par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 14 octobre 2010, 09-12921
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
14 octobre 2010, 09-12.921

Cette décision est visée dans la définition :
Intérêts moratoires




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que selon contrat du 11 octobre 2001, la société Cabinet Paul Bourdier (la société Paul Bourdier), courtier en assurance, a confié à la société Mieux assuré défendu (la société MAD) la gestion de son portefeuille ; qu'en contrepartie, celle-ci s'est engagée à régler les charges et à verser à la société Paul Bourdier une rétrocession de commission fixée à 30% du chiffre d'affaires après avoir conservé un montant minimum de 1 million de francs par période de douze mois ; qu'enfin, les parties ont conclu une promesse de cession et d'achat du portefeuille ; que faisant valoir que la société Paul Bourdier, qui avait continué à percevoir les primes des clients et les commissions des compagnies d'assurance, n'avait pas respecté le contrat, la société MAD a sollicité la résiliation du contrat aux torts de la société Paul Bourdier ; que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le contrat nul et a condamné la société Paul Bourdier à rembourser à la société MAD la somme de 19 818,37 euros qui avait été versée à titre de garantie ;

Sur les deux premiers moyens :

Attendu qu'aucun de ces moyens ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1153, alinéa 3, du code civil ;

Attendu que pour débouter la société MAD de sa demande tendant à la fixation au jour de la mise en demeure du 11 octobre 2002, et subsidiairement à compter de la mise en demeure du 8 juillet 2003, du point de départ des intérêts au taux légal produits par la somme de 19 818,37 euros dont elle ordonnait la restitution par la société Paul Bourdier, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que la demande d'intérêts formée par la société MAD reposait sur son exigence de voir la convention appliquée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, comme en l'espèce, la créance d'une somme d'argent née et déterminée dans son montant antérieurement à toute décision du juge qui se borne à la constater, porte intérêts à compter de la sommation de payer ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Cabinet Paul Bourdier à payer à la société MAD la somme de 19 318,37 euros, l'arrêt rendu le 20 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Cabinet Paul Bourdier aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par de Me Odent, avocat aux Conseils pour la société Mieux assuré défendu (MAD).

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé, pour défaut de cause, la convention de gestion liant un courtier (la société CABINET PAUL BOURDIER) à une société ayant pour objet la prise de participation dans des sociétés de courtage d'assurances (la société MIEUX ASSURE DEFENDU) ;

AUX MOTIFS QUE la société MAD sollicitait devant la cour la résiliation de la convention, tandis que la société PAUL BOURDIER demandait la confirmation du jugement ayant annulé cette convention ; que la cour n'était saisie que de la question de la nullité ou de la résiliation de la convention de gestion ; que la convention de gestion stipulait que : « En cas d'inexécution d'une seule des conditions des présentes conventions, et notamment en cas de non-paiement à son échéance d'un seul terme des rétrocessions convenues, les présentes convention de gestion et de développement seront résiliées de plein droit, si bon semble à la société Cabinet Paul BOURDIER », et sans qu'il soit nécessaire d'entreprendre aucune formalité, un mois après une sommation de payer ou d'exécuter demeurée infructueuse » ; que, le 4 avril 2003, la société PAUL BOURDIER avait adressé une lettre recommandée avec accusé de réception à la société MAD, prononçant la résiliation immédiate de la convention, aux motifs que la société MAD ne réglait pas les charges et ne respectait pas ses obligations tenant à la tenue d'une comptabilité régulière et à la reprise du personnel ; que, toutefois, cette résiliation immédiate n'était pas conforme aux stipulations contractuelles, faute d'avoir été précédée d'une sommation de payer ou d'exécuter demeurée infructueuse ; que la convention de gestion prévoyait que la société MAD acquitterait toutes les charges ; qu'elle comportait un paragraphe « Rétrocession de commissions » qui mentionnait : « La présente convention de gestion est consentie et acceptée moyennant une rétrocession de commissions égale à 30 % du chiffre d'affaires généré par le portefeuille de clients géré et payable le 15 de chaque mois sur la base du montant des commissions encaissées et nettes de rétrocession par la société MAD SARL au titre du mois précédent, étant entendu que le montant minimum de commissions conservées par la société MAD SARL sera au moins égal à UN MILLION DE FRANCS (1.000.000 F) par période de 12 mois » ; qu'il ressortait de ces stipulations que les parties étaient convenues, et elles ne le contestaient pas, que la société MAD encaissait les commissions et en rétrocédait 30 % à la société PAUL BOURDIER ; que cette dernière avait conservé les commissions, tandis que la société MAD n'avait pas réglé les charges du cabinet ; que la société MAD avait signé une convention par laquelle elle s'engageait à percevoir des commissions, alors qu'elle savait pertinemment que cela ne lui était pas possible ; qu'elle ne pouvait prétendre que la société PAUL BOURDIER avait accepté qu'elle exerce sa gestion sous son code courtier, une telle stipulation ne ressortant nullement de la convention ; qu'elle n'avait pas assuré le paiement des charges ; que la société PAUL BOURDIER avait, pour sa part, perçu l'intégralité des commissions, sans rien rétrocéder à la société MAD ; qu'elle reprochait à cette dernière de ne pas avoir réglé sur ses fonds propres les dépenses comme la convention l'y obligeait ; que, toutefois, la convention ne prévoyait nullement l'apport de fonds propres par la société MAD, son économie générale montrant qu'elle devait régler les charges compte tenu des encaissements qu'elle opérait ; qu'il apparaissait, ainsi que le tribunal l'avait exactement retenu, que la convention était nulle, en vertu de l'article 1131 du code civil, dès lors que les parties savaient pertinemment, lors de sa conclusion, que la société MAD ne disposait pas du code courtier nécessaire au fonctionnement des opérations financières (attestation de M. Y..., intermédiaire entre les deux sociétés, selon laquelle la société PAUL BOURDIER avait parfaitement connaissance de ce fait) et que la convention ne prévoyait pas une rétrocession des fonds à la société gérante, ce que la société PAUL BOURDIER n'avait nullement l'intention de faire et n'avait pas fait ; que la convention devait donc être annulée en conséquence du comportement fautif de chacune des parties ;

