par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 7 avril 2010, 09-40020
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Cour de cassation, chambre sociale
7 avril 2010, 09-40.020

Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc. 10 octobre 2007, pourvoi n° 06-41.107) que M. X..., employé par la société Chalavan et Duc en qualité de conducteur routier depuis septembre 1997, a, par lettre du 23 mars 2001, pris acte de la rupture de son contrat de travail du fait du non-paiement par l'employeur des heures d'attente passées entre 22 heures 15 et 2 heures 50 à l'aéroport de Lyon-Satolas à compter du 2 novembre 1999 et de l'absence de paiement d'une prime de panier pendant plus d'un an ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'il n'avait pas payé l'intégralité de la rémunération à laquelle le salarié pouvait prétendre, de sorte que ce manquement à ses obligations lui rendait imputable une rupture, à ses torts, du contrat de travail, alors, selon le moyen, qu'en considérant que le paiement, considéré comme tardif, de 141 primes de casse-croûte constituait un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail, sans examiner si, par ailleurs, l'employeur n'avait pas exécuté ses obligations légales, réglementaires, conventionnelles et contractuelles au titre du paiement de la rémunération de M. X... et sans s'interroger sur le fondement juridique de la prime payée le 2 avril 2001, ni même sur la date à laquelle la créance de M. X... aurait été exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 122-14-3, recodifié sous les articles L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1235-1 et L. 1235-9 du code du travail, ensemble celles de l'article 12 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers, annexé à la convention collective nationale des transports routiers ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'employeur avait reconnu le 22 mars 2001 devoir un rappel de 141 primes de casse-croûte, la cour d'appel a souverainement retenu que ce paiement tardif caractérisait un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de la société ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 3121-1 du code du travail ensemble l'article 3-1 de l'accord du 23 novembre 1994 sur le temps de service, les repos récupérateurs et la rémunération des personnels de conduite marchandises "grands routiers" ou longue distance" ;

Attendu que, pour décider que les heures d'attente constituaient un temps de travail effectif, l'arrêt retient que la question est de savoir si le fait pour un employeur et dans l'intérêt de son entreprise, d'imposer à un salarié un temps d'attente pendant lequel celui-ci, sans être directement à la disposition de son employeur, ne peut pas, faute d'en avoir matériellement la possibilité, utiliser librement son temps pour vaquer librement à des occupations personnelles, permet à l'employeur de décompter ce temps comme temps de repos ou l'oblige au contraire à le décompter comme un temps de travail effectif ; qu'en l'espèce, compte tenu de ses cinq heures d'attente, de la circonstance qu'il n'était pas autorisé pendant ce temps à utiliser à titre personnel le camion et donc à s'éloigner de la zone de fret dans laquelle aucune activité personnelle n'était envisageable, le salarié n'était pas en mesure de disposer librement de son temps et était contraint de demeurer à la disposition de son employeur dans le camion dont la cabine était équipée d'une couchette, alors que par ailleurs il n'était pas tenu de prendre un temps de repos que ses temps de conduite rendraient obligatoire ; qu'au regard de ces éléments spécifiques, le temps d'attente litigieux était la conséquence directe des directives de l'employeur et devait être décompté comme temps de travail effectif ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'avait pas constaté que, pendant son temps d'attente, le salarié, qui n'était pas appelé à participer aux opérations de déchargement et de chargement du courrier, se trouvait à la disposition de l'employeur et tenu de se conformer à ses directives, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Transports Chalavan et Duc à payer à M. X... des sommes au titre de rappel de salaire sur les heures d'attente et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 5 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute M. X... de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures d'attente, et des congés payés afférents ;

