par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 8 juin 2011, 09-43208
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Cour de cassation, chambre sociale
8 juin 2011, 09-43.208

Cette décision est visée dans la définition :
Droit du Travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 septembre 2009), que M. X... a été engagé, le 25 mai 2004, en qualité d'ingénieur commercial par la société Cegetel, aux droits de laquelle se trouve la société SFR service client ; que par lettre du 25 octobre 2005, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en imputant notamment à son employeur le non-paiement d'heures supplémentaires ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de rappel d'heures supplémentaires, de repos compensateur non pris et des congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient à l'employeur de produire les éléments permettant au juge de déterminer les horaires effectivement réalisés par le salarié, de sorte que les juges du fond ne peuvent se contenter, pour rejeter la demande, de retenir l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'en l'espèce, il faisait valoir qu'un rappel d'heures supplémentaires lui était dû ainsi que des indemnités pour repos compensateur non pris, pour justifier tant sa demande tendant à voir imputer la rupture de son contrat de travail à l'employeur, que celle tendant à la condamnation de l'employeur à lui régler le montant de ces heures supplémentaires et du repos compensateur non pris ; que viole dès lors l'article L. 3174-1 du code du travail, la cour d'appel qui, pour rejeter les demandes de rappel d'heures supplémentaires, se contente de relever qu'il n'établissait pas le bien-fondé de ses demandes ;

2°/ que lorsque le salarié produit des éléments de nature à étayer sa demande de paiement d'heures supplémentaires, il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en s'abstenant de constater que l'employeur avait produit les éléments permettant de déterminer les horaires effectivement réalisés par le salarié, une simple attestation d'un supérieur hiérarchique étant à cet égard insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3174-1 du code du travail ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que le salarié produit des copies de pages d'un agenda rempli par lui qui ne sont corroborées par aucun élément extérieur et sont contredites par l'attestation versée par l'employeur ; qu'ayant ainsi analysé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, les éléments produits tant par le salarié que l'employeur, la cour d'appel n'encourt pas les griefs du moyen ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la société SFR service client une somme correspondant au préavis non effectué, alors, selon le moyen, qu'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages-intérêts alloués par le juge à une partie en raison de la violation par son contractant d'une obligation ne sauraient excéder la valeur du préjudice effectivement subi du fait de cette violation ; qu'en l'absence de disposition légale prévoyant le versement par le salarié d'une indemnité forfaitaire en cas de méconnaissance de son obligation de préavis, il incombe au juge prud'homal de vérifier que l'employeur a effectivement subi un préjudice du fait du non-respect par le salarié démissionnaire de son préavis ; qu'en le condamnant à verser à son employeur une somme forfaitaire correspondant au salaire qu'il aurait dû percevoir au cours de la période de préavis, sans rechercher si la société SFR présentait des éléments démontrant l'existence d'un quelconque préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1237-1 du code du travail, 1142 et 1147 du code civil ;

Mais attendu que la prise d'acte de la rupture du contrat qui n'est pas justifiée produit les effets d'une démission ; qu'il en résulte que le salarié doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'application de l'article L. 1237-1 du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes en paiement de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur non pris, et des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE «sur le manquement de l'employeur en matière de rémunération, concernant des heures supplémentaires qui auraient été effectuées mais non payées, M. X... produit exclusivement des copies de pages d'un agenda rempli par lui par voie d'indication d'horaires quotidiens de début et fin de tâches, dont il n'est pas établi qu'elles avaient été portées à l'époque concernée et qui ne sont corroborées, comme justement relevé par les premiers juges, par aucun élément extérieur (notamment sur des horaires «3h du matin» «4h du matin») ; qu'au surplus, les dispositions de l'accord collectif d'entreprise sur le temps de travail en date du 23 avril 1999 sont explicites en cas d'heures supplémentaires effectuées à la demande de l'employeur en ce qu'elles doivent être compensées par un repos de remplacement» ;

ET AUX MOTIFS QUE, «sur les heures supplémentaires et le repos compensateur, comme retenu plus avant, M. X... n'établit d'aucune manière sa prétention de ses chefs» ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES, QUE «Christophe X... se borne à fournir un planning qui est combattu par l'attestation fournie par P. Y... ; que ces tableaux établis par lui-même ne sont corroborés par aucun élément extérieur, tel que des attestations établies par les clients, des salariés ; qu'en outre le salarié ne justifie pas de ce que l'employeur lui aurait demandé d'effectuer les heures supplémentaires alléguées au-delà des 39h hebdomadaires ainsi que prévu dans l'accord du 23 avril 1999» ;

