par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 3, 15 septembre 2010, 09-68521
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
15 septembre 2010, 09-68.521
Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 mars 2009) que, par acte authentique du 9 mai 2006, M. Claude X..., venu en qualité d'héritier aux droits de M. Guiseppe X..., titulaire depuis le 1er janvier 1998 d'un bail portant sur des locaux à usage commercial, a donné en location-gérance à la société Multiprix le fonds de commerce qui y était exploité ; que cet acte a été notifié le 26 mai 2006 à la bailleresse, Mme Y... ; que, par acte du 27 juin 2006, cette dernière a délivré à M. Claude X... un congé portant refus de renouvellement sans indemnité d'éviction pour motifs graves et légitimes, puis a assigné M. X... et la société Multiprix en validation de ce congé et en expulsion ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et de dire que M. X... peut prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction et au droit au maintien dans les lieux alors, selon le moyen :
1°/ que le fonds de commerce disparait à la suite de la perte de sa clientèle et ne peut, alors, faire l'objet d'un contrat de location-gérance ; que la seule situation d'un local est impuissante à constituer une clientèle ; qu'en décidant néanmoins qu'au regard de la situation du local loué et de la nature du commerce qui y était pratiqué, le fonds de commerce disposait nécessairement d'une clientèle, comme tous les commerces de même nature exploités dans la ville, pour en déduire que la clientèle n'avait pu être perdue à la suite de la fermeture prolongée du fonds et que celui-ci avait pu faire l'objet d'un contrat de location-gérance, qui ne pouvait dès lors être requalifié en sous-location prohibée, la cour d'appel a violé les articles L. 144-I et L. 141-5 du code du commerce ;
2°/ que le bénéfice du statut des baux commerciaux ne peut être accordé à un locataire qui n'est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés à la date de la délivrance du congé par le bailleur ; que si, lorsque le fonds de commerce a été donné en location-gérance, le bailleur du fonds ne doit pas nécessairement être immatriculé, le locataire gérant doit, en revanche, être inscrit au registre du commerce et des sociétés à la date de la délivrance du congé, à défaut de quoi le preneur du fonds ne peut se prévaloir, à l'égard de son bailleur, du statut des baux commerciaux et prétendre au renouvellement du bail ; qu'en décidant néanmoins que, bien que n'étant pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés, M. X... était en droit de se prévaloir du statut des baux commerciaux pour prétendre au renouvellement du bail, dès lors qu'il avait donné le fonds de commerce en location-gérance, sans rechercher si le locataire-gérant, la société Multiprix, était immatriculé au registre du commerce et des sociétés à la date de la délivrance du congé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 123-1, L. 144-2 et L. 145-I du code du commerce ;
Mais attendu, d'une part, que la cessation temporaire d'activité n'implique pas en elle-même la disparition de la clientèle ; qu'ayant relevé souverainement que l'interruption temporaire d'exploitation à la suite du décès de l'exploitant n'avait pas affecté l'achalandage attaché au fonds en raison de l'activité exercée concernant en quasi totalité la clientèle de passage constituée par les pèlerins venant à Lourdes et que, tout comme l'achalandage, la clientèle du fonds n'avait pas davantage pâti de l'interruption de l'exploitation, s'étant naturellement reconstituée dès la réouverture du fonds au public, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'existence d'une clientèle actuelle et certaine et non future ou potentielle, en a déduit, à bon droit, que le fonds de commerce litigieux n'avait pas disparu à la date de la conclusion du contrat de location-gérance ;
Attendu, d'autre part, que le défaut d'immatriculation du locataire-gérant d'un fonds de commerce au registre du commerce et des sociétés à la date de délivrance du congé au preneur à bail des locaux où est exploité ce fonds n'est pas de nature à priver ce preneur du bénéfice du statut des baux commerciaux ; que la cour d'appel a exactement retenu, sans être tenue de rechercher si le locataire-gérant avait effectué à la date de délivrance du congé les diligences lui incombant en matière d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, qu'en vertu de l'article L. 145-I-II du code de commerce, M. Claude X..., propriétaire du fonds de commerce donné en location-gérance, n'avait pas besoin d'être immatriculé pour bénéficier du statut des baux commerciaux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils pour Mme Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondé, le congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime délivré par Mademoiselle Dominique Y... à Monsieur Claude X... le 27 juin 2006 pour motif grave et légitime, ayant pour objet des locaux situés ..., d'avoir décidé que Monsieur X... est en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement et défini conformément à l'article L 145-14 du Code de commerce, puis d'avoir décidé qu'il a droit au maintien dans les lieux, aux clauses et conditions du contrat expiré et ce, par application et selon les conditions de l'article L 145-28 du Code de commerce ;
