par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 22 janvier 2013, 11-17968
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Cour de cassation, chambre commerciale
22 janvier 2013, 11-17.968
Cette décision est visée dans la définition :
Faillite personnelle
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'une procédure principale de faillite a été ouverte le 14 août 2008 à l'égard de la société NOB par le tribunal de commerce de Liège (Belgique) ; qu'une procédure secondaire a été ouverte en France par jugement du 11 décembre 2008, rectifié le19 février 2009, à l'égard de la société Etablissements NOB, la SCP Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias étant nommée liquidateur judiciaire ; que la procédure de la société NOB a été clôturée pour absence d'actifs le 1er avril 2009 ; que le 4 décembre 2009 le procureur de la République de Chalon-sur-Saône a sollicité une mesure d'interdiction de gérer à l'égard de M. X..., dirigeant de la société NOB ; que ce dernier a soulevé l'irrecevabilité de la demande, au vu des dispositions du Règlement du Conseil de l'Union Européenne n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ; que par jugement du 9 septembre 2010, M. X... a été condamné à l'interdiction de gérer ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Vu les articles 3 et 27 du Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ;
Attendu que pour déclarer recevable la demande du procureur de la République et prononcer à l'encontre de M. X..., en sa qualité de dirigeant de la société NOB, une interdiction de gérer d'une durée de deux ans, l'arrêt retient que dès lors qu'une procédure de liquidation judiciaire, même secondaire, est ouverte à l'égard d'une société située sur le territoire national, le ministère public est recevable à exercer à l'encontre de son dirigeant les poursuites fondées sur les articles L. 653-1 à L. 653-11 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et qu'en tout état de cause, même à supposer que le Règlement CE s'applique aux actions en responsabilité et aux sanctions à l'encontre des dirigeants, son article 28 rappelle que sauf disposition contraire la loi applicable à la procédure secondaire est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel cette procédure est ouverte, et que par ailleurs aucune disposition du Règlement n'exclut que des sanctions puissent être demandées à l'encontre des dirigeants en application du droit national ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, d'un côté, l'action tendant au prononcé d'une interdiction de gérer à l'encontre du dirigeant de la personne morale faisant l'objet d'une procédure d'insolvabilité appartient à la catégorie des actions qui dérivent directement de la procédure initiale et qui s'y insèrent étroitement, et que, de l'autre, les effets d'une procédure secondaire d'insolvabilité sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur le territoire de cette dernière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable la requête du procureur de la République près le tribunal de Chalon-sur-Saône ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public y compris ceux afférents aux instances devant les juridictions du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR déclaré recevable la demande de Procureur de la République près du Tribunal de grande instance de CHALON-SUR-SAONE fondée sur l'article L. 653-8 du Code de commerce et D'AVOIR prononcé à l'encontre de Monsieur X..., pris en sa qualité de dirigeant de la société NOB, une interdiction de gérer d'une durée de deux ans ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'applicabilité des dispositions des articles L. 653-1 à L. 653-11 du Code de commerce ; que l'appelant soutient, en se fondant sur le préambule du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 et sur ses articles 1, 3, 4, 27 et 28, que la procédure initiée par le ministère public à son encontre sur le fondement des articles du Code de commerce susvisés est irrecevable ; que l'article 12 du préambule du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 dispose : "Le présent règlement permet d'ouvrir les procédures d'insolvabilité principales dans l'Etat membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur » ; que ces procédures ont une portée universelle et visent à inclure tous les actifs du débiteur ; qu'en vue de protéger les différents intérêts, le présent règlement permet d'ouvrir des procédures secondaires parallèlement à la procédure principale ; que des procédures secondaires peuvent être ouvertes dans l'Etat membre dans lequel le débiteur a un établissement ; que les effets des procédures secondaires se limitent aux actifs situés dans cet Etat ; que des règles impératives de coordination avec les procédures principales satisfont l'unité nécessaire au sein de la communauté" ; qu'il résulte notamment de l'article 4 du même préambule que l'objectif du règlement communautaire est d'"assurer le bon fonctionnement du marché intérieur" en évitant "que les parties ne soient incitées à déplacer des avoirs ou des procédures judiciaires d'un Etat à un autre en vue d'améliorer leur situation juridique (forum shopping)" ; que comme l'indique la circulaire CIV 19/06 du 15 décembre 2006, l'instauration d'une procédure unique produisant ses effets dans tous les Etats aurait été le moyen de garantir la parfaite cohérence du traitement international de l'insolvabilité mais que le règlement entend sauvegarder la diversité des lois internes, notamment en ce qui concerne les sûretés, et protéger certains créanciers en leur permettant de bénéficier de l'application de la loi locale ; que pour concilier ces objectifs, le texte adopte le schéma suivant : plusieurs procédures d'insolvabilité peuvent être ouvertes contre un même débiteur, l'une par la juridiction de l'Etat où est situé le centre de ses intérêts principaux, l'autre par la juridiction de chaque Etat où il possède un établissement ; que toute procédure d'insolvabilité ouverte selon l'un de ces critères de compétence confère de plein droit au syndic la faculté d'exercer certaines prérogatives dans les autres Etats (article 18 du règlement) : qu'en outre le règlement organise la coordination des procédures ouvertes à l'égard d'un même débiteur et la prééminence de la procédure ouverte dans l'Etat où est situé le centre de ses intérêts principaux mais qu'au-delà de ces effets minimums, la procédure n'a pas la même efficacité dans les autres Etats, selon que la compétence de la juridiction est fondée sur l'un ou l'autre des critères de compétence territoriale ci-dessus indiqués ; que la procédure ouverte dans l'Etat du siège du débiteur produit de plein droit dans les autres Etats les effets prévus par la loi de cet Etat, sous réserves d'exceptions importantes (article 17-1er) et la procédure ouverte dans l'Etat où se trouve l'établissement ne produit pas d'effet sur les biens situés dans les autres Etats, ses effets étant limités aux biens du débiteur situés sur le territoire de cet Etat (article 27 du règlement) ; que l'appelant se fonde notamment sur cette dernière disposition pour soutenir que la seule vocation de la juridiction de la procédure d'insolvabilité dite secondaire est de faire procéder à la liquidation des actifs situés sur le territoire français ; mais que l'article 1 paragraphe 1 du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 dispose que ce règlement s'applique aux procédures collectives fondées sur l'insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d'un syndic ; que selon l'article 2 du même règlement, on entend par "procédure d'insolvabilité" les procédures collectives visées à l'article 1er paragraphe 1, la liste de ces procédures figurant à l'annexe A ; que l'annexe A ne fait mention que des procédures de sauvegarde, de liquidation judiciaire et de redressement judiciaire ; qu'or, l'action engagée par le ministère public relève du titre V du livre VI du Code de commerce intitulé "des responsabilités et des sanctions", parfaitement distinct des titres II, III et IV, consacrés respectivement à la sauvegarde, au redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire ; qu'il en résulte que le règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 ne s'applique pas aux actions en responsabilité engagées à rencontre des dirigeants ou aux sanctions susceptibles d'être prononcées à leur encontre ; qu'en conséquence, dès lors qu'une procédure de liquidation judiciaire, même secondaire, est ouverte à l'encontre d'une société située sur le territoire national, ce qui est le cas en l'espèce, la SA ETABLISSEMENTS NOB, enregistrée au RCS de Chalon sur Saône, ayant son siège social à Dracy le Fort, le ministère public est recevable à exercer à l'encontre de son dirigeant les poursuites fondées sur les articles L. 653-1 à L. 653-11 du Code de commerce ; qu'en tout état de cause et même à supposer que le Règlement CE s'applique aux actions en responsabilité et aux sanctions à rencontre des dirigeants, il convient d'observer d'une part que son article 28 rappelle que sauf disposition contraire la loi applicable à la procédure secondaire est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel cette procédure est ouverte et que par ailleurs aucune