Le condamne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille dix.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la société Transports Chalavan et Duc.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a décidé que les heures comprises entre la fin du déchargement et le début du nouveau chargement constituaient un temps de travail effectif, condamnant, en conséquence, par confirmation, l'employeur à payer les sommes de 5.827,56 euros au titre du rappel de salaire et de 582,76 euros au titre des congés payés y afférents, ainsi que des indemnités de rupture découlant de la prise d'acte d'une rupture du contrat de travail imputable à l'employeur du fait de la non rémunération d'heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS QUE la société Transport Chalavan et Duc a notifié le 26 octobre 1999 à M. José X... l'ordre de service 61/99 applicable à compter du mardi 2 novembre 1999 remplaçant l'ordre de service 58/99 ; que l'ordre 58/99 organisait un service qui prévoyait une arrivée à Satolas entre 00h30 et 00h45 et un départ entre 02h45 et 03h10, étant précisé que le véhicule ne pouvait rester à quai entre les deux ; que l'ordre 61/99 prévoyait une arrivée à Satolas entre 22h00 et 22h15 et un départ entre 02h50 et 03h10 ; qu'il en résultait un temps d'attente minimum de 22h15 à 02h50 ; qu'il est noté en objet sur cet ordre 61/99 « 2h30 d'attente en plus» ; qu'il ne peut cependant pas être déduit une qualification particulière de l'allongement de ce délai ; qu'un litige est apparu entre le salarié et son employeur quant à la nature de ce délai dès le mois de juin 1999, alors que le temps d'attente était de 2.heures, de 00h30 à 2h45 ; que M. José X... décomptait ce temps comme temps de mise à disposition au lieu de temps de repos contrairement à ce qu'exigeait la société Transport Chalavan et Duc (pièce 10 Duc) ; que le conflit va s'aggraver lors du changement d'horaire imposant une attente de près de 5 heures pendant lequel le salarié n'a pu que rester sur place, l'employeur ayant choisi de laisser le même véhicule pour les deux opérations et donc le même, chauffeur pour effectuer la livraison de 22h à 22h15 et le retrait de 2h50 à 3h10 ; que compte tenu de l'horaire d'attente il n'est ni contestable ni même contesté que le salarié ne pouvait rien faire de son temps pendant ces 5 heures en raison d'une part du fait qu'il n'est pas autorisé à utiliser à titre personnelle camion et d'autre part du fait qu'aucune activité personnelle, en dehors de la possibilité de passer ce temps dans la cabine du camion, n'est envisageable sur le site de fret de Satolas ; que la durée effective de travail est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que la question est donc de savoir si le fait pour un employeur et dans l'intérêt de son entreprise, d'imposer à un salarié un temps d'attente pendant lequel celui-ci, sans être directement à la disposition de son employeur, ne peut pas, faute d'en avoir matériellement la possibilité, utiliser librement son temps pour vaquer à des occupations personnelles, permet à l'employeur de décompter ce temps comme temps de repos ou l'oblige au contraire à décompter ce temps comme un temps de travail effectif ; qu'aucune activité personnelle, n'étant envisageable sur le site de fret de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry (entre 22 heures et 3 heures du matin), le fait pour l'employeur de ne pas autoriser le salarié à utiliser le véhicule pendant le temps d'attente, revient à le contraindre à rester dans un lieu où il n'est pas en mesure de disposer librement de son temps, sans autre contrepartie flue l'installation d'une couchette dans le camion ; que l'impossibilité matérielle dans laquelle il se trouve de s'éloigner de la zone de fret pendant le temps d'attente, le contraint à rester dans le camion, alors que par ailleurs il n'y a pour lui aucune obligation de prendre un temps de repos que ses temps de conduite rendraient obligatoire ; Qu'au regard des éléments spécifiques analysés plus hauts, ce temps d'attente pendant lequel le salarié est contraint de rester à la disposition de l'employeur est la conséquence directe des directives de l'employeur et il doit donc être décompté comme temps de travail effectif ; que le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu'il a condamné la société Transport Chalavan et Duc à payer à M. José X... des rappels de salaires et de congés payés afférents et en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en a tiré les conséquences exactes tant au plan salarial qu'indemnitaire ;

