par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 16 décembre 2010, 09-70735
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
16 décembre 2010, 09-70.735

Cette décision est visée dans la définition :
Interruption




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'agissant en vertu d'un jugement du 30 novembre 1977 et invoquant le non-paiement de pensions alimentaires pour la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1991, Mme X..., épouse Y..., a déposé, le 14 décembre 2004, une requête en saisie des rémunérations de M. Z..., son ex-mari ; que ce dernier a invoqué la prescription quinquennale de l'action dirigée à son encontre ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de rejeter son exception de prescription, alors, selon le moyen, que le créancier d'une pension alimentaire ne peut obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande ; qu'il ne peut, lorsque le débiteur a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, retrouver son droit de poursuite individuelle qu'en obtenant un titre exécutoire délivré par le président du tribunal de la procédure collective ; qu'en estimant que la demande de Mme Y... n'était pas prescrite sans préciser la date de clôture de la liquidation judiciaire de M. Z... pour insuffisance d'actif ni constater que Mme Y... avait sollicité le titre exécutoire prévu par l'article L. 622-32 du code de commerce qui seul rendait valable son assignation du 14 décembre 2004 et était de nature à interrompre la prescription puisque faute d'avoir respecté l'article L. 622-32 du code de commerce la demande de Mme Y... était prescrite à la date où la cour d'appel statuait, celle-ci a privé sa décision de base légale au regard des articles 2277 et 2244, anciens, du code civil, 169 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 622-32 du code de commerce et 154 du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu que M. Z... a soutenu dans ses conclusions devant la cour d'appel que la procédure collective ouverte à son égard était sans incidence sur la présente procédure puisque le créancier d'aliments n'avait pas à déclarer sa créance en cas de procédure collective du débiteur et que l'arrêt admettant la créance litigieuse n'avait pas le même objet que la présente affaire ; qu'il est dès lors irrecevable à soutenir devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Attendu que la prescription ainsi que le délai pour agir sont interrompus par une citation en justice, un commandement ou une saisie signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire ; que cette énumération est limitative ;

Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir opposée par M. Z... et tirée de la prescription quinquennale courue entre les 25 mars 1987 et 29 juin 1992, l'arrêt retient que cette prescription a été interrompue par deux inscriptions de nantissement sur le fonds de commerce de M. Z... et par une opposition au paiement du prix de cession de ce fonds ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'inscription de nantissement et l'opposition au paiement du prix de cession d'un fonds de commerce ne peuvent être assimilées à des saisies, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils, pour M. Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'exception de prescription de la saisie des rémunérations de Monsieur Pierre Z...,

AUX MOTIFS QUE sur la prescription le litige est soumis aux dispositions de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ; que si le créancier peut poursuivre pendant 30 ans l'exécution d'un jugement condamnant au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut en vertu de l'article 2277 du code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande ; que cependant la prescription est interrompue dans les conditions prévues à l'article 2244 du code civil ; qu'en l'espèce la demande porte sur le recouvrement d'arriérés de pensions alimentaires pour la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1991 ; que Mme Y... n'a jamais renoncé à poursuivre l'exécution du jugement condamnant M. Z... au paiement de ces pensions ainsi que l'établissent les décisions et actes suivants ayant partiellement le même objet que la demande de saisie à savoir le paiement des pensions alimentaires allouées ;
-le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de GRASSE le 20 octobre 1981 condamnant M. Z... au paiement de ces pensions ainsi que l'établissent les décisions et actes suivants ayant partiellement le même objet que la demande de saisie à savoir le paiement des pensions alimentaires allouées ;
-l'arrêt de la chambre correctionnelle de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE du 18 juin 1982 confirmant la décision précédente ;
-la tentative de saisie du véhicule du 19 novembre 1986 ;
-jugement rendu par le Tribunal correctionnel de GRASSE le 25 mars 1987 condamnant M. Z... pour abandon de famille ;
-inscription judiciaire de nantissement sur fonds de commerce du 15 novembre 1989 suivant autorisation du président du Tribunal de commerce de NICE du 13 novembre 1989 ;
-inscription judiciaire provisoire de nantissement sur fonds de commerce du 8 juin 1990 suivant autorisation du Président du Tribunal de commerce de NICE du 29 mai 1990 ;
-opposition sur le prix de vente du fonds de commerce du 27 décembre 1991 ;
-commandement de payer du 29 juin 1992 ;
-procès-verbal de saisie exécution du 3 juillet 1992 ;

-déclaration de créance formée par Mme Y... entre les mains du représentant des créanciers de M. Z... début 1995 et ordonnance d'admission de la créance à titre privilégié rendue par le juge commissaire le 4 avril 1995 pour 694.867,99 F ;
-arrêt de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE du 19 janvier 2000 admettant la créance de Mme Y... pour ce montant à titre chirographaire ;
-procès verbal de saisie attribution du 10 novembre 2000 ;
que l'interruption de la prescription résultant de la déclaration de créance à la procédure collective a vu son effet prolongé jusqu'à la clôture de cette procédure, intervenue moins de cinq ans avant la demande de saisie des rémunérations, qu'il s'ensuit que la prescription ne peut être opposée à la demande en paiement laquelle est recevable nonobstant la clôture de la liquidation judiciaire de M. Z... pour insuffisance d'actif, conformément à l'article L.622-32 I 2° du code de commerce,