disposition du règlement n'exclut que des sanctions puissent être demandées à l'encontre des dirigeants en application du droit national » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELEMENT ADOPTES QU'« il convient de rappeler que tant le jugement du 11 décembre 2008, ayant prononcé la liquidation judiciaire, que le jugement rectificatif du 19 février 2009, ayant indiqué que la procédure s'entendait comme une procédure secondaire de liquidation judiciaire n'ont pas été frappés d'appel et sont donc définitifs ; que dès lors, la procédure dite secondaire est régie par la loi française et se limite effectivement au passif créé par cet établissement secondaire qui s'élève à la somme de 2.073.184 ; que par conséquent, Monsieur le Procureur de la République est parfaitement recevable en sa demande d'interdiction de gérer dans la mesure ou au terme de sa requête, il considère que le dirigeant a commis des fautes de gestion dans le cadre de son activité secondaire ayant conduit à générer le passif indiqué » ;
ALORS D'UNE PART QU'aux termes de l'article 3 § 1 et 2 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000 les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité ; que lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d'un Etat membre, les juridictions d'un autre Etat membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité à l'égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre Etat membre, les effets de cette procédure étant limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire ; que la Cour de justice des communautés européennes a indiqué (CJCE, 12 février 2009, C 339 p 7, point 21) que « compte tenu de l'intention du législateur et de l'effet utile du règlement, l'article 3, paragraphe 1 de ce dernier doit être interprété en ce sens qu'il attribue également une compétence internationale à l'Etat membre sur le territoire duquel a été ouverte la procédure d'insolvabilité pour connaître des actions qui dérivent directement de cette procédure et qui s'y insèrent étroitement » ; que l'action tendant au prononcé d'une interdiction de gérer à l'encontre du dirigeant de la personne morale faisant l'objet d'une procédure d'insolvabilité appartient à la catégorie des actions qui dérivent directement de la procédure initiale et qui s'y insèrent étroitement ; que partant, cette action relève exclusivement de la compétence de l'Etat membre ayant ouvert la procédure principale d'insolvabilité de la personne morale ; qu'en déclarant recevable l'action fondée sur les articles L. 653-1 et suivants du Code de commerce introduite contre Monsieur X... dans le cadre de la procédure secondaire d'insolvabilité de la société NOB ouverte en France, malgré l'existence d'une procédure principale d'insolvabilité ouverte contre cette société en Belgique, la Cour d'appel a violé l'article 3 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ensemble les articles L. 653-1 et suivants du Code de commerce ;
ALORS D'AUTRE PART QUE selon les articles 3 paragraphes 1 et 2 et 27 du Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité ; que si les juridictions d'un autre Etat membre sont compétentes pour ouvrir une procédure d'insolvabilité (dite secondaire) à l'égard du même débiteur lorsque celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre Etat membre, les effets de cette seconde procédure sont expressément limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire ; que cette règle de compétence posée par le règlement européen exclut donc celle des juridictions du pays d'ouverture de la procédure secondaire pour exercer une action tendant au prononcé d'une interdiction de gérer à l'encontre d'un dirigeant d'une société faisant l'objet d'une procédure principale d'insolvabilité ouverte dans un autre Etat membre ; qu'en déclarant recevable l'action fondée sur les articles L. 653-1 et suivants du Code de commerce introduite contre Monsieur X... dans le cadre de la procédure d'insolvabilité de la société NOB, ouverte en France, dont les effets ne pouvaient porter que sur les biens de cette société situés dans l'Hexagone, dès lors que celle-ci faisait l'objet d'une procédure principale d'insolvabilité ouverte en Belgique, la Cour d'appel a violé les articles 3 et 27 du Règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ainsi que les articles L. 653-1 et suivants du Code de commerce ;
ALORS ENFIN QUE conformément à l'article 4 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets, est celle de l'Etat d'ouverture, laquelle détermine les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité ; que la clôture de cette procédure principale interