par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 15 décembre 2010, 09-68076
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
15 décembre 2010, 09-68.076
Cette décision est visée dans la définition :
Régimes matrimoniaux
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte notarié du 2 avril 1997, Jacques X... a fait donation à son épouse, Mme Y..., de l'usufruit de leur résidence principale de Saint-Quentin ainsi que des meubles la garnissant, l'acte précisant qu'il privait son épouse de la "jouissance légale" ; que, par acte notarié du 3 novembre 1999, il a fait donation à son épouse de l'usufruit de l'appartement de Cannes, un testament olographe du même jour confirmant cette donation et révoquant la donation du 2 avril 1997 ; que, par acte notarié du 5 juin 2001, il a confirmé la donation du 3 novembre 1999, et déclaré priver son épouse de la "jouissance légale prévue par l'article 767 du code civil" ; que Jacques X... est décédé le 7 avril 2003, en laissant d'une part, son épouse et, d'autre part, deux enfants issus d'une première union et deux petits-enfants, venant à sa succession par représentation de leur mère prédécédée (consorts X...) ; que Mme Y... a assigné les consorts X... en liquidation et partage de la succession pour obtenir, sur le fondement de la loi du 3 décembre 2001, le quart des biens du défunt en pleine propriété sauf à imputer la valeur de l'appartement de Cannes dont elle sollicitait l'attribution, et le droit d'habitation du logement de Saint-Quentin et d'usage du mobilier le garnissant ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y..., veuve X..., fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à l'attribution du quart en pleine propriété de la succession de son époux prédécédé, alors, selon le moyen, qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les dispositions à cause de mort prises par Jacques X... ne portaient que sur l'assiette de l'usufruit auquel Mme Y... pouvait alors prétendre et qu'il n'avait pas exprimé la volonté de la priver des droits en pleine propriété résultant de la loi du 3 décembre 2001, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 757 et 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que son mariage avec Mme Y... n'avait duré que huit ans, c'est par une recherche de la volonté du défunt, qu'appelait la teneur des dispositions à cause de mort qu'il avait prises, que les juges du fond ont estimé qu'en privant son épouse de son droit d'usufruit légal prévu par l'article 767 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, pour ne lui consentir que l'usufruit d'un immeuble, Jacques X... avait souhaité limiter les droits de son épouse afin de ne pas porter atteinte à ceux de ses descendants et par là-même exclu qu'elle puisse bénéficier de droits en pleine propriété tels que fixés par la loi nouvelle ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, qui est recevable :
Vu les articles 764 et 971 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que le conjoint survivant ne peut être privé du droit d'habitation du logement servant d'habitation principale et d'usage du mobilier le garnissant que par la volonté du défunt exprimée dans un testament authentique reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins ;
Attendu que, pour débouter Mme Y... de sa demande tendant à l'attribution du droit d'habitation et d'usage de l'immeuble de Saint-Quentin ayant constitué le domicile conjugal, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'il résulte de l'article 764 du code civil qu'il peut être fait obstacle à ce droit par la volonté contraire du défunt exprimée par voie testamentaire, ce qui correspond à la volonté de Jacques X... de priver son épouse de l'appartement de Saint-Quentin et, par motifs propres, que la volonté du défunt, clairement exprimée dans les dispositions prises avant son décès et dont la validité formelle n'est pas contestée, ne lui a reconnu qu'un droit d'usufruit sur l'immeuble de la résidence de Cannes et que la circonstance, invoquée par la demanderesse, que cette exclusion testamentaire ou contractuelle est antérieure à la loi du 3 décembre 2001, n'est pas de nature à l'empêcher de produire ses effets sous l'empire de la loi nouvelle, dans la mesure où elle n'est aucunement en opposition avec les dispositions de cette loi ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le défunt n'avait pas exprimé sa volonté de priver son épouse du droit viager au logement par un testament authentique reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'en évinçaient, a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande tendant à l'attribution d'un droit d'habitation et d'usage de l'immeuble de Saint-Quentin, l'arrêt rendu le 2 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que Mme Y..., veuve X..., bénéficie du droit viager au logement sur l'appartement de Saint-Quentin ayant constitué le domicile conjugal ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme Y..., veuve X...,
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Y... veuve X... de sa demande tendant à l'attribution du quart en pleine propriété de la succession de son époux prédécédé ;
AUX MOTIFS que, par actes des 3 novembre 1999 et 5 juin 2001, Jacques X... lui avait fait donation, pour le cas où elle lui survivrait, de l'usufruit d'un appartement à Cannes et avait déclaré la priver de ses droits de jouissance légale prévus par l'article 767 du Code civil ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES qu'il ressort des actes notariés et du testament olographe que le de cujus exprimait clairement sa volonté de voir son épouse disposer du seul usufruit de l'appartement de Cannes ; que s'il n'entendait pas priver son épouse de ses droits, il souhaitait également les limiter de façon à ne pas porter atteinte aux droits de sa descendance ; que la loi nouvelle ne peut créer pour le donateur une situation plus défavorable au regard de sa volonté initiale qu'il avait exprimée de son vivant sous l'empire des textes anciens ;
ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les dispositions à cause de mort prises par Jacques X... ne portaient que sur l'assiette de l'usufruit auquel Madame Y... pouvait alors prétendre et qu'il n'avait pas exprimé la volonté de la priver des droits en pleine propriété résultant de la loi du 3 décembre 2001, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait la Cour d'appel a violé les articles 757 et 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Y... veuve X... de sa demande tendant à l'attribution d'un droit d'habitation et d'usage sur l'immeuble constituant le domicile conjugal ;
AUX MOTIFS que, par actes notariés des 3 novembre 1999 et 5 juin 2001, Jacques X... lui avait fait donation, pour le cas où elle lui survivrait, de l'usufruit d'un appartement à Cannes et avait déclaré la priver de ses droits de jouissance légale prévus par l'article 767 du Code civil ; que les dispositions de l'article 764 du Code civil s'entendent sauf volonté contraire du défunt ; or celle-ci, exprimée par les dispositions précitées ne lui a reconnu qu'un droit d'usufruit sur l'immeuble de la résidence de Cannes ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES qu'il ressort des actes notariés et du testament olographe que le de cujus exprimait clairement sa volonté de voir son épouse disposer du seul usufruit de l'appartement de Cannes ; que s'il n'entendait pas priver son épouse de ses droits, il souhaitait également les limiter de façon à ne pas porter atteinte aux droits de sa descendance ; que la loi nouvelle ne peut créer pour le donateur une situation plus défavorable au regard de sa volonté initiale qu'il avait exprimée de son vivant sous l'empire des textes anciens ;
ALORS QUE, selon les dispositions des articles 764 et 971 du Code civil, le conjoint survivant ne peut être privé d'un droit d'habitation sur logement dépendant de la succession qu'il occupe effectivement à titre d'habitation principale que par la volonté du défunt exprimée dans un testament authentique reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoin, si bien qu'en retenant que le défunt avait pu priver son conjoint du bénéfice du droit d'habitation par un acte de donation et un testament olographe, la Cour d'appel a violé le texte précité.
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Cette décision est visée dans la définition :
Régimes matrimoniaux
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.