1°) ALORS QU'il appartient à l'employeur de produire les éléments permettant au juge de déterminer les horaires effectivement réalisés par le salarié, de sorte que les juges du fond ne peuvent se contenter, pour rejeter la demande, de retenir l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir qu'un rappel d'heures supplémentaires lui était dû ainsi que des indemnités pour repos compensateur non-pris, pour justifier tant sa demande tendant à voir imputer la rupture de son contrat de travail à l'employeur, que celle tendant à la condamnation de l'employeur à lui régler le montant de ces heures supplémentaires et du repos compensateur non pris ; que viole dès lors l'article L. 3174-1 du code du travail, la cour d'appel qui, pour rejeter les demandes de rappel d'heures supplémentaires, se contente de relever que M. X... n'établissait pas le bien-fondé de ses demandes ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque le salarié produit des éléments de nature à étayer sa demande de paiement d'heures supplémentaires, il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'en s'abstenant de constater que l'employeur avait produit les éléments permettant de déterminer les horaires effectivement réalisés par le salarié, une simple attestation d'un supérieur hiérarchique étant à cet égard insuffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3174-1 du Code du travail.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur X... devait produire les effets d'une démission, et d'AVOIR en conséquence débouté ce dernier de ses demandes tendant à la condamnation de la Société SFR SERVICE CLIENT, venant aux droits de la SAS NEUF CEGETEL, à lui payer des indemnités compensatrices de préavis et congés payés afférents, et des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en outre condamné Monsieur X... à verser à la Société SFR SERVICE CLIENT une somme de 19.173,83€ au titre du non-respect de son préavis ;

AUX MOTIFS QU' «en l'espèce, les termes essentiels de la lettre de prise d'acte de rupture rédigée le 25 octobre 2005 par Monsieur X..., qui contestait avoir abandonné son poste, ont été retranscrits dans le jugement entrepris, auquel il convient donc de renvoyer à ce titre ; les griefs tiennent essentiellement au non-respect d'un engagement de transaction imputé à la société, après incitation à partir, et à défaut de paiement de rémunération ; le grief relatif à la restitution forcée du véhicule s'ajoute à ceux énoncés dans cette lettre, ayant cependant été mis en avant dans un courrier du 13 octobre précédent ; que par des motifs, dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence, les premiers juges ont fait une juste application de la règle de droit et une exacte appréciation des faits et documents de la cause, en retenant que Monsieur X... ne rapporte en rien la preuve de l'existence de pourparlers en cours avec l'employeur à l'occasion de son départ, dont il ne conteste nullement qu'il résulte d'un engagement pris auprès d'une autre entreprise, avec son entrée en service dès le 24 octobre 2005, ainsi qu'il résulte d'un bulletin de salaire de février 2007 émanant de cette société qu'il produit lui-même, et après restitution du véhicule de fonction quelques jours avant (fiche de restitution aux services généraux, dépourvue de toute réserves, du 10 octobre 2005) ; qu'il est établi par les pièces que le plan de réorganisation des emplois, par voie notamment de volontariat au départ, a été présenté à la direction départementale du travail le 4 octobre 2005, et ultérieurement fait l'objet d'un avis favorable des comités d'entreprise respectifs des sociétés CEGETEL et NEUF TELECOM, alors non fusionnées, le 8 décembre 2005, soit deux mois après le départ de Monsieur X..., qui ne fournit d'ailleurs aucun élément sur la date de commencement de sa recherche de nouvel emploi ; que l'allégation de manquement à un engagement est mal fondé, comme celle de restitution forcée du véhicule ; que quant à l'affirmation d'une réduction des responsabilités, le poste étant «vidé de sa substance», elle ne repose pas plus sur la production d'un document quelconque en ce sens ; aucune pièce ne démontre le prétendu «retrait de trois commerciaux», ni celui d'un «gros compte» alors que par courriel du 27 septembre 2005, Monsieur X... faisait un point précis de sa participation à une réunion chez de client («5SUR5»), relatant divers mécontentements de celui-ci, sans établir en rien qu'il ne soit plus concerné, évoquant même une prochaine rencontre des 6 et 7 octobre 2005 ; c'est en outre spontanément, aux termes du courriel qu'il produit encore, qu'il a demandé, le 14 octobre 2005, à son supérieur, Mr Y..., «à qui transférer» ce compte ; ce supérieur atteste régulièrement et longuement sa surprise le même jour d'apprendre la décision de départ ; qu'enfin, sur le manquement en matière de rémunération, concernant des heures supplémentaires qui auraient été effectuées mais non payées, Monsieur X... produit exclusivement des copies de pages d'un agenda rempli par lui par voie d'indications d'horaires quotidiens de début et fin de tâche, dont il n'est pas établi qu'elles aient été portées à l'époque concernée, et qui ne sont corroborées, comme justement relevé par les premiers juges, par aucun élément extérieur (notamment sur des horaires de «3 H du matin», «4 H du matin») ; au surplus, les dispositions de l'accord collectif d'entreprise sur le temps de travail en date du 23 avril 1999 sont explicites, en cas d'heures supplémentaires effectuées à la demande de l'employeur, en ce qu'elles doivent exclusivement être compensées par un repos de remplacement ; que ces deux autres manquements allégués à la charge de la société SFR SERVICE CLIENT ne sont donc pas plus rapportés que les précédents ; qu'aucun fait ne justifiait la prise d'acte de rupture, et elle vaut démission ; le jugement doit être confirmé, avec ses conséquences quant au rejet de toutes demandes en paiement de l'appelant du chef d'une rupture aux torts de l'employeur ; Sur les autres demandes en paiement de Monsieur X... : sur les heures supplémentaires et le repos compensateur : comme retenu plus avant, Monsieur X... n'établit d'aucune manière sa prétention de ces chefs ; il y a lieu de confirmation renouvelée du jugement » ;

ALORS QU' en application des dispositions des articles 624 et 625 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi formé par Monsieur X... entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef de l'arrêt l'ayant débouté de sa demande tendant à voir juger que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu du lien d'indivisibilité, ou du moins de dépendance nécessaire, qui existe entre ce chef de l'arrêt et sa demande relative au paiement d'heures supplémentaires, cette dernière ayant expressément justifié la décision de Monsieur X... de prendre acte de la rupture de son contrat de travail.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. X... à verser à la société SFR SERVICE CLIENT la somme de 19.173,84 € correspondant au préavis non effectué ;

AUX MOTIFS QUE «sur la demande incidente en paiement formée par la société SFR SERVICE CLIENT : elle porte, dès lors que la rupture est qualifiée de démission, sur le paiement à son profit de l'indemnité compensatrice du préavis non effectué ; que la confirmation de principe du jugement est sollicitée, mais une majoration de la condamnation est requise ; Monsieur X... présentant pour son compte une réclamation de 19.173,84 euros, il s'ensuit que ce montant peut être identiquement revendiqué par la société SFR SERVICE CLIENT ; il y a lieu de condamner Monsieur X... à le payer, avec l'intérêt légal fixé par le jugement, non critiqué de ce chef ; sur la demande reconventionnelle de l'employeur : s'agissant d'une démission, le salarié devait à son employeur un préavis de trois mois ; il dois dès lors être condamné à payer la somme de 18.108,68 € déduction faite d'une semaine correspondant à la période du 10 au 17.10.05 ; que le salarié n'a pas été en mesure de démontrer la volonté de l'employeur de l'inciter à quitter l'entreprise dans le cadre de la réorganisation en cours ; sa faute n'est pas prouvée pour autant en raison du contexte dans lequel s'est inscrit son départ ; que l'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire et apparaît nécessaire au regard du contexte du litige et de son ancienneté, qu'il convient d'ordonner l'exécution provisoire ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Christophe X... une partie des sommes exposées et non comprises dans les dépens : il y a lieu de constater que l'employeur s'est abstenu de produire les organigrammes successifs du service auquel était attaché le salarié au cours de l'année 2005 ainsi que des attestations émanant des supérieurs hiérarchiques qui auraient envisagé le départ volontaire du salarié notamment MM. Z..., DRH et B.... La SA NEUF CEGETEL doit être déboutée de ce chef» ;

ALORS QU'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages-intérêts alloués par le juge à une partie en raison de la violation par son contractant d'une obligation ne sauraient excéder la valeur du préjudice effectivement subi du fait de cette violation ; qu'en l'absence de disposition légale prévoyant le versement par le salarié d'une indemnité forfaitaire en cas de méconnaissance de son obligation de préavis, il incombe au juge prud'homal de vérifier que l'employeur a effectivement subi un préjudice du fait du non-respect par le salarié démissionnaire de son préavis ; qu'en condamnant M. X... à verser à son employeur une somme forfaitaire correspondant au salaire qu'il aurait dû percevoir au cours de la période de préavis, sans rechercher si la société SFR présentait des éléments démontrant l'existence d'un quelconque préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1237-1 du code du travail, 1142 et 1147 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Droit du Travail


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.