par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 14 avril 2010, 06-17347
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
14 avril 2010, 06-17.347

Cette décision est visée dans la définition :
Date certaine




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties :

Vu les articles 1328 et 1690 du code civil, ensemble l'article 1317 de ce code ;

Attendu que les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellés ou d'inventaire ; que le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur ; que, néanmoins, il peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juin 2006), que M. Hubert X... et ses enfants, Anne-Sophie, Cécile et Jérôme X... (les consorts X...), respectivement usufruitier et nu-propriétaires de 392 actions de la société anonyme de Fontenay-le-Fleury village, donnant vocation à la jouissance et à l'attribution, en cas de retrait, de trois lots dans un immeuble en copropriété, ont consenti par acte authentique du 6 août 2002 à la société Prolog-ues une promesse unilatérale de vente de leurs actions, sous condition suspensive de leur retrait de la société afin que la cession fût réalisée sous forme de lots de copropriété ; qu'en l'absence de retrait, la société Prolog-ues a, par actes des 14 et 23 avril 2002, fait assigner les consorts X... et la société aux fins de faire ordonner leur retrait et la vente des lots de copropriété et d'obtenir des dommages-intérêts ; que, par acte du 2 juin 2003, les consorts X... ont vendu à Mme Y... les 392 actions qu'ils détenaient au sein de la société ; que la société Prolog-ues a assigné Mme Y... en intervention forcée ;

Attendu que pour débouter la société Prolog-ues de ses demandes, l'arrêt, qui énonce que la priorité entre des créanciers munis d'une garantie sujette à publicité est réglée par l'ordre des publications en vertu de l'adage prior tempore potior jure, retient que la cession d'actions intervenue au profit de Mme Y..., tiers acquéreur de bonne foi qui ignorait l'existence d'une promesse antérieure et d'une action tendant à obtenir le retrait judiciaire non encore publiée, est opposable aux tiers dès lors qu'elle a été enregistrée à la recette principale des impôts le 26 juin 2003, alors qu'à défaut d'enregistrement, la promesse de vente du 6 août 2002 est dépourvue de date certaine, de sorte que la société Prolog-ues est mal fondée au regard de l'antériorité de l'acte de Mme Y... à se prévaloir de la vente de la chose d'autrui ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que la cession de créance consentie le 2 juin 2003 à Mme Y... n'était opposable aux tiers qu'autant qu'elle avait été signifiée au débiteur ou acceptée par lui dans un acte authentique, et, d'autre part, que les dispositions de l'article 1328 du code civil n'étaient pas applicables à l'acte du 6 août 2002 qui, étant authentique, faisait foi de sa date vis-à-vis des tiers sans avoir à être soumis à l'enregistrement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement ayant déclaré recevable l'action de la société Prolog-ues à l'égard des consorts X... l'arrêt rendu le 2 juin 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des consorts X... et de Mme Y... et les condamne, ensemble, à payer à la société Prolog-ues la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Prolog-ues.

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré opposable à la Société PROLOGUES la cession d'actions intervenue au profit de Mademoiselle Y..., et l'a par suite déboutée de l'ensemble de ses demandes, tant à l'encontre des consorts X... que de Mademoiselle Y... ;

