par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 10 novembre 2010, 10-60104
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Cour de cassation, chambre sociale
10 novembre 2010, 10-60.104

Cette décision est visée dans la définition :
Délégué syndical




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 2143-3 du code du travail, ensemble l'article L. 2327-1 du même code ;

Attendu que la reconnaissance d'un établissement distinct pour la mise en place d'un comité d'établissement permet nécessairement la désignation d'un délégué syndical dans ce même périmètre ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que les mutuelles Prévéanor, Prévéa et Arc en ciel, dont le siège était respectivement à Valenciennes, Arras et Saint-Quentin, ont fusionné pour donner naissance à la mutuelle Apréva le 17 octobre 2007, des accords ayant prévu le maintien de comités d'établissements et de délégués du personnel pour les sites de chacune de ces mutuelles ; que la Fédération nationale CGT des organismes sociaux a désigné Mme X... en qualité de déléguée syndicale de l'établissement de Saint-Quentin par lettre du 3 septembre 2009, désignation que l'employeur a contestée ;

Attendu que pour décider que l'établissement de Saint-Quentin ne constitue pas un établissement distinct et annuler la désignation de Mme X..., le tribunal retient d'abord que la définition de l'établissement distinct étant une notion fonctionnelle dépendant de la nature de l'institution en cause, la reconnaissance conventionnelle d'établissements distincts pour l'élection des délégués du personnel et de comité d'établissement n'implique pas " de facto " qu'un délégué syndical d'établissement puisse être désigné dans le même cadre ; qu'il retient ensuite que l'existence de trois sites n'est pas déterminante et qu'il est nécessaire qu'il y ait en présence sur place un représentant de l'employeur chargé d'organiser le travail, ce qui n'est pas le cas compte tenu de l'organisation fonctionnelle de la nouvelle entreprise par services dirigés par un directeur, sans coïncidence avec les lieux de travail ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'il avait constaté l'existence d'un comité d'établissement sur le site de Saint-Quentin, le tribunal a violé les textes susvisés ;

Vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que la demande des mutuelles Apréva et Apréva réalisation mutualistes relative à l'incompétence du tribunal d'instance pour statuer sur la question de discrimination est sans objet ; le jugement rendu le 29 janvier 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance de Saint-Quentin ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Valide la désignation de Mme X... comme déléguée syndicale de l'établissement de Saint-Quentin et de la mutuelle Apréva ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les mutuelles Apréva et Apréva réalisations mutualistes à payer à Mme X... et à la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour Mme X... et la Fédération CGT des organismes sociaux.

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé la désignation de madame X... en qualité de déléguée syndicale CGT sur le site de Saint-Quentin ;

AUX MOTIFS QUE les Mutuelles Prévanor, Prévéa et Arc-en-Ciel, dont les sièges sociaux respectifs étaient fixés à Valenciennes, Arras et Saint-Quentin ont fusionné à effet du 14 octobre 2007 pour devenir la nouvelle Mutuelle Apréva dont le siège social est situé à Lille ; qu'en parallèle, la Mutuelle Prévanor Réalisations Mutualistes qui avait constitué une unité économique et sociale par protocole d'accord du 25 juin 2003 avec la Mutuelle Prévanor a changé de dénomination sociale pour adopter la nouvelle dénomination Apréva Réalisations Mutualistes et a réitéré la constitution de l'unité économique et sociale par protocole d'accord du 27 mai 2008 ; que, par lettre du 3 septembre 2009 reçue le 8 septembre 2009, la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux a notifié à la direction des ressources humaines Apréva la désignation de madame X... en qualité de « déléguée syndicale de l'établissement de Saint-Quentin » ; que par requête déposée au greffe en date du 21 septembre 2009, la Mutuelle Apréva et la Mutuelle Apréva Réalisations Mutualistes ont saisi le tribunal d'instance d'un recours en annulation de la désignation de madame X..., en qualité de déléguée syndicale (cf. jugement p. 2 § 1 à 4) ; qu'en vertu des dispositions de l'article L. 2143-3 du code du travail, chaque syndicat représentatif qui constitue une section syndicale dans les établissements de cinquante salariés ou plus désigne, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour les représenter auprès de l'employeur ; que la jurisprudence rappelle premièrement que l'établissement distinct étant une notion fonctionnelle qui dépend de la nature de l'institution, la reconnaissance par l'employeur de l'existence d'un établissement distinct pour l'élection de délégués du personnel n'implique pas que la désignation des délégués syndicaux puisse être effectuée dans le même cadre (Cass., Soc., 26 mai 1999) ; que dès lors, le moyen tiré de l'existence de protocoles d'accord de 2007 concernant les comités conventionnels d'établissement et le comité central d'entreprise ne peut de facto valoir reconnaissance d'un établissement distinct comme cadre de désignation d'un délégué syndical ; que de même, la jurisprudence considère que la distance géographique n'est pas à elle seule suffisante pour démontrer qu'il y a établissement distinct (Cass., Soc., 15 décembre 2004 et 22 juin 2005), qu'ainsi, s'il existe bien trois sites géographiques résultant de la fusion des trois Mutuelles, cet élément n'est pas non plus déterminant dans la reconnaissance dudit établissement ; que selon la jurisprudence, l'établissement distinct pour la désignation des délégués syndicaux se caractérise par « le regroupement, sous la direction d'un représentant de l'employeur, d'au moins cinquante salariés constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, peu important que le représentant de l'employeur ait le pouvoir de se prononcer sur ces revendications » (Cass., Soc., 24 avril 2003, 29 octobre 2003 et 13 septembre 2005) ; que s'agissant de la présence d'un représentant de l'employeur au sein du site, l'établissement n'est pas déterminé par son autonomie d'organisation et la présence à sa tête d'une autorité hiérarchique, peu importe dès lors que le représentant de l'employeur n'ait pas le pouvoir de satisfaire les revendications qui pourraient être émises (Cass., Soc., 24 avril 2003) ; qu'il est cependant nécessaire qu'il y ait une présence sur place d'un « représentant de l'employeur chargé d'organiser le travail » (Cass., Soc., 2 octobre 2001) ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments du dossier qu'il y a sur le site de Saint-Quentin la présence de madame Virginie Z..., directrice des ressources humaines, tout comme il est constaté la présence de Patrick A..., directeur général sur le site de Valenciennes, et celle de Michel B..., directeur chargé de l'organisation des systèmes d'information et de production, Thierry C... chargé de la direction administrative et financière et Daniel D..., directeur général adjoint à Arras ; que cependant, l'organigramme présentant l'organisation du travail de chacun des services, permet au tribunal de constater que la structuration interne est centralisée, avec à la tête de chacun des services les directeurs précités, qui ne coïncide cependant pas avec les sites géographiques, de sorte que l'organisation est propre à chaque service et non à chaque lieu de travail, et que chacun des directeurs est amené à organiser le travail de salariés qui dépendent « fonctionnellement » de son service mais qui peuvent, notamment, se trouver physiquement sur un autre site que le sien ; qu'en conséquence, cette condition n'est pas remplie ; que concernant la condition de communauté de travail, elle n'est pas davantage remplie, d'une part eu égard à l'absence de concordance entre les sites géographiques et les différents services, telle qu'elle est exposée cidessus, et d'autre part, eu égard au fait que, même si les missions sont différentes pour chacun des salariés selon le service dont ils dépendent, il n'est pas établi que les salariés du site de Saint-Quentin ont des conditions de travail spécifiques, différentes des autres sites, ni qu'ils subissent des contraintes techniques particulières par rapport aux salariés de Arras ou encore Valenciennes, susceptibles de générer des revendications propres à ces derniers ; qu'ainsi faute d'existence d'un établissement distinct sur le site de Saint-Quentin, madame X... ne pouvait être désignée en qualité de déléguée syndicale CGT ; que sa désignation sera donc annulée (cf. jugement p. 4 et p. 5 § 1) ;

