par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 23 novembre 2011, 10-23928
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
23 novembre 2011, 10-23.928

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1304 du code civil ;

Attendu que la nullité emporte l'effacement rétroactif du contrat et a pour effet de remettre les parties dans la situation initiale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 juin 2010), que la société X... Frères, locataire de locaux à usage commercial appartenant à la SCI de la Haute Grammoire, a cessé de régler ses cotisations à l'association Les Commerçants du Pôle Sud à laquelle elle avait adhéré en exécution d'une stipulation du bail qui lui en faisait obligation ; que l'association a assigné la société X... Frères pour la voir condamner à régler l'arriéré échu à ce titre ; que la locataire, ayant appelé la bailleresse en intervention forcée, a fait valoir la nullité de la stipulation du bail lui faisant obligation d'adhérer ainsi que celle de cette adhésion, et a demandé, à titre reconventionnel, le remboursement de toutes les cotisations versées ;

Attendu que pour accueillir cette demande et rejeter celle de l'association Les Commerçants du Pôle Sud tendant à la condamnation de la société X... Frères à lui restituer en équivalent les prestations qui lui avaient été servies, l'arrêt retient que l'effectivité de la sanction de la nullité absolue affectant la clause du bail contraignant le preneur à adhérer à l'association et l'adhésion elle-même, interdisait à l'association de prétendre à une restitution en équivalent des prestations dont la société X... Frères aurait bénéficié de sa part ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'annulation à raison de l'atteinte à la liberté fondamentale de ne pas s'associer ne fait pas échec au principe des restitutions réciproques que peut impliquer l'annulation d'un contrat exécuté, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de l'association Les Commerçants du Pôle Sud tendant à la restitution en équivalent des prestations servies à la société X... Frères, l'arrêt rendu le 9 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit sur ce point les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société X... Frères et M. Y..., ès qualités de liquidateur de cette société aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société X... Frères et M. Y..., ès qualités de liquidateur de cette société, à payer à la SCI de la Haute Grammoire et à l'association Les Commerçants du Pôle Sud la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande de la société X... Frères et de M. Y..., ès qualités ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille onze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils pour la société De La Haute Grammoire et l'association Les Commerçants du pôle sud.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'Association « LES COMMERÇANTS DU POLE SUD », ensemble la SCI DE LA HAUTE GRAMMOIRE, à restituer à la SARL X... FRERES l'intégralité des sommes perçues au titre de l'adhésion à l'association depuis le 1er janvier 2003 et corrélativement privé l'Association « LES COMMERÇANTS DU POLE SUD » de son propre droit à la restitution des prestations servies à la société X... FRERES ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il n'est pas contesté par Me Philippe Y..., ès qualités, (ses conclusions p. 9), que la nullité de l'adhésion de la SARL X... FRERES a pour effet de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient antérieurement au contrat d'adhésion et l'Association « LES COMMERÇANTS DU POLE SUD » admet également cette conséquence ; que les cotisations versées par la SARL X... FRERES doivent donc être intégralement restituées ; qu'il est également de jurisprudence constante (1ère Civ., 16 mars 1991) que dans le cas où, le contrat ayant été exécuté, la restitution de la prestation servie, ou remise en état, se révèle impossible, la partie qui a bénéficié de cette prestation doit s'acquitter du prix qui lui correspond ; qu'en l'espèce, il convient cependant d'observer que l'Association « LES COMMERÇANTS DU POLE SUD » ne communique strictement aucune pièce permettant d'apprécier le prix des prestations servies aux adhérents du groupement entre 2003 et 2006 et qu'aucune discussion contradictoire ne peut donc avoir lieu portant sur leur intérêt, en général comme au regard de la nature des activités commerciales poursuivies par la SARL X... FRERES ; qu'il y a lieu de constater qu'elle ne s'attache pas non plus à démontrer, selon les règles imposées par les articles 1370 et 1371 du code civil, que les prestations qu'elle a fournies sont bien entrées dans le patrimoine de la SARL X... FRERES qui s'en est trouvé enrichi, condition première du succès d'une action en paiement ayant ce fondement et aboutissant, par voie de compensation, à annuler sa dette de restitution ; que l'existence même du droit à compensation est, par ailleurs, niée par la SARL X... FRERES représentée par Me Philippe Y... pour le motif, péremptoire, que tel est le nécessaire effet de la nullité de l'adhésion dès lors que cette nullité est une nullité absolue, déterminée par un souci de protéger des valeurs essentielles d'intérêt général ; que l'argument n'est pas dénué de portée nonobstant le principe posé par l'arrêt du 16 mars 1999 susvisé ; qu'en effet, admettre que le créancier qui a imposé une clause attentatoire à des principes aussi essentiels que celui visé à l'article 4 de la loi du 1er juillet 1901 et celui posé par l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme peut néanmoins tirer avantage de son « offre », imposée, d'adhésion revient, d'une part, à priver d'effectivité la sanction de nullité surtout, lorsque, comme en l'espèce, le créancier revendique le droit de conserver la totalité des cotisations versées, d'autre part, et implicitement, à encourager, malgré l'aléa d'une sanction judiciaire toujours possible, le maintien en vigueur de dispositions contractuelles contraires au droit positif tel qu'interprété par la jurisprudence ; que l'ensemble de ces motifs commande donc d'écarter également la prétention de l'Association « LES COMMERÇANTS DU POLE SUD » à conserver le bénéfice des cotisations versées par la SARL X... FRERES à partir du jour de son adhésion au groupement associatif ; que le jugement est donc aussi confirmé de ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en conséquence de la nullité de la stipulation obligeant le locataire à adhérer à l'Association « LES COMMERÇANTS DU POLE SUD », il conviendra de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant d'avoir contracté et d'ordonner à l'Association « LES COMMERÇANTS DU POLE SUD » de rembourser aux consorts X... l'ensemble des sommes que ces derniers ont pu verser à ladite association ;