AUX MOTIFS QUE le contrat du 9 mai 2006 conclu entre Monsieur Claude X... et la S.A.R.L. MULTIPRIX, porte de manière expresse conclusion d'une location-gérance relativement au fonds de commerce d'articles de Paris, articles souvenirs et religieux, confiserie, etc... sis ... comprenant les éléments suivants :
"la clientèle, l'enseigne, le nom commercial et l'achalandage y attachés ", "le droit à la jouissance des lieux où est exploité le fonds pour toute la durée du présent contrat..." ;
que des indications de cet acte, il ressort encore qu'à sa date, mais aussi depuis le décès de Madame Odette Z..., survenu le 22 décembre 2005, Monsieur Claude X... s'est trouvé seul héritiers des droits ayant appartenu à Monsieur Guiseppe X..., précédemment décédé le 18 juin 2004 ;
que tous moyens pris du défaut d'immatriculation de Monsieur Claude X... au Registre du Commerce et des Sociétés s'avère inutile et infondée, alors,
qu'il est constant qu'il n'a personnellement pas exploité le fonds, ce que sa profession lui aurait interdit de faire,
que la validité du contrat de location gérance ne saurait être mise en cause de ce fait, les dispositions de l'article L. 144-5, I, 5°, du code de commerce, disposant que l'article L. 144-3 dudit code n'est pas applicable "aux héritiers ou légataires d'un commerçant ou artisan décédé... en ce qui concerne le fonds recueilli",
que, si l'article L. 145-1, I, du code de commerce dispose que le statut des baux commerciaux est applicable, que le fonds appartienne "soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce... ", en vertu toutefois de l'article L. 145-1, II, le propriétaire d'un fonds de commerce qui a donné celui-ci en location gérance n'a pas besoin d'être immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers pour bénéficier du statut,
que l'appréciation qu'il y a lieu de faire du droit au bénéfice du statut, en relation avec l'exigence d'immatriculation, devant être faite à la date de la délivrance du congé, comme à celle où il a pris effet, et alors que le contrat de location-gérance ayant été conclu et notifié à Mademoiselle Dominique Y... avant la date de délivrance du congé, celle-ci est mal fondée à invoquer un défaut d'immatriculation de Monsieur Claude X..., qui aurait été antérieur au contrat de location gérance ;
qu'en considération de ce qui constituait l'objet de l'exploitation du fonds, telle qu'elle en avait été faite par M. Guiseppe X... et selon ce qui était autorisé par le bail, reprise à l'identique par la S.A.R.L. MULTIPRIX, il ne saurait être considéré qu'une interruption temporaire d'exploitation, se serait-elle prolongée pendant deux ou trois ans, aurait de quelque manière que ce soit affecté l'achalandage attaché au fonds par le simple effet de sa localisation rue de la Grotte, tandis que par la nature et la destination des produits qui y sont vendus, l'activité exercée concerne en sa quasi-totalité la clientèle de passage constituée par les pèlerins venant à Lourdes ; que le caractère essentiel et déterminant de cet achalandage ne saurait conduire à la négation en l'espèce de l'existence effective d'un fonds de commerce, qui remettrait en cause, contre toute vérité commerciale locale, la commercialité, comme la propriété commerciale d'une très large partie des commerces de la ville, hormis le cas spécifique des boutiques d'hôtels, et ayant pour objet de s'adresser précisément et clans les mêmes conditions à cette clientèle de pèlerins ; que tout au contraire, y a-t-il lieu de retenir, en considération aussi du très grand nombre de commerce ayant ce même objet implantés de manière très dense et très souvent en situations contiguës dans diverses rues de la ville et principalement dans cette rue de la Grotte, que leur clientèle se différencie, à partir de cet achalandage commun, en fonction de la présentation plus ou moins attractive des vitrines de ces divers commerces, de l'aspect plus ou moins avenant des personnels de vente et, le cas échéant de leur politique de prix, clientèle qui naît avec et se dissipe après le premier achat et sans cesse renouvelée ; qu'ainsi, tout comme l'achalandage, la clientèle du fonds n'a pas davantage pâti de l'interruption de l'exploitation, s'étant naturellement trouvée reconstituée dès la réouverture du fonds au public ; qu'ainsi, non seulement, n'y a-t-il pas lieu de considérer que le fonds aurait effectivement disparu par l'effet de sa non-exploitation, pas plus qu'il n'y a lieu de retenir que le contrat de location-gérance ne constituerait en réalité qu'une sous-location prohibée ; que s'agissant d'apprécier les manquements qui seraient imputables à Monsieur Claude X... et son auteur, relativement aux obligations nées du bail, tenus encore par la bailleresse comme causes graves et légitimes d'un refus de renouvellement du bail sans offre d'une indemnité d'éviction, et par Monsieur Claude X... comme ayant procédé de circonstances invoquées comme sérieuses et légitimes, il peut être relevé :