AUX MOTIFS QU‘ « il résulte de la promesse unilatérale de vente conclue entre les consorts X... et la Société PROLOG-UES le 6 août 2002 que le promettant était tenu d'exécuter la prestation offerte sous condition d'acceptation du bénéficiaire, par la réalisation de l'acte authentique à la date convenue, faute de prévision d'un délai d'option au profit du bénéficiaire ; que le défaut de versement du prix à la date convenue ne justifie la caducité de la promesse que s'il est invoqué de bonne foi ; qu'en l'espèce, les consorts X... ne peuvent invoquer de bonne foi la défaillance du bénéficiaire au sens de l'article 1176 du Code civil quant à la non-réalisation de la condition suspensive relative au défaut de notification de l'obtention des prêts, dans la mesure où la durée de validité de la promesse était prolongée de plein droit ; qu'en effet, il était convenu que si, à la date prévue contractuellement pour la réalisation de l'acte authentique (20 décembre 2002), les divers documents nécessaires à la régularisation de la vente n 'étaient pas encore portés à la connaissance du notaire, le délai de réalisation serait automatiquement prorogé aux huit jours calendaires qui suivront la date à laquelle le notaire recevra la dernière des pièces indispensables ; que faute de retrait exercé par les consorts X... de la SAI de FONTENAY-LE-FLEURY VILLAGE avant la réitération notariée de la vente, comme ils s'y étaient engagés afin de permettre la vente des lots de copropriété, le notaire n'étant pas en possession des documents nécessaires à la réitération de la vente définitive, n'a pu régulariser l'acte au 20 décembre 2002 et la date de réalisation se trouvait automatiquement prorogée selon les termes ci-dessus rappelés ; que ce retrait avant la réitération de l'acte de vente était considéré dans la promesse de vente comme une condition suspensive, de façon que la cession se fasse sous forme de vente des lots de copropriété ; que la promesse de vente laissait la possibilité pour le bénéficiaire, à défaut de signature de l'acte authentique dans le délai prévu, de faire une offre par acte extra judiciaire ou par lettre remise au promettant, précédée ou accompagnée du versement par chèque de banque entre les mains du notaire chargé de la réalisation de la vente de la somme correspondant au prix de vente et de la justification de la disponibilité effective de ces fonds, ce qui a été fait en l 'espèce par la Société PROLOG-UES les 17 janvier et 16 avril 2003 ; que la défaillance de la condition suspensive n 'a pas eu pour effet de rendre la promesse caduque dès avant le 20 décembre 2002, dans la mesure où, selon les termes de la promesse (page 6), « toutes les conditions suspensives n'étaient pas réalisées » (défaut de retrait) et qu'il ne peut être reproché au bénéficiaire la non-signature de l'acte authentique « dans les formes et délais fixés » (20 décembre 2002), la durée de la promesse étant prorogée de plein droit aux huit jours calendaires qui suivront la date à laquelle le notaire recevra la dernière des pièces indispensables si les divers documents nécessaires à la régularisation de la vente n 'étaient pas encore portés à la connaissance du notaire, comme en l'espèce ; qu'ainsi, à la date du 8 janvier 2003, les consorts X... ne pouvaient invoquer la nullité de la promesse du fait que sa caducité n 'était pas acquise, Me C..., notaire à VERSAILLES, informant la Société PROLOG-UES dans un courrier du 10 décembre 2003 lire 2002 que la formalité du retrait devait être accomplie en mars ou avril 2003 ; qu'ainsi, l'ensemble des conditions contractuelles telles que définies n 'étant pas remplies, les consorts X... ne pouvaient être libérés de leur engagement contractuel de souscrire un avant-contrat le 31 mars 2003 puis la vente des biens litigieux le 2 juin 2003 avec Melle Y..., alors que le bénéficiaire de la promesse du 6 août 2002 était encore en droit d'exiger la réalisation de la promesse, étant rappelé que, le 21 janvier 2003, la S.C.P. BOURET – WATRELOT – TYL – FORNES, notaires à VILLEPREUX, a adressé à Me C... un projet de l'acte de retrait et qu'il est justifié en page 22 de l'acte de vente conclu avec Melle Y... que la dissolution et le partage de la société a eu lieu à l'issue de l'assemblée générale des actionnaires de la société d'attribution en date du 31 mai 2001 ; que la Société PROLOG-UES était donc en droit de poursuivre l'autre partie en exécution de la vente, dès lors qu'elle avait effectivement rempli les conditions exigées relatives à la réalisation de la promesse sur l'offre faite par le bénéficiaire (page 6) ; que les consorts X... avaient donc conféré à la Société PROLOG-UES, bénéficiaire d'une promesse de vente, un droit sur ces biens qui est antérieur à celui qui avait été constitué au profit de Melle Y..., étant rappelé que la vente à son profit (2 juin 2003) est postérieure à la délivrance des assignations contre la SAI valant notification (14 et 23 avril 2003) ; l'action exercée par la Société PROLOG-UES en délivrance de la chose vendue s 'analyse en une action mixte, s 'agissant d'une action personnelle immobilière ; que la Société PROLOG-UES prétend que Melle Y... ne peut opposer aux tiers son acte de cession du 2 juin 2003, la vente de la chose d'autrui étant nulle et ladite vente étant postérieure à la délivrance des assignations contre la SAI FONTENAY-LE-FLEURY VILLAGE, valant notification (en date des 14 et 23 avril 2003 publiées le 17 juillet 2003 à la Conservation des hypothèques de VERSAILLES) ; que la priorité entre des créanciers munis d'une garantie sujette à publicité est réglée par l'ordre des publications en vertu de l'adage : «prior tempore potior jure» ; qu'il est justifié que la cession d'actions au profit de Melle Y... en date du 2 juin 2003 a été enregistrée le 26 juin 2003 à la Recette principale de SAINT-GERMAIN Sud et est donc opposable aux tiers, alors qu'il n'est nullement justifié que la promesse du 6 août 2002 ait été enregistrée par la Société PROLOGUES lors de son acceptation (art. 37-1 ° du décret du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière ; qu'en effet, l'acte précise en page 14 que « Les présentes seront soumises à la formalité de l'enregistrement dans le délai d'un mois de ce jour. Le bénéficiaire dispense expressément le notaire de faire publier les présentes à la Conservation des hypothèques compétente, se contentant de requérir ultérieurement à cette publication s'il le juge utile, à ses frais » ; qu'à défaut d 'enregistrement, la promesse de vente du 6 août 2002 est dépourvue de date certaine et la cession d'actions intervenue au profit de Melle Y..., tiers acquéreur de bonne foi qui ignorait l'existence d'une promesse antérieure et d'une action tendant à obtenir le retrait judiciaire non encore publiée, est opposable aux tiers ; que la publication de l'assignation des 14 et 23 avril 2003, effectuée le 17 juillet 2003 à la Conservation des hypothèques de VERSAILLES, tendant à voir ordonner le retrait et la vente des lots de copropriété n'a pas pour effet de rendre opposable aux tiers la promesse de vente du 6 août 2002, étant précisé que le défaut de publication de l'assignation constitue seulement une fin de non-recevoir de l'action engagée ; que priorité doit donc être donnée au seul titre transcrit, c'est-à-dire à l'acte de cession au profit de Melle Y... en date du 2 juin 2003 régulièrement publié le 26 juin 2003 ; que la Société PROLOG-UES est donc mal fondée au regard de l'antériorité de l'acte de Melle Y... à se prévaloir de la vente de la chose d'autrui ; que le jugement sera confirmé, mais par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la Société PROLOGUES de l'ensemble de ses demandes » ;

