par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 3 avril 2012, 11-13527
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Cour de cassation, chambre commerciale
3 avril 2012, 11-13.527
Cette décision est visée dans la définition :
Agent commercial
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Etablissements Gabriel Boudier (la société Boudier) ayant rompu les relations qui la liaient à la société Baron Philippe de Rothschild France distribution (la société RFD), celle-ci l'a assignée pour obtenir le bénéfice du statut d'agent commercial et le paiement d'indemnités de préavis et de cessation de contrat ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Boudier fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société RFD la somme de 40 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture du contrat d'agent commercial, alors, selon le moyen :
1°/ que l'agent commercial est un mandataire indépendant, chargé de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats au nom et pour le compte de son mandant ; qu'en énonçant tout au contraire que l'agent commercial recherche et visite des clients auxquels il propose les produits négociés par son mandant, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les dispositions de l'article L. 134 -1 du code de commerce ;
2°/ qu'ayant relevé que si la société RFD avait conduit ou participé à des réunions de négociation des prix avec les clients de la grande distribution, ces négociations étaient très encadrées et surveillées par la société Boudier et que le contrat proposé le 29 juillet 2004 par celle-ci prévoyait d'ailleurs que " le commissionnaire " passerait les commandes des clients au prix fixé dans le tarif, ce dont il résultait que la société RFD n'était investie d'aucun pouvoir de négocier les contrats, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a derechef violé l'article L.134-1 du code de commerce ;
3°/ que l'agent commercial, qui est un mandataire, n'agit pas pour son compte et n'a pas de clientèle propre, ne facture pas directement les clients ; qu'en énonçant que "la société RFD facturait directement la société Carrefour, preuve que son rôle n'était pas celui d'un simple courtier", pour en déduire que cette société avait la qualité d'agent commercial, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 134-1 du code de commerce ;
4°/ que l'organisation d'animations de promotion, avec dégustation de produits, n'est pas un élément caractéristique du contrat d'agent commercial ; qu'en se fondant encore sur la circonstance inopérante que la société RFD prouvait également avoir été chargée d'organiser des animations afin de promouvoir la vente des produits Gabriel Boudier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 134-1 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société RFD avait conduit des réunions de négociation des prix avec des clients de la société Boudier et leur avait proposé à la vente des produits de cette société au nom et pour le compte de celle-ci, la cour d'appel a, de ces seuls motifs, exactement déduit que la société RFD avait la qualité d'agent commercial ; que le moyen non fondé en sa deuxième branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article L. 442-6 -I-5° du code de commerce, ensemble l'article L. 134 -11 du même code ;
Attendu que pour condamner la société Boudier à payer à la société RFD la somme de 6 666 euros au titre de l'indemnité de préavis, l'arrêt retient que la durée de deux mois de préavis accordée par la société Boudier à la société RFD, lors de la rupture du contrat d'agent commercial, étant insuffisante, elle doit être fixée à quatre mois ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 442-6-I-5° du code de commerce ne s'applique pas lors de la cessation des relations ayant existé entre un agent commercial et son mandant pour lesquelles la durée de préavis qui doit être respectée est fixée par l'article L. 134 -11 du code de commerce en fonction du nombre d'années d'exécution du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Etablissements Gabriel Boudier à payer à la société Baron Philippe de Rothschild France distribution la somme de 6 666 euros au titre de la rupture sans préavis suffisant du contrat d'agent commercial, l'arrêt rendu, le 14 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société Baron Philippe de Rothschild France distribution aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Etablissements Gabriel Boudier la somme de 2 500 euros, et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du trois avril deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour la société Etablissements Gabriel Boudier.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
En ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Etablissements Gabriel Boudier à payer à la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution la somme de 40.000 au titre de l'indemnité compensatrice pour rupture du contrat d'agent commercial ;
