par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 16 octobre 2012, 11-19981
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, chambre commerciale
16 octobre 2012, 11-19.981
Cette décision est visée dans la définition :
Carte bancaire
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 16 décembre 2010 rectifié le 15 février 2011), que le 20 mai 2007, M. X... a constaté la disparition de la carte de retrait que la Banque de Nouvelle-Calédonie (la banque) avait mis à sa disposition avec un code confidentiel ; que le 21 mai 2007, recevant un relevé mentionnant dix-neuf retraits frauduleux entre le 7 et le 21 mai 2007 sur le compte ouvert avec son épouse, M. X... a formé opposition ; que M. et Mme X... ont ultérieurement assigné la banque en remboursement et en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande de condamnation de la banque à leur rembourser 1 260 000 FCFP correspondant aux retraits bancaires frauduleux effectués entre le 7 mai et le 21 mai 2007 et à leur payer 300 000 FCFP à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en cas de perte ou de vol, le titulaire d'une carte de paiement ne supporte la perte subie avant la mise en opposition, au-delà de la limite du plafond de 150 euros, que s'il a agi avec une négligence constituant une faute lourde ou si, après la perte ou le vol de ladite carte, il n'a pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs délais, compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la carte ; qu'en décidant néanmoins que M. X... devait supporter la totalité des retraits bancaires frauduleux qui avaient été effectués avant opposition, motif pris qu'il avait commis une faute grave en conservant sa carte bancaire et son code confidentiel dans la boîte à gants de son véhicule, bien que seule une faute lourde ou une opposition tardive aient été de nature à lui faire supporter les pertes qu'il avait subies au-delà du plafond légal de 150 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 132-3 ancien du code monétaire et financier ;
2°/ que le banquier est tenu à un devoir de vigilance permanent, de sorte qu'il lui appartient de procéder aux vérifications nécessaires lorsqu'il constate qu'une opération présente une anomalie apparente ou qu'il suspecte une fraude ou une malversation au préjudice de son client ; qu'en décidant néanmoins que la banque n'avait pas commis de faute en ne procédant à aucune vérification consécutivement aux dix-neuf retraits d'espèces effectués entre le 7 mai et le 21 mai 2007 pour un montant total de 1 260 000 FCFP, au moyen d'une carte de paiement qui n'avait été jusqu'alors utilisée que pour procéder à huit retraits étalés sur une période de neuf mois pour un montant de 24 000 FCPF, motif pris que le compte bancaire de M. et Mme X... était largement créditeur et connaissait de nombreux mouvements, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à établir le caractère non apparent des anomalies présentées par les retraits effectués, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ que seule la force majeure et la faute intentionnelle ou exclusive de la victime dans la survenance de son préjudice entraînent une exonération totale de responsabilité du débiteur ; qu'en écartant la responsabilité de la banque, motif pris que M. X... avait commis une faute grave qui était à l'origine de son préjudice, bien que seules la force majeure ou une faute intentionnelle ou exclusive de la victime aient été de nature à exclure un partage de responsabilité, la cour d'appel, qui a exonéré la banque de sa responsabilité au titre de son devoir de vigilance, sans caractériser les éléments constitutifs de la force majeure ni une faute intentionnelle ou exclusive de M. X... dans la survenance de son préjudice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que M. X... avait indiqué aux services de police, en déclarant le vol de sa carte, qu'il avait laissé comme d'habitude cette carte dans son véhicule et son code confidentiel dans la boîte à gants, l'arrêt retient qu'il résulte de son propre aveu qu'il a commis une imprudence grave en laissant son code personnel à proximité de sa carte de retrait dans un lieu sans surveillance ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a fait ressortir que M. X... avait agi avec une imprudence constituant une faute lourde ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que le compte était largement créditeur et que l'anomalie ne pouvait être caractérisée d'apparente, s'agissant d'un compte d'entrepreneur aux nombreux mouvements, la cour d'appel, qui a fait ressortir l'absence d'anomalies apparentes, dans le fonctionnement du compte, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, enfin, que le rejet de l'action en responsabilité dirigée contre la banque rend sans objet le grief de la troisième branche ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Jean-Michel X... et Madame Evelyne Y..., épouse X..., de leurs demandes tendant à voir condamner la BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE à leur rembourser la somme de 1.260.000 FCFP correspondant aux retraits bancaires frauduleux effectués entre le 7 mai 2007 et le 21 mai 2007, ainsi qu'à leur payer la somme de 300.000 FCFP à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, le tout majoré des intérêts de droit ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... s'est engagé contractuellement le 4 juillet 2006, lors de la remise de sa carte de retrait, à ce que son code personnel indispensable à l'utilisation de sa carte soit « tenu absolument secret par le titulaire, dans son intérêt même et n'être communiquée à qui que ce soit » (article 3.1), la convention des parties précisant que « le titulaire est responsable de la conservation et de l'utilisation de la