1°) ALORS QUE caractérise un établissement distinct permettant la désignation des délégués syndicaux, le regroupement d'au moins cinquante salariés, constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres et travaillant sous la direction d'un représentant de l'employeur dont les pouvoirs peuvent être limités à l'organisation du travail ; que pour dire que le site de Saint-Quentin ne constituait pas un établissement distinct, le tribunal d'instance a retenu que l'organisation du travail est propre à chaque service, avec un directeur à sa tête, mais non à chaque lieu de travail, de sorte que chacun des directeurs est amené à organiser le travail de salariés qui dépendent fonctionnellement de son service mais peuvent se trouver physiquement sur un autre site que le sien ; qu'en se prononçant par ce motif inopérant sans rechercher si madame Virginie Z..., dont il constatait la présence sur le site de Saint-Quentin, n'avait pas, en sa qualité de directrice adjointe, chargée des ressources humaines, le pouvoir sinon d'organiser le travail sur ce site du moins de recevoir les revendications, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail ;

2°) ALORS QUE dans leurs conclusions en réponse (p. 17 réponse 11), la Fédération CGT des organismes sociaux et madame X... faisaient valoir qu'étaient présents sur le site de Saint-Quentin la directrice adjointe chargée des ressources humaines, la responsable des ressources humaines, le directeur de la communication et son attachée, le directeur informatique, le responsable du service « adhérents » et du service « mutassist » ainsi que la responsable du service « Pôle Editique » ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions d'où il résultait la présence sur le site de représentants de l'employeur chargés d'organiser le travail, le tribunal d'instance a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en s'abstenant de prendre en considération d'une part la circonstance que les trois sites de Valenciennes, Arras et Saint-Quentin correspondent aux sièges des trois mutuelles ayant fusionné qui présentent chacune une culture d'entreprise et une histoire différentes, d'autre part l'existence de comités conventionnels d'établissement (reconnus par un accord du 23 mai 2007) permettant à chacun d'entre eux de résoudre les questions liées aux conditions et à l'organisation du travail et justifiant ainsi d'une autonomie certaine en matière de gestion de personnel, éléments d'où résultait l'existence de communautés de travailleurs ayant des intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-3 du code du travail ;

4°) ALORS QU'en retenant qu'il n'était pas établi que les salariés du site de Saint-Quentin ont des conditions de travail spécifiques différentes des autre sites ni qu'ils subissent des contraintes techniques particulières par rapport aux salariés des autres sites sans répondre aux conclusions des exposants (incluses dans les conclusions des mutuelles, p. 17, réponse 11) faisant valoir que de nombreux services répondent aux problèmes spécifiques du site de Saint-Quentin-ressources humaines, service adhérents, accueil-et que deux d'entre eux, le service mutassist (aide à la personne) et le service « Pôle Editique » n'existaient que sur ce site, le tribunal a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Délégué syndical


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.