ALORS QUE, premièrement, un temps d'attente ne constitue un temps de travail que lorsque le salarié demeure, pendant cette période, à la disposition de l'employeur ; de sorte qu'en considérant que le temps passé par Monsieur X... entre le chargement et le déchargement des marchandises auxquels il ne participait pas constituait un temps de travail effectif, tout en constatant que Monsieur X... n'était pas, pendant cette période directement à la disposition de son employeur, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les dispositions des articles L. 212-4 du Code du travail recodifié sous les articles L3121-1, L3121-2, L3121-3, L3121-4, L3121-9, 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 et 3.1 de l'accord national du 23 novembre 1994 sur le temps de service, les repos récupérateurs et la rémunération des personnels de conduite marchandises « grands routiers » ou « longue distance » ;

ALORS QUE, deuxièmement, en affirmant, d'une part, que Monsieur X... n'était pas, pendant cette période directement à la disposition de son employeur et, d'autre part, qu'il aurait été contraint de rester à la disposition de l'employeur, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, violant, par conséquent, les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

ALORS QUE, troisièmement, pour déterminer si un conducteur routier se trouve à la disposition de son employeur, les juges du fond ne doivent pas seulement tenir compte des circonstances de fait de l'espèce, mais également des directives de l'employeur, notamment pour déterminer si elles sont de nature à empêcher le salarié de disposer de son temps et pouvoir vaquer à des occupations personnelles ; qu'en s'appuyant sur le motif selon lequel Monsieur X... ne pouvait que rester sur place, l'employeur ayant choisi de laisser le même véhicule pour les deux opérations et donc le même chauffeur pour effectuer la livraison de 22h à 22h15 et le retrait de 2h50 à 3h10, sans préciser en quoi Monsieur X... demeurait, pendant cette période, à la disposition de son employeur pour effectuer, en cas de besoin, des tâches liées à ses obligations contractuelles ni en quoi il devait, pendant la même période, se conformer aux directives de son employeur, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des mêmes dispositions ;

ALORS QUE, quatrièmement, en s'appuyant sur le motif selon lequel aucune activité personnelle, en dehors de la possibilité de passer ce temps dans la cabine du camion, n'était envisageable sur le site de fret de SATOLAS entre 22 heures et 3 heures du matin, que Monsieur X... n'aurait pu quitter, de sorte qu'il aurait été dans l'impossibilité de vaquer à des occupations personnelles, sans préciser en quoi Monsieur X... demeurait, pendant cette période, à la disposition de son employeur pour effectuer, en cas de besoin, des tâches liées à ses obligations contractuelles ni en quoi il devait, pendant la même période, se conformer aux directives de son employeur, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des mêmes dispositions.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure EN CE QU'IL a décidé que l'employeur n'avait pas payé l'intégralité de la rémunération à laquelle le salarié pouvait prétendre, de sorte que ce manquement à ses obligations lui rendait imputable une rupture, à ses torts, du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE M. José X... invoque également pour expliquer sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travaille fait que la société Transport Chalavan et Duc ne lui a pas payé ses primes de panier depuis le mois de novembre 1999, soit pendant plus d'une année, ce que confirme le fait que l'employeur lui a annoncé par lettre datée du 22 mars 2001, un rappel de 141 primes de casse-croûte pour 818,97 euros qui sera réglé le 2 avril 2001 avec salaire de mars 2001 ; que le retard d'une année dans le paiement de primes dues de manière indiscutable constitue une atteinte suffisamment grave au droit du salarié de toucher l'intégralité des salaires qui lui sont dus en temps et en heure pout rendre imputable à l'employeur la prise d'acte qui produit en conséquence les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;


ALORS QU'en considérant que le paiement, considéré comme tardif, de 141 primes de casse-croûte constituait un manquement suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail, sans examiner si, par ailleurs, l'employeur n'avait pas exécuté ses obligations légales, réglementaires, conventionnelles et contractuelles au titre du paiement de la rémunération de Monsieur X... et sans s'interroger sur le fondement juridique de la prime payée le 2 avril 2001, ni même sur la date à laquelle la créance de Monsieur X... aurait été exigible, la Cour d'appel a privé sa décision au regard des dispositions de l'article L. 122-14-3, recodifié sous les articles L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1235-1 et L. 1235-9 du Code du travail, ensemble celles de l'article 12 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers, annexé à la convention collective nationale des transports routiers ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.