carte de retrait jusqu'à ce qu'il ait demandé son annulation à la banque de Nouvelle-Calédonie. (...) Sa responsabilité est dégagée pour les opérations initiées postérieurement à réception par la Banque de Nouvelle-Calédonie d'une demande d'annulation » (article 5) ; que Monsieur X... a indiqué, le 21 mai 2007, aux forces de police auxquelles il venait de déclarer le vol de sa carte : « cette carte, comme je n'ai pas l'habitude de l'utiliser, je la laisse toujours dans mon véhicule. Et le code, je l'ai laissé aussi dans la boîte à gants » ; qu'il résulte du propre aveu de Monsieur X..., qu'il n'a pas respecté ses obligations contractuelles et qu'il a ainsi commis une imprudence grave en laissant son code personnel à proximité de sa carte de retrait dans un lieu sans surveillance ; que la jurisprudence a ainsi pu admettre qu'un porteur de carte bancaire commettait une faute d'imprudence grave engageant sa responsabilité, en abandonnant sans surveillance son sac contenant notamment sa carte bancaire, laquelle avait été utilisée par la suite par un voleur et que dans ces conditions le porteur ne pouvait dès lors prétendre au remboursement des sommes résultant des utilisations frauduleuses et bénéficier de la franchise prévue (Cass. com., 18 mai 2005) ; que de même a-t-il été jugé qu'avait commis une faute engageant sa responsabilité, permettant à la banque de laisser à la charge du porteur l'entier préjudice, le porteur qui avait laissé la carte bancaire dans la boîte à gants de son véhicule même fermé à clé, dans la mesure où les clés de ce véhicule certes garé dans l'enceinte de l'entreprise, étaient accrochées à un tableau en un lieu aisément accessible et non contrôlé (Cour d'appel de Rennes, 1ère ch., 10 nov. 2006) ; qu'en conséquence, en l'espèce, Monsieur X... ne saurait s'exonérer de sa propre responsabilité en excipant du manque de vigilance de la banque qui ne lui aurait pas signalé, en temps utile, les opérations suspectes, ce d'autant moins que le manque de vigilance de la banque n'est nullement établi, le compte étant largement créditeur (11.077.566 FCFP) et l'anomalie ne pouvant être au surplus caractérisée d'apparente s'agissant d'un compte d'entrepreneur aux nombreux mouvements ; qu'en tout état de cause, le motif du défaut de surveillance allégué par Monsieur X... est inopérant dans la mesure où la faute d'imprudence grave du porteur de la carte est de nature à libérer le banquier (Cass. Com., 23 juin 1987 et Cass. Com., 8 octobre 1991), le porteur étant à l'origine de son propre préjudice (CA Paris, 15e ch. sect. B, 21 juin 2007) ; que les époux X... qui échouent à démontrer les fautes de la banque, doivent être déboutés de leur demande en dommages et intérêts ;
1°) ALORS QU'en cas de perte ou de vol, le titulaire d'une carte de paiement ne supporte la perte subie avant la mise en opposition, au-delà de la limite du plafond de 150 euros, que s'il a agi avec une négligence constituant une faute lourde ou si, après la perte ou le vol de ladite carte, il n'a pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs délais, compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la carte ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur X... devait supporter la totalité des retraits bancaires frauduleux qui avaient été effectués avant opposition, motif pris qu'il avait commis une faute grave en conservant sa carte bancaire et son code confidentiel dans la boîte à gants de son véhicule, bien que seule une faute lourde ou une opposition tardive aient été de nature à lui faire supporter les pertes qu'il avait subies au-delà du plafond légal de 150 euros, la Cour d'appel a violé l'article L 132-3 ancien du Code monétaire et financier ;
2°) ALORS QUE le banquier est tenu à un devoir de vigilance permanent, de sorte qu'il lui appartient de procéder aux vérifications nécessaires lorsqu'il constate qu'une opération présente une anomalie apparente ou qu'il suspecte une fraude ou une malversation au préjudice de son client ; qu'en décidant néanmoins que la BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE n'avait pas commis de faute en ne procédant à aucune vérification consécutivement aux dix-neuf retraits d'espèces effectués entre le 7 mai et le 21 mai 2007 pour un montant total de 1.260.000 FCFP, au moyen d'une carte de paiement qui n'avait été jusqu'alors utilisée que pour procéder à huit retraits étalés sur une période de 9 mois pour un montant de 24.000 FCPF, motif pris que le compte bancaire de Monsieur et Madame X... était largement créditeur et connaissait de nombreux mouvements, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à établir le caractère non apparent des anomalies présentées par les retraits effectués, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
3°) ALORS QUE seule la force majeure et la faute intentionnelle ou exclusive de la victime dans la survenance de son préjudice entraînent une exonération totale de responsabilité du débiteur ; qu'en écartant la responsabilité de la BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE, motif pris que Monsieur X... avait commis une faute grave qui était à l'origine de son préjudice, bien que seules la force majeure ou une faute intentionnelle ou exclusive de la victime aient été de nature à exclure un partage de responsabilité, la Cour d'appel, qui a exonéré la BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE de sa responsabilité au titre de son devoir de vigilance, sans caractériser les éléments constitutifs de la force majeure ni une faute intentionnelle ou exclusive de Monsieur X... dans la survenance de son préjudice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
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Carte bancaire
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.