Aux motifs que l'agent commercial recherche et visite des clients auxquels il propose les produits fabriqués ou négociés par son mandant ; que cette prospection se traduit soit par des « prises d'ordre » ou des « prises de commandes » au nom et pour le compte du mandant, soit par la conclusion de contrats de vente, d'achat ou de prestations de services toujours au nom et pour le compte du mandant ; que l'intermédiaire qui reçoit les commandes des clients et perçoit une commission sur les ventes réalisées est un agent commercial ; que la société intimée soutient qu'en l'espèce la société RFD n'a ni visité la clientèle, ni négocié et que les commandes étaient passées directement auprès d'elle soit par fax, soit via le système EDI, ce dont elle rapporte effectivement la preuve ; qu'elle ajoute que la négociation des accords annuels de référencement, des accords de coopération commerciale ou de services distincts a toujours été conduite par elle, en prise directe avec les acheteurs pour discuter les marchés, les prix, les remises sur facture et les marges arrières et que la société RFD n'a été d'aucune aide à cet égard, n'ayant tout au plus participé qu'à quelques réunions avec les acheteurs en compagnie de ses propres représentants ; mais qu'à supposer que la pièce n°28 « synthèse des visites de magasins » ne puisse être retenue à titre de preuve, s'agissant d'un document émanant de la société appelante elle-même, cette dernière produit également aux débats des comptes-rendus de visite dont il résulte qu'elle a conduit ou participé à des réunions de négociation des prix avec les clients de la Grande Distribution, même si ces négociations étaient très encadrées et surveillées par la société SAEGB ; qu'elle prouve également que la société intimée l'a chargée d'organiser des animations afin de promouvoir la vente des produits Gabriel Boudier ; qu'ainsi, dans un courriel du 23 mai 2006, celle-ci lui a-t-elle donné son accord pour organiser de telles manifestations, avec dégustation des produits ; que les enseignes de la grande distribution adressaient certes leurs commandes par procédés informatiques, directement à l'intimée, mais qu'il résulte des propres correspondances de la société SAEGB qu'il s'agissait de répondre à des impératifs pratiques de gestion de la logistique GD ; qu'en revanche la société RFD facturait directement la société Carrefour, preuve que son rôle n'était pas celui d'un simple courtier ; que le contrat proposé le 29 juillet 2004 par la société SAEGB prévoit d'ailleurs que « le commissionnaire » passera les commandes des clients au prix fixé dans le tarif et qu'il percevra une commission sur toutes les transactions passées « pour le compte du commettant » ; qu'il est d'ailleurs intéressant de noter que la société SAEGB prétend que son adversaire a accepté le contrat de commissionnaire qu'elle lui proposait, qui est en totale contradiction avec un simple contrat de courtage ; qu'il apparaît que comme l'affirme la société appelante elle a surtout fait en sorte d'éviter la qualification d'agent commercial pour échapper aux obligations qui en résulteraient pour elle ; que dans son courriel du 18 octobre 2004 Monsieur Hervé X... indique que « RFD crée et envoie une proforma à Boudier pour toutes les commandes GD qui sont livrées et facturées par Boudier » ; que cette précision est en accord avec la conception qu'avait chacune des parties du rôle et de la mission de la société RFD ; que de même, dans la lettre de rupture du 2 novembre 2006, la société SAEGB mentionne que « depuis le 1er janvier 2005, nous vous avons accordé, d'une part un mandat exclusif afin de rechercher pour nos produits des clients dans le secteur de la grande distribution, nous mettre en relation avec eux et nous assister dans la négociation » ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société RFD assumait bien pour le compte de la société SAEGB une mission d'agent commercial ( ) que l'article L 134-12 du code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ( ) que compte tenu des éléments du dossier, la cour estime devoir limiter l'indemnisation accordée à une année de commissions, soit la somme de 40 000 euros ;
1°/ Alors que l'agent commercial est un mandataire indépendant, chargé de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats au nom et pour le compte de son mandant ; qu'en énonçant tout au contraire que l'agent commercial recherche et visite des clients auxquels il propose les produits négociés par son mandant, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les dispositions de l'article L.134-1 du code de commerce ;
2°/ Alors en outre qu'ayant relevé que si la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution avait conduit ou participé à des réunions de négociation des prix avec les clients de la Grande Distribution, ces négociations étaient très encadrées et surveillées par la société SAEGB et que le contrat proposé le 29 juillet 2004 par la société SAEGB prévoyait d'ailleurs que " le commissionnaire " passerait les commandes des clients au prix fixé dans le tarif, ce dont il résultait que la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution n'était investie d'aucun pouvoir de négocier les contrats, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a derechef violé l'article L.134-1 du code de commerce ;
