par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 1er juillet 2010, 09-10364
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
1er juillet 2010, 09-10.364

Cette décision est visée dans la définition :
Chose jugée




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que, suite au placement en liquidation des biens de la société Fruits et légumes X... et fils à laquelle la caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence avait consenti deux crédits, celle-ci a assigné les consorts X..., qui s'étaient portés cautions de cette société en garantie du remboursement de ces crédits, en exécution de leurs engagements ; que par jugement irrévocable du 17 mars 1995, le tribunal de commerce d'Avignon a condamné les consorts X... à payer à la banque les sommes de 800 000 francs et 1 000 000 francs et dit "que les cent bons de caisse détenus par la caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Avignon pour le compte de Claude et Yves X... doivent revenir à ces derniers pour leur montant, augmenté des intérêts conventionnels courus depuis leur dépôt entre les mains de la caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Avignon, venir à due concurrence en compensation des sommes dues à la caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Avignon" ; que les consorts X... ont ensuite assigné la banque en paiement, respectivement, des sommes de 800 000 francs et 1 000 000 francs à titre de dommages-intérêts, lui reprochant d'abord de ne pas avoir procédé au renouvellement des hypothèques prises sur les biens de la société Fruits et légumes X... et fils en garantie du crédit de 800 000 francs, ensuite de s'être abstenue de demander à la Caisse nationale de crédit agricole le remboursement des bons de caisse anonymes donnés en gage en garantie du crédit de 1 000 000 francs ;

Attendu que le moyen fait grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 23 octobre 2008) d'avoir déclaré ces demandes irrecevables en raison de l'autorité de la chose jugée par le jugement du 17 mars 1995, alors, selon le moyen :

1°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt, un jugement du 17 mars 1995, devenu définitif, a condamné les consorts X..., en leurs qualités de cautions, au paiement d'une certaine somme au profit de la banque créancière, après avoir consacré la dette en son principe et en son montant ; qu'au cours de l'instance ayant donné lieu à cette première décision, les cautions se sont bornées à discuter de la validité et de la portée de leurs engagements ; que comme le constate la cour d'appel elle-même, au cours de cette instance initiale, les consorts X... n'ont présenté aucune demande reconventionnelle tendant au paiement, par le banquier fautif, de dommages-intérêts et à la compensation entre ces dommages-intérêts et la créance de la banque; qu'il s'ensuit que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 17 mars 1995, ayant statué sur la seule demande en paiement de la banque dirigée contre les cautions, ne s'opposait pas, faute d'identité d'objet entre les deux demandes, qui n'avaient pas les mêmes fins, à la demande ultérieure des consorts X... tendant à la condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts, pas plus qu'au jeu de la compensation entre ces dommages-intérêts et la créance de la banque ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;

2°/ que seules les parties introduisent l'instance; que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande des consorts X... tendant à la condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts, fondé sur le comportement fautif de cette dernière, en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 17 mars 1995 ayant condamné les cautions au paiement de la dette principale, la cour d'appel retient notamment que, poursuivis en paiement par la banque au cours de l'instance initiale, les cautions n'avaient formé aucune demande reconventionnelle tirée de l'article 2037 du code civil ou d'un comportement fautif de la banque, tandis qu'elles auraient pu découvrir les faits de nature à justifier une telle demande ; qu'en statuant ainsi, alors que les consorts X... n'avaient aucune obligation de mettre en jeu la responsabilité de la banque dès l'instance ayant abouti à leur condamnation au paiement en qualité de cautions, la cour d'appel a violé les articles 1 et 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'il appartenait aux consorts X... de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'ils estimaient de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande ; qu'ayant relevé que, poursuivis en exécution de leurs engagements de caution, les consorts X... n'avaient développé lors de l'instance initiale que des contestations relatives à la validité et à la portée de ces engagements sans faire valoir que la banque avait engagé sa responsabilité civile à leur égard et devait être condamnée à leur payer des dommages-intérêts qui viendraient en compensation avec les condamnations prononcées à leur encontre, la cour d'appel en a exactement déduit qu'était irrecevable la demande dont elle était saisie, qui ne tendait qu'à remettre en cause, par un nouveau moyen qui n'avait pas été formé en temps utile, la condamnation irrévocable prononcée à leur encontre ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils pour les consorts X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable les demandes formées par les exposants à l'encontre du crédit agricole,

