du chèque au profit d'un client espagnol.

Les habitudes commerciales prêtées à la société Patrick Richard Volailles n'autorisaient pas davantage cette ingérence. Rien ne prouve que l'opération considérée consistant en l'encaissement d'un chèque de 16 077,23 euros se présentait dans des conditions inhabituelles de complexité. Elle paraissait avoir une justification économique. Dès lors, il n'est pas avéré que cette opération nécessitait de la part de l'établissement financier les vérifications imposées par l'article L 563-3 du Code monétaire et financier.

La société Patrick Richard Volailles ne prouve pas qu'une faute du Crédit mutuel serait à l'origine du paiement du chèque falsifié.

Il est établi que par courrier du 17 mars 2005, la société Maïski Foods a demandé à la société Patrick Richard Volailles de vérifier si son compte avait été débité du montant du chèque numéro 7776125 daté du 30 janvier 2005 soit 877,23 euros, en l'avisant que : « Probablement, l'enveloppe avec les chèques, envoyé(e) le 08/02/05, n'est jamais arrivé(e) ».

Par une seconde correspondance du 6 avril 2005, la société Maïska Foods a confirmé à la société Patrick Richard Volailles ne pas avoir reçu son chèque numéro 7776125 daté du 30 janvier 2005 pour un montant de 877,23 euros.

Ainsi, avant que le chèque litigieux ne soit présenté, le 21 avril 2005, au Crédit mutuel pour encaissement par la banque espagnole, la société Patrick Richard Volailles avait été informée par la société Maïska Foods de la perte du chèque numéro 7776125 émis le 30 janvier 2005 d'un montant de 877,23 euros.

Nonobstant cette information portée à sa connaissance en temps utile, la société Patrick Richard Volailles n'a pas avisé le Crédit mutuel de la perte du chèque par elle émis le 30 janvier 2005. Elle n'a pas fait opposition au paiement de ce chèque dont la perte lui avait pourtant été annoncée avant qu'il ne soit présenté, falsifié, en paiement à cette banque.

Il s'ensuit que la négligence fautive de la société Patrick Richard Volailles a seule permis le paiement du chèque falsifié. Le préjudice subi par cette société résulte de sa propre faute, et non de la faute de la banque, dont la preuve n'est pas rapportée.

Les conditions de la responsabilité du Crédit mutuel ne sont pas réunies en l'espèce. La société Patrick Richard Volailles sera déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts contre la banque. Le jugement déféré sera réformé en conséquence » ;


Alors que commet une faute la banque qui débite le compte d'un de ses clients du montant d'un chèque falsifié quand il en résulte un solde débiteur allant au-delà du découvert autorisé ; que, dans un tel cas, le dépassement du crédit disponible doit être considéré par la banque comme une anomalie rendant douteuse l'authenticité du chèque, de sorte qu'elle doit, soit refuser de contre-passer la somme en débit du compte de son client, soit, à tout le moins, se rapprocher de ce dernier pour l'informer de la situation et recueillir ses explications ainsi que ses éventuelles observations ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui a constaté que le chèque n° 7776125, qui avait été présenté le 21 avril 2005 au paiement à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE CRAON ET DU CRAONNAIS, avait été falsifié quant à sa date, quant à son montant et quant à l'identité de son bénéficiaire, a expressément relevé que l'encaissement de ce chèque falsifié avait fait passer le débit du compte bancaire de la société PATRICK RICHARD VOLAILLES au-delà de son autorisation de découvert ; qu'en estimant, cependant, qu'eu égard au principe de non-ingérence du banquier dans les affaires de son client, cette circonstance ne permettait pas de reprocher utilement à la banque de ne pas s'être mise en relation avec ladite société PATRICK RICHARD VOLAILLES avant de débiter son compte pour s'assurer de la normalité du montant du chèque, la Cour d'appel n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé, de ce fait, l'article 1147 du Code civil, ensemble les articles L. 131-4 et L. 131-38 du Code monétaire et financier.



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