3°/ Alors que l'agent commercial, qui est un mandataire, n'agit pas pour son compte et n'a pas de clientèle propre, ne facture pas directement les clients ; qu'en énonçant que « la société RFD facturait directement la société Carrefour, preuve que son rôle n'était pas celui d'un simple courtier », pour en déduire que cette société avait la qualité d'agent commercial, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.134-1 du code de commerce ;
4°/ Et alors enfin que l'organisation d'animations de promotion, avec dégustation de produits, n'est pas un élément caractéristique du contrat d'agent commercial ; qu'en se fondant encore sur la circonstance inopérante que la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution prouvait également avoir été chargée d'organiser des animations afin de promouvoir la vente des produits Gabriel Boudier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.134-1 du code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
En ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Etablissements Gabriel Boudier à payer à la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution la somme de 6.666 au titre de la rupture sans préavis suffisant du contrat d'agent commercial ;
Aux motifs que l'article L 442-6 I du code de commerce dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers 5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels... Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure » ; que la société SAEGB reproche à la société RFD ses mauvaises performances commerciales ; ( ) mais que l'objectif fixé, sans même prendre en compte les ventes Metro dont la société intimée soutient qu'elles relèvent du secteur GD, a été quasiment atteint ; qu'en tout cas l'écart en moins est tel qu'il ne saurait caractériser l'inexécution par la société RFD de ses obligations contractuelles justifiant la rupture des relations commerciales sans préavis suffisant ; que la durée de ces relations ainsi que l'absence de dépendance économique du distributeur imposent que la durée du préavis soit fixée à quatre mois ; ( ) que pour le secteur GD, la société SAEGB ne produit aucun élément permettant de contester les chiffres avancés par l'appelante, soit 110.361 EQB 70 cl pour 2005 et 95.964 EQB 70 cl pour 2006, soit une moyenne sur les deux années supérieure à celle exigée ; que là encore la preuve d'un défaut d'exécution des obligations contractuelles n'étant pas rapportée, le préavis de deux mois accordé doit être considéré comme insuffisant et fixé à quatre mois, soit un préjudice de 40.000 : 6 = 6.666 euros ;
Alors que les dispositions de l'article L 442-6-I,5°, du code de commerce, qui érigent en faute la rupture brutale de relations commerciales établies sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, ne s'appliquent pas lorsque la loi fixe la durée de préavis à respecter en fonction de la durée des relations ; qu'en cas de rupture d'un contrat d'agent commercial, l'article L 134-11 du code de commerce fixe la durée du préavis à respecter à un mois pour la première année du contrat, à deux mois pour la deuxième année commencée, et à trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes ; qu'à supposer, comme elle l'a retenu, que la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution aurait été liée à la société Gabriel Boudier par un contrat d'agent commercial, la cour d'appel en fixant à 4 mois le délai de préavis sur le fondement de l'article L 442-6-I,5°, du code de commerce, en aurait violé par fausse application les dispositions et celles de l'article L 134-11 du même code par refus d'application.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
En ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Etablissements Gabriel Boudier à payer à la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution la somme de 12.753,10 au titre de la reprise des stocks ;
Aux motifs que la somme sollicitée au titre de la reprise des stocks, soit 12.753,10 euros, est également justifiée, aucune faute à la charge de la société appelante n'étant démontrée ;
Alors que tout jugement doit être motivé ; que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu'en prononçant par cette seule affirmation que la somme sollicitée au titre de la reprise des stocks aurait été justifiée sans préciser à quel titre et sur quel fondement la société Etablissements Gabriel Boudier -qui le contestait- aurait été tenue de reprendre le stock de la société Baron Philippe de Rothschild France Distribution, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile qu'elle a violés, ensemble avec l'article 12 du même code.
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Cette décision est visée dans la définition :
Agent commercial
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.