1°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige, tels qu'ils ont été fixés par les parties ; qu'en l'espèce, la cour, qui a annulé la convention de gestion liant la société MAD à la société CABINET PAUL BOURDIER, alors que les deux parties avaient, en appel comme devant les premiers juges, seulement demandé sa résolution aux torts de l'autre, a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour qui, avant de retenir l'impossibilité, pour la société MAD, de réaliser le contrat, faute, pour elle, de détenir un code courtier, n'a pas répondu aux conclusions de la société MAD, ayant soutenu que l'usage d'un code courtier ne lui était nullement indispensable, puisque sa mission était seulement de gérer le portefeuille dont la société CABINET PAUL BOURDIER était restée propriétaire, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ ALORS QUE le refus d'exécuter de bonne foi une convention ne peut être assimilé à un objet impossible ; qu'en l'espèce, la cour, qui a annulé la convention de gestion pour défaut de cause, alors qu'il s'agissait seulement d'un refus de la société CABINET PAUL BOURDIER d'exécuter son obligation, rien n'empêchant, à supposer même que l'usage d'un code courtier eût été nécessaire au courtier gestionnaire, le courtier propriétaire de transmettre son code courtier à la société MAD ou d'encaisser les commissions pour les reverser à cette dernière, la rétrocession d'honoraires de 30 % constituant alors la cause de l'obligation de la société CABINET PAUL BOURDIER, a violé l'article 1131 du code civil.

4°/ ALORS QUE l'action en nullité d'une convention est enfermée dans un délai de prescription de cinq ans ; qu'en conséquence la nullité d'une convention en date du 11 octobre 2001 ne pouvait pas être prononcée d'office par le juge le 18 octobre 2006 ; qu'en confirmant le jugement qui avait prononcé d'office cette nullité qui n'avait jamais été invoquée avant cette date par les parties, l'arrêt attaqué a violé l'article 1304 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un gestionnaire de portefeuille d'assurance (la société MAD) de sa demande en indemnisation des préjudices qui lui avaient été causés par le propriétaire du portefeuille (la société CABINET PAUL BOURDIER) ;

AUX MOTIFS QUE la convention étant annulée en conséquence du comportement fautif de chacune des parties, la société MAD ne pouvait plus s'en prévaloir pour réclamer les commissions pour la période du 1er janvier 2002 au 4 avril 2003 ou des dommages-intérêts pour non-versement des commissions pour la période du 4 avril 2003 au 31 octobre 2004 ; que la demande de la société MAD d'allocation de la somme de 150.000 € en réparation du préjudice commercial qu'elle avait subi, lié à son absence de développement, ne pouvait prospérer, dans la mesure où l'échec de la convention lui était imputable tout autant qu'à la société PAUL BOURDIER ; que, sur la demande de la société MAD d'allocation de la somme de 78.000 € pour non-réalisation de la cession de portefeuille, le tribunal avait exactement retenu que la promesse de cession était soumise à conditions suspensives et notamment à l'obtention, par la société MAD, d'un prêt bancaire et à l'engagement de cette dernière de faire les démarches nécessaires au plus tard le 15 juillet 2004 pour obtenir le prêt, ce que la société MAD ne justifiait pas avoir fait ;

1°/ ALORS QUE la faute de la victime d'un préjudice n'exclut son indemnisation que si cette faute constitue la cause exclusive du dommage ;
qu'en l'espèce, la cour qui, après avoir relevé les fautes des sociétés MAD et CABINET PAUL BOURDIER, a cependant, pour ce seul motif, exclu toute indemnisation de la société MAD, a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ ALORS QUE la partie qui a empêché la réalisation d'une convention en doit réparation à l'autre ; qu'en l'espèce, la cour, qui a refusé toute indemnisation à la société MAD, au titre de la non-réalisation de la cession de portefeuille, prétexte pris de ce que les conditions suspensives contenues dans la promesse synallagmatique de vente avaient défailli, sans rechercher si ce n'était pas la société CABINET PAUL BOURDIER qui avait empêché la réalisation de ces conditions, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;

3°/ ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour, qui a omis de répondre au moyen de la société MAD, tiré de l'enrichissement sans cause de la société CABINET PAUL BOURDIER, a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait refusé d'ordonner le prononcé d'intérêts, affectant l'obligation d'un courtier (la société CABINET PAUL BOURDIER) de restituer le dépôt de garantie qui lui avait été remis par le gestionnaire de son portefeuille (la société MAD) ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE la demande d'intérêts formulée par la société MAD reposait sur son exigence de voir la convention appliquée ;


ALORS QUE les intérêts affectant la restitution d'une somme d'argent courent depuis la sommation de payer ; qu'en l'espèce, la cour qui, à la suite des premiers juges, a refusé d'assortir d'intérêts, à compter de la sommation de payer, la restitution du dépôt de garantie accordée à la société MAD, a violé l'article 1153 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.