ALORS QUE, D'UNE PART, dans le cas où un contrat nul a cependant été exécuté, les parties doivent être remises en l'état dans lequel elles se trouvaient avant cette exécution ; que lorsque cette remise en état s'avère impossible, la partie qui a bénéficié d'une prestation qu'elle ne peut restituer doit s'acquitter de la valeur de celle-ci ; que l'obligation de restitution, qui dérive nécessairement de l'annulation par le seul effet de loi, confère à chacune des partie une créance certaine en son principe, dont il appartient au juge de fixer le quantum, au besoin après avoir ordonné toutes mesures d'instruction qu'il juge utiles ; qu'en l'espèce, et comme le faisait pertinemment observer les appelantes, la société X... FRERES ne contestait pas avoir bénéficié, depuis son adhésion à l'Association « LES COMMERÇANTS DU POLE SUD » en 2003, de prestations de services qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de restituer en nature ; qu'en ordonnant néanmoins la restitution de l'intégralité des cotisations perçues depuis l'adhésion, motif pris de l'insuffisance des éléments produits aux débats par l'association pour justifier du prix des prestations servies aux membres du groupement et partant du quantum de sa propre créance de restitution, la cour entache sa décision d'un déni de justice, en violation des articles 4 et 1304 du code civil et de l'article 12 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, les restitutions consécutives à une annulation puisent leur fondement juridique uniquement dans les règles gouvernant la nullité des contrats ; qu'elles ne sont donc pas soumises à la preuve d'un appauvrissement et d'un enrichissement corrélatifs ; que sous angle, la cour viole, par fausse application, les articles 1370 et 1371 du code civil, ensemble, par refus d'application, l'article 1304 du code civil ;

ET ALORS QUE, ENFIN, ni le caractère absolu de la nullité prononcée à raison d'une atteinte à la liberté fondamentale de ne pas adhérer à une association, ni le droit à un recours effectif ne peuvent tenir en échec le principe même du droit aux restitutions réciproques qui font suite à l'annulation du contrat ; que tout au plus est-il interdit au juge de privé l'annulation de tout effet concret et effectif, en mettant à la charge du bénéficiaire de l'annulation, au titre des restitutions, une somme équivalente à celle dont il aurait dû s'acquitter si le contrat s'était normalement poursuivi ; qu'il s'ensuit qu'en tirant prétexte de ce que la nullité de l'adhésion était une nullité absolue et du droit à un recours effectif pour priver l'Association LES COMMERÇANTS DU POLE SUD de tout droit à la restitution, sinon en nature, du moins par équivalent, des prestations qu'elle avait servies notamment à la société X... FRERES en exécution du contrat nul, la cour viole, par fausse interprétation, les articles 6 § 1, 11 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble, par refus d'application, l'article 1er du protocole additionnel à cette même convention.



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Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.