AUX MOTIFS QUE le CREDIT AGRICOLE est fondé à invoquer la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée du jugement du 17 mars 1995 ; qu'il y a lieu de relever à cet égard : -que par l'assignation du 28 juillet 1989, le CREDIT AGRICOLE a poursuivi en paiement les consorts X... en leur qualité de caution solidaire de la SA FRUITS ET LEGUMES AUDIBERT et FILS ; - que statuant sur l'assignation du 28 juillet 1989, le Tribunal de commerce d'AVIGNON a, par son jugement du 17 mars 1995, consacré le principe et le montant de la créance du CREDIT AGRICOLE à l'encontre des consorts X... ; -que le jugement du 17 mars 1995, ayant consacré le principe et le montant de la dette des consorts X... et les ayant condamné au paiement est devenu définitif ; - que par les assignations en date des 14 novembre 2001, et 10 mars 2003 et sur lesquelles le Tribunal de Commerce d'AVIGNON a statué par la décision déférée, les Consorts X... poursuivent la diminution, par compensation, de leur dette déjà fixée par une décision définitive ; que poursuivis en paiement par la banque, dès le 28 juillet 1989, les consorts X... n'ont présenté aucune défense au fond ni aucune demande reconventionnelle tirée des dispositions de l'ancien article 2037 du Code civil (art. 2315) ou d'un comportement fautif de la banque et de nature à réduire par compensation leur dette ; -que les consorts X... ne justifient d'aucune circonstance qui serait venue modifier leur situation postérieurement au jugement du 17 mars 1995, devenu définitif ; -que lors de l'instance engagée par l'assignation du 28 juillet 1989, les Consorts X... n'ignoraient nullement les garanties qu'ils avaient accordées à la banque ; -que la procédure devant le Tribunal de commerce d'AVIGNON a duré de juillet 1989 à mars 1995 ; -que les consorts X... avaient la possibilité de s'assurer du sort des garanties qu'ils avaient consenties et ce, au cours de la procédure en paiement engagée par la banque à leur encontre et qui a duré de juillet 1989 à mars 1995 ; -que les consorts X... ne rapportent pas la preuve qu'ils auraient été induits en erreur par la banque lors de l'instance ayant abouti au jugement du 17 mars 1995 et ce, sur le sort des hypothèques conventionnelles qu'ils avaient consenties en 1977 et sur celui du gage portant sur les bons anonymes ; qu'il s'ensuit que les demandes formées par les consorts X... à l'encontre du CREDIT AGRICOLE par les deux assignations des 14 novembre 2001 et 10 mars 2003 et tendant à faire diminuer par compensation le montant de leur dette déjà consacrée par la décision du 17 mars 1995 et devenue définitive sont irrecevables ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt, un jugement du 17 mars 1995, devenu définitif, a condamné les consorts X..., en leur qualité de caution, au paiement d'une certaine somme au profit de la banque créancière, après avoir consacré la dette en son principe et en son montant ; qu'au cours de l'instance ayant donné lieu à cette première décision, les cautions se sont bornées à discuter de la validité et de la portée de leurs engagements ; que, comme le constate la Cour elle-même, au cours de cette instance initiale, les consorts X... n'ont présenté aucune demande reconventionnelle tendant au paiement, par le banquier fautif, de dommages et intérêts et à la compensation entre ces dommages et intérêts et la créance de la banque ; qu'il s'ensuit que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 17 mars 1995, ayant statué sur la seule demande en paiement de la banque dirigée contre les cautions , ne s'opposait pas, faute d'identité d'objet entre les deux demandes, qui n'avaient pas les mêmes fins, à la demande ultérieure des consorts X... tendant à la condamnation de la banque au paiement de dommages et intérêts, pas plus qu'au jeu de la compensation entre ces dommages et intérêts et la créance de la banque ; qu'en décidant le contraire, la Cour viole l'article 1351 du Code civil ;


ALORS, D'AUTRE PART, QUE seules les parties introduisent l'instance ; que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande des consorts X... tendant à la condamnation de la banque au paiement de dommages et intérêts, fondé sur le comportement fautif de cette dernière, en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement du 17 mars 1995, ayant condamné les cautions au paiement de la dette principale, la Cour retient notamment que, poursuivis en paiement par la banque au cours de l'instance initiale, les cautions n'avaient formé aucune demande reconventionnelle tirée de l'article 2037 du Code civil ou d'un comportement fautif de la banque, tandis qu'elles auraient pu découvrir les faits de nature à justifier une telle demande ; qu'en statuant ainsi, alors que les consorts X... n'avaient aucune obligation de mettre en jeu la responsabilité de la banque dès l'instance ayant aboutit à leur condamnation au paiement en qualité de caution, la Cour viole les articles 1 et 4 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.



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Cette décision est visée dans la définition :
Chose jugée


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.