ALORS QUE, premièrement, la cession de parts d'une société d'attribution constitue une cession de créance soumise aux dispositions des articles 1689 à 1701 du Code civil relatives au transport des créances et autres droits incorporels ; que par suite, les conflits entre cessionnaires successifs se règlent par application de la règle de l'article 1690 du Code civil, à l'exclusion des règles de droit commun gouvernant la publicité, ou encore la date certaine ; qu'en décidant cependant que priorité devait être donnée à l'acte de Mademoiselle Y... en date du 2 juin 2003, enregistré le 26 juin 2003 a la Recette principale de Saint Germain Sud, dès lors qu'il avait été enregistré et ainsi acquis date certaine en premier (arrêt, p. 10), les juges du fond ont violé les articles 1328 et 1690 du Code civil, ensemble les dispositions de la loi du 28 juin 1938 relative au statut de la copropriété des immeubles divisés par appartements ;


ALORS QUE, deuxièmement, la cession de parts sociales d'une société n'est rendue opposable aux tiers, et notamment à la société, que dans la mesure où la formalité de la signification, prévue à l'article 1690 du Code civil, a été effectuée ; que faute d'avoir recherché, ainsi pourtant que la Société PROLOG-UES les y avait invités (conclusions du 16 mars 2006, p. 20), lequel, de l'acte de cession d'actions à la Société PROLOG-UES ou à Melle Y..., avait été signifié en premier à la SAI de FONTENAY-LE-FLEURY VILLAGE, seule formalité de nature à rendre opposable la cession d'actions à la société, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1690 du Code civil, ensemble au regard des dispositions de la loi du 28 juin 1938 relative au statut de la copropriété des immeubles divisés par appartements ;


ET ALORS QUE, troisièmement, à supposer même par hypothèse que seules les règles relatives à la date certaine des actes sous seing privé soient applicables pour régler les conflits entre les deux cessionnaires successifs, de toutes façons, la promesse de la Société PROLOG-UES, datée du 6 août 2002, avait été signifiée à la SAI de FONTENAY LE FLEURY par acte d'huissier du 14 avril 2003, en sorte que l'acte avait acquis date certaine à cette date, ce qui était de nature à conduire le juge à le faire prévaloir sur l'acte de Mademoiselle Y... du 2 juin 2003, enregistré le 26 juin 2003 ; Qu'en décidant du contraire, les juges du fond ont violé les dispositions de l'article 1328 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Date certaine


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.