par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 16 juin 2011, 10-30689
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
16 juin 2011, 10-30.689

Cette décision est visée dans la définition :
Acquiescement




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu la règle selon laquelle nul ne peut se constituer un titre à lui-même ;

Attendu qu'à la suite du décès de Serge X... survenu accidentellement le 24 février 2000, sa mère Mme Pierrette X..., se prévalant d'un jugement rendu le 17 juillet 1989 ayant prononcé sur demande acceptée, le divorce de Serge X... et de Mme Marie-Paule Y..., a obtenu le 19 février 2002, la transcription par l'officier de l'état civil de Talence, de la mention du divorce sur l'acte de mariage et a intenté le 25 janvier 2002 contre la société Le Continent, la compagnie d'assurance de son fils, auprès de laquelle ce dernier avait souscrit le 30 mars 1999 un contrat d'assurance automobile garantissant en cas de décès le versement d'un capital de 2 000 000 de francs à son conjoint, une action en paiement de ce capital-décès qui avait été versé par l'assureur à Mme Y..., qui s'était présentée comme veuve de Serge X... ; que par requête du 23 janvier 2004 le procureur de la République a saisi le tribunal en annulation de la mention portée sur cet acte de mariage au motif que le jugement de divorce n'était pas définitif, faute d'avoir été notifié ; que par arrêt du 26 septembre 2006 il a été fait droit à cette requête ; que cet arrêt, frappé de pourvoi, a été cassé et annulé sauf en ce qu'il avait dit que le jugement du 17 juillet 1989 n'était pas passé en force de chose jugée (Civ. 1ère, 19 mars 2008, B 80) ;


Attendu que pour annuler la mention de divorce figurant en marge de l'acte de mariage des époux l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, retient, s'agissant des attestations versées aux débats par les consorts X... Z... pour démontrer l'acquiescement de Mme Y... au jugement de divorce, que la plupart d'entre elles émanent d'eux-mêmes et n'ont aucun caractère probant dans la mesure où ils ne peuvent se constituer une preuve à eux-mêmes ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait exactement relevé que l'acquiescement implicite, objet du débat devant elle, devait résulter d'actes ou de faits démontrant avec évidence et sans équivoque l'intention de la partie à laquelle on l'oppose, la cour d'appel, qui ne pouvait écarter par principe sans les examiner les attestations des consorts X... Z..., lesquels étaient étrangers audit acquiescement, a violé, par fausse application, la règle susvisée ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement déféré, il a dit que Mme Y... n'avait pas acquiescé au jugement de divorce rendu le 17 juillet 1989 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, annulé, en conséquence, la mention de divorce effectuée le 19 février 2002 par l'officier d'état civil de la commune de Talence (33) en marge de l'acte de mariage du 2 août 1980 et dit que mention en sera faite à l'initiative du Ministère public, l'arrêt rendu le 2 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à payer aux consorts X...-Z... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour les consorts X...-Z....

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a dit que Madame Y... n'avait pas acquiescé au jugement de divorce du 17 juillet 1989 et annulé en conséquence la mention du divorce effectuée le 19 février 2002 en marge de l'acte de mariage du 2 août 1981 ;


AUX MOTIFS QUE « pour démontrer l'acquiescement de Madame Y... au divorce, les consorts X... Z..., font valoir en premier lieu que Madame Y... dans ses déclaration d'impôts se définissait elle-même comme divorcée en 1999 en cochant la case « divorcée » alors qu'après 1999, elle a coché la case veuve ; que la case « divorcée » est aussi dénommée dans le document administratif « divorcée ou séparée » ce qui, dès lors, ne démontre pas l'intention claire de Madame Y... de se définit comme divorcée ; par ailleurs, ils il produisent un certain nombre d'attestations dont la plupart émanent d'eux-mêmes (attestation de la mère de Monsieur X..., des frères et soeurs dont l'un intitulée « récapitulatif de la vue de mon frère ») et qui n'ont aucun caractère probant dans la mesure où ils ne peuvent se constituer de preuve à eux-mêmes ; que la seule pièce que retient la cour et sur laquelle s'appuient les consorts X... Z... pour opposer à Madame Y... un acquiescement implicite de sa part, est un rapport d'enquête de Monsieur D..., agent privé de recherches qui indique qu'à compter de la fin des années 80, Jean Bernard E... a habité avec une femme prénommée Marie ayant résidé ultérieurement à PESSAC ; Mais que les renseignements recueillis par cet enquêteur sont insuffisants à établir que la personne prénommée Marie était Marie-Paule Y... ; que les consorts X... – Z... n'établissant pas l'intention certaine et sans équivoque de Madame Y... d'avoir acquiescé au jugement de divorce » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, la règle suivant laquelle « nul ne peut se constituer une preuve à lui-même » prohibe seulement qu'une partie à un acte juridique atteste de l'existence de cet acte ou de son contenu ; que dès lors, il était exclu que les juges du fond écartent par principe et sans les examiner les attestations émises par Madame Pierrette X..., mère de Monsieur Serge X..., Monsieur Philippe X... et Madame Frédérique X..., frère et soeur de Monsieur Serge X..., de Monsieur Jean-Michel F..., beau-frère de Monsieur Serge X..., de Monsieur Stéphane Z..., neveu de Monsieur Serge X... puisque le débat portait simplement sur le point de savoir si Madame Y... avait, aux termes d'un acte unilatéral qui lui était propre, acquiescé au jugement de divorce ; que l'arrêt a été rendu en violation de la règle suivant laquelle « nul ne peut se constituer un titre à lui-même » ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, et en tout cas, la règle suivant laquelle « nul ne peut se constituer un titre preuve à lui-même » ne concerne que les parties à l'instance ; que son application suppose que la pièce à la date de son établissement et de sa production émane d'une partie à l'instance ; qu'antérieurement à son décès survenu le 22 juillet 2008, Madame Pierrette X... était seule partie à l'instance ; que les attestations de Monsieur Philippe X... (7 novembre 2005), Madame Frédérique X..., (1er novembre 2005), de Madame Sylvie X... (2 novembre 2005), de Monsieur Stéphane Z... (19 octobre 2005), ou encore de Monsieur Bernard G... (10 septembre 2005), ont été établies et produites à une date où ils n'étaient pas parties à l'instance (v. notamment conclusions du 19 juin 2008) ; qu'en écartant en bloc ces pièces quand elles pouvaient être légalement produites dès lors qu'à la date de leur établissement et de leur production, elles n'émanaient pas d'une partie à l'instance, les juges du fond ont de nouveau violé la règle suivant laquelle « nul ne peut se constituer un titre à lui-même » ;


ALORS QUE, TROISIEMEMENT, et subsidiairement, si les juges du fond considèrent que la plupart des attestations émanent, soit de Madame Pierrette X..., partie originaire à l'instance, soit de ses héritiers, devenus parties à l'instance à la suite de son décès survenu le 22 juillet 2008, c'est que d'autres attestations n'émanaient pas des personnes devenues partie à l'instance ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces attestations à l'effet de rechercher si elles n'établissaient pas des faits de nature à révéler l'existence d'un acquiescement tacite, les juges du fond ont violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'il impose aux juges, sauf obstacle légal, d'examiner l'ensemble des pièces invoquées par une partie à l'appui de sa demande.



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Cette décision est visée dans la définition :
Acquiescement


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