ALORS QUE le créancier d'une pension alimentaire ne peut obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande ; qu'il ne peut, lorsque le débiteur a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, retrouver son droit de poursuite individuelle qu'en obtenant un titre exécutoire délivré par le président du tribunal de la procédure collective ; qu'en estimant que la demande de Mme Y... n'était pas prescrite sans préciser la date de clôture de la liquidation judiciaire de M. Z... pour insuffisance d'actif ni constater que Mme Y... avait sollicité le titre exécutoire prévu par l'article L.622-32 du code de commerce qui seul rendait valable son assignation du 14 décembre 2004 et était de nature à interrompre la prescription puisque faute d'avoir respecté l'article L.622-32 du code de commerce la demande de Mme Y... était prescrite à la date où la cour statuait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2277 et 2244 anciens du code civil, 169 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L.622-32 du code de commerce et 154 du décret du 27 décembre 1985.

ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE si le créancier peut poursuivre pendant trente ans l'exécution d'un jugement condamnant au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande ; que la prescription ainsi que le délai pour agir sont interrompus par une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, cette énumération étant limitative ; qu'en estimant que la demande en paiement de Mme Y... portant sur les arriérés de cotisations pour la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1991 n'était pas prescrite pour sa totalité cependant qu'entre le jugement du Tribunal correctionnel de GRASSE du 25 mars 1987 ayant condamné M. Z... pour abandon de famille et le commandement de payer du 29 juin 1992, un délai de plus de cinq ans s'était écoulé entre ces deux demandes et que les actes intervenus dans l'intervalle, inscription de nantissement et opposition sur le prix de vente de fonds de commerce, n'avaient pas un effet interruptif, ce dont il résultait que l'arriéré de cotisations antérieur au 29 juin 1987 était prescrit, la cour d'appel a violé les articles 2277 et 2244 anciens du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir autorisé la saisie des rémunérations de Monsieur Pierre Z... à hauteur de 105.925 €,

AUX MOTIFS QUE la créance de Mme Y... qui résulte d'un titre exécutoire est liquide et exigible à hauteur de la somme de 105.925 € montant pour lequel elle a été admise à titre chirographaire suivant arrêt de la cour du 19 janvier 2000 ; que le débiteur, qui ne justifie d'aucun règlement de la pension pour la période litigieuse ne peut invoquer les versements opérés par ses propres parents dans le cadre de l'obligation mise à leur charge par arrêt de la cour du 13 décembre 1984, cette condamnation ne se substituant pas à celle prononcée à son encontre ; que si l'intimé produit une assignation qui lui a été délivrée à la requête de la MSA des ALPES MARITIMES le 1er août 1988 en paiement de la somme de 55.956 F au titre des créances d'aliments dont elle a fait l'avance, il n'est pas justifié par les pièces produites que l'intéressé a été condamné à payer tout ou partie de cette somme à cet organisme lequel indique dans ses conclusions qu'il n'a jamais versé à Mme Y... une quelconque allocation de soutien familial et que l'assignation susvisée résulte d'une erreur ; qu'en l'état de ces éléments il convient d'infirmer le jugement déféré et d'autoriser la saisie des rémunérations de M. Z... à hauteur de la somme de 105.925 € ; que les intérêts de retard ont été arrêtés par le jugement d'ouverture de la procédure commerciale conformément à l'article L.621-48 du code de commerce,

ALORS, D'UNE PART, QU'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et que le juge ne peut inverser la charge de la preuve; qu'en énonçant que l'assignation délivrée par la MSA à M. Z... le 1er août 1988 en paiement de la somme de 55.956 F au titre de la créance d'aliments dont elle avait fait l'avance ne pouvait être prise en compte pour établir le décompte des sommes dues par ce dernier dès lors qu'il ne justifiait pas par les pièces produites qu'il avait été condamné à payer cette somme à la caisse cependant que la MSA qui contestait l'existence de cette créance dont elle avait préalablement demandé le règlement était tenue d'en supporter la preuve, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile,

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge est tenu d'examiner les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en estimant que M. Z... ne démontrait pas que la MSA ALPES MARITIMES s'était substituée à lui pour le versement pour partie de la créance d'aliments dont il était débiteur sans examiner l'arrêt de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE du 22 mai 1991 qui indiquait "actuellement la pension de 500 F par mois lui est payée par la CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE qui verse également les allocations familiales pour deux enfants", la cour d'appel a violé l'article 1353 du code civil,

ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la cassation à intervenir sur le précédent moyen de cassation, emportera la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif critiqué au présent moyen en application des dispositions de l'article 624 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Interruption


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.