par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 26 mai 2011, 10-20048
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
26 mai 2011, 10-20.048

Cette décision est visée dans la définition :
Preuve




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 avril 2010), que la société Soval, qui avait délivré à la société Marcadet distribution 75 (la société Marcadet), sa locataire commerciale, un congé avec refus de renouvellement du bail et offre de paiement d'une indemnité d'éviction, a assigné celle-ci devant un juge des référés, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, afin d'obtenir l'instauration d'une mesure d'expertise en vue de la fixation du montant de cette indemnité ; que la société Marcadet a alors demandé la production de diverses pièces par des tiers ;

Attendu que la société Soval fait grief à l'arrêt d'ordonner cette production, alors, selon le moyen, que si les dispositions de l'article 138 du code de procédure civile prévoient, au sujet d'un tiers tout à fait étranger à la procédure, qu'en cours d'instance une partie qui entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce, tel n'est pas le cas de celles de l'article 145 du code de procédure civile ; que celui-ci se borne à indiquer que "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé" ; que si cet ordre peut viser les pièces détenues par un tiers à la procédure au fond, celui-ci est néanmoins partie à la procédure de référé ; qu'il s'ensuit que le juge n'a pas, sur le fondement de ce dernier texte, le pouvoir d'ordonner à un tiers totalement étranger à la procédure la production d'une pièce ; qu'en décidant dès lors de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ordonné la production des pièces litigieuses détenues par un tiers, la cour d'appel, qui a outrepassé les pouvoirs qu'elle détenait de ce texte, en a violé les dispositions ;

Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 10 du code civil, 11 et 145 du code de procédure civile qu'il peut être ordonné à des tiers, sur requête ou en référé, de produire tous documents qu'ils détiennent, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige et si aucun empêchement légitime ne s'oppose à cette production par le tiers détenteur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième, troisième et quatrième branches du moyen ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Soval aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Soval, la condamne à payer à la société Marcadet distribution 75 la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils pour la société Soval

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé l'ordonnance de référé rendue le 19 mai 2009 par le juge des référés du tribunal de grande instance de PARIS désignant deux experts pour donner leur avis sur le montant de l'indemnité d'éviction susceptible d'être due à la société MARCADET DISTRIBUTION 75 ainsi que sur le montant de l'indemnité d'occupation, notamment prévu « que les experts devront se faire communiquer les conditions du rachat des enseignes "CHAMPION" par le groupe CARREFOUR à Paris intra muros et plus généralement des transactions ayant pour objet des supermarchés de type, notamment par les sociétés du groupe CARREFOUR PROMODES », ajouté que « ces communications devront se faire dans le cadre des opérations expertales et suivant la demande des experts », dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte, sauf à préciser que ces éléments devraient être requis auprès des dirigeants des sociétés SOVAL, PROFIDIS. ALIDIS & CIE. UNIVU, HAMON SA et CHAMPION SUPERMARCHE DE France et d'avoir rejeté toutes autres prétentions des parties,