que le défaut de paiement des loyers avait été occasionné par l'arrêt de l'exploitation consécutif à la maladie, puis au décès de l'exploitant et qui avait ensuite accompagné les vicissitudes du règlement de sa succession, dans un temps où Monsieur Claude X... avait envisagé la cession du fonds ou du droit au bail,
qu'il y a été mis fin, le paiement de l'arriéré étant réalisé en son intégralité, dans le mois du commandement de payer visant la clause résolutoire que Mademoiselle Dominique Y... avait fait délivrer à Monsieur Claude X... le 12 avril 2006,
qu'il a de même été mis fin dans le mois de ce commandement au défaut d'exploitation du fonds, selon ce qui a été constaté par procès-verbal d'huissier de justice le 11 mai 2006, après embauche d'une employée par la S.A.R.L. MULTIPRIX le 9 mai 2006 et approvisionnement d'ores et déjà réalisé en marchandises,
que Mademoiselle Dominique Y... apparaît mal venue et mal fondée, en application de l'article L. 145-17, 1, 1°, à faire encore reproche de ce défaut de paiement des loyers, comme de ce défaut d'exploitation antérieur du fonds, alors qu'elle a accordé, par son commandement, un délai à Monsieur Claude X... pour régulariser sa situation et qu'il s'y est conformé,
que, si elle prétend que les locaux n'auraient été qu'épisodiquement exploités par la S.A.R.L. MULTIPRIX depuis lors, Mademoiselle Dominique Y... ne verse aux débats aucun élément de preuve de nature à justifier cette allégation, devant encore à cet égard être considéré le caractère saisonnier de ce type de commerce à Lourdes ; qu'il apparaît de surcroît et surabondamment que les causes et conditions de l'interruption de l'exploitation, qui trouvent leur origine dans la maladie et le décès de l'exploitant et les difficultés rencontrées pour organiser sa succession, comme les conditions juridiques de la poursuite de l'exploitation, doivent être admises comme ayant constitué des raisons sérieuses et légitimes d'interruption, qui, font obstacle à ce que celle-ci puisse être retenue comme constitutive d'une cause grave qui rendrait légitime le refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction, tandis qu'il apparaît, en toute hypothèse, que, hormis le retard de paiement des loyers qui a été réparé, cette interruption d'exploitation ne faisait aucun grief à la bailleresse, dont la valeur locative de son local demeurait inchangée ; que dans ces conditions, le refus de renouvellement ayant produit ses effets au terme du bail, le 31 décembre 2006, il y a lieu de ne pas faire droit à la demande de Mademoiselle Dominique Y... tendant à voir valider le refus d'une offre d'indemnité d'éviction, à laquelle Monsieur Claude X... se trouve ainsi en droit de prétendre, en application de l'article L. 145-14 du Code de commerce ;
1°) ALORS QUE le fonds de commerce disparaît à la suite de la perte de sa clientèle et ne peut, alors, faire l'objet d'un contrat de location-gérance ; que la seule situation d'un local est impuissante à constituer une clientèle ; qu'en décidant néanmoins qu'au regard de la situation du local loué et de la nature du commerce qui y était pratiqué, le fonds de commerce disposait nécessairement d'une clientèle, comme tous les commerces de même nature exploités dans la ville, pour en déduire que la clientèle n'avait pu être perdue à la suite de la fermeture prolongée du fonds et que celui-ci avait pu faire l'objet d'un contrat de location-gérance, qui ne pouvait dès lors être requalifié en sous-location prohibée, la Cour d'appel a violé les articles L 144-1 et L 141-5 du Code de commerce ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, le bénéfice du statut des baux commerciaux ne peut être accordé à un locataire qui n'est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés à la date de la délivrance du congé par le bailleur ; que si, lorsque le fonds de commerce a été donné en location-gérance, le bailleur du fonds ne doit pas nécessairement être immatriculé, le locataire gérant doit, en revanche, être inscrit au registre du commerce et des sociétés à la date de la délivrance du congé, à défaut de quoi le preneur du fonds ne peut se prévaloir, à l'égard de son bailleur, du statut des baux commerciaux et prétendre au renouvellement du bail ; qu'en décidant néanmoins que, bien que n'étant pas immatricule au registre du commerce et des sociétés, Monsieur X... était en droit de se prévaloir du statut des baux commerciaux pour prétendre au renouvellement du bail, dès lors qu'il avait donné le fonds de commerce en location-gérance, sans rechercher si le locataire-gérant, la Société MULTIPRIX, était immatriculée au registre du commerce et des sociétés à la date de la délivrance du congé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 123-1, L 144-2 et L 145-1 du Code de commerce.
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.