AUX MOTIFS OUE l'indemnité d'éviction comprend, ainsi que le précise l'article L.145-14 du code de commerce, notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que la préjudice est moindre ; que s'agissant de la valeur du fonds, elle est traditionnellement calculée en tenant compte de la valeur du chiffre d'affaires ou du bénéfice moyen des trois dernières années d'exploitation affectée d'un coefficient multiplicateur en fonction de la nature de l'activité autorisée par le bail et par référence « aux usages de la profession » lesquels sont constitués par des barèmes utilisés tant par l'administration que par les notaires ; que cette méthode n'est toutefois pas exclusive dès lors que l'article L145-14 n'édicte aucune règle impérative pour le calcul de l'indemnité d 'éviction et ne prescrit pas une évaluation séparée des divers éléments du préjudice ; que dans ces conditions. il ne saurait être fait grief à l'ordonnance d'avoir estimé opportun, dans l'étendue de la mission, qu'il lui appartenait, conformément aux dispositions de l'article 232 du code de procédure civile, de fixer souverainement, que la spécificité de l'activité sous l'enseigne "CHAMPION" conduisait à prévoir que les experts devraient se faire communiquer les conditions du rachat des enseignes "CHAMPION" par le groupe CARREFOUR à Paris intra muros et plus généralement des transactions ayant pour objet des supermarchés de type, notamment par les sociétés du groupe CARREFOUR PROMODES en précisant que ces communications devraient se faire dans le cadre des opérations expertales et suivant la demande des experts, étant par ailleurs dit n'y avoir lieu à ordonner une astreinte ; que si, ainsi que le soutient l'appelante, et ce dans la mesure où cette communication lui aurait été personnellement imposée par l'ordonnance déférée, il ne saurait lui être reproché de ne pas devoir communiquer des actes de cession auxquels elle n'était pas partie et que si sa qualité de filiale du groupe CARREFOUR ne lui confère, en l'absence de personnalité juridique propre à la notion de groupe en droit français des sociétés, aucune prérogative quant à l'accession à ces documents dont elle n'est pas signataire, il résulte de la combinaison des articles 10,1 1 et 145 du code de procédure civile qu'il peut être ordonné à des tiers des documents s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès le preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, que si en l'espèce le principe du droit à indemnité d'éviction de la locataire est légalement acquis, le montant de sa fixation, qui peut dépendre de la production d'éléments de comparaison à défaut pour Ies experts de disposer de références suffisantes en termes d'usage de la profession, compte tenu de la spécificité de l'activité exercée dans les lieux loués, devra, à défaut d'acceptation du montant de l'indemnité d'éviction proposé ou d'exercice du droit de repentir, être judiciairement fixée ; considérant que les éléments sollicités par l'intimée sont suffisamment déterminés en ce qu'ils portent sur les conditions de rachat des enseignes CHAMPION par le groupe CARREFOUR de Paris intra-muros, et plus généralement des transactions ayant pour objet des supermarchés de même type, notamment par les sociétés CARREFOUR PROMODES ; qu'il convient de préciser que les tiers concernés par cette demande de production seront les dirigeants des sociétés SOVAL, PROFIDIS, ALIDIS & CIE, UNIVU, HAMON SA et CHAMPION SUPERMARCHE DE France tels que cités par les experts, sur la proposition de l'intimée, dans leur lettre du 18 novembre 2009, et sans qu'il y ait lieu de désigner d'autres tiers :

1° ALORS QUE si les dispositions de l'article 138 du code de procédure civile prévoient, au sujet d'un tiers tout à fait étranger à la procédure, qu'en cours d'instance une partie qui entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce, tel n'est pas le cas de celles de l'article 145 ; que celui-ci se borne à indiquer que « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé » ; que si cet ordre peut viser les pièces un tiers à la procédure au fond, celui-ci est néanmoins partie à celle de référé ; qu'il s'ensuit que le juge n'a pas, sur le fondement de ce dernier texte, le pouvoir d'ordonner à un tiers totalement étranger à la procédure la production d'une pièce ; qu'en décidant dès lors de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, ordonné la production des pièces litigieuses détenues par un tiers, la cour, qui a outrepassé les pouvoirs qu'elle détenait de ce texte, en a violé les dispositions ;

2° ALORS, subsidiairement, QU'à supposer que le juge ait effectivement le pouvoir d'ordonner une telle production sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, il ne peut le faire non seulement sans qu'un motif légitime ait été constaté, niais aussi sans que les tiers concernés par cette production aient été appelés dans la procédure, ainsi que la société SOVAI, l'a soutenu dans ses écritures (pp. 6-7) ; qu'en laissant sans réponse ce moyen de droit soulevé devant elle, pour se borner à constater «qu'il convient de préciser que les tiers concernés par cette demande de production seront les dirigeants des sociétés SOVAL, PROFIDIS, ALIDIS et CIE, UNIVU, HAMON SA et CHAMPION SUPERMARCHE De France, tels que cités par les experts », la cour, qui a privé sa décision de motif, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° ALORS, subsidiairement QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'en décidant dès lors, en l'espèce, d'ordonner à des sociétés tierces, non présentes à la procédure, de produire des documents déterminés, sans avoir, comme elle le pouvait, s'agissant de sociétés juridiquement distinctes de la société SOVAL, recueillir leurs observations, la cour a violé l'article 16 du code de procédure civile ;


4° ALORS subsidiairement QU'en ordonnant la production, par des sociétés tierces à la procédure, de documents déterminés, sans avoir caractérisé en quoi il était justifié que cette production intervienne sans que lesdites sociétés aient pu présenter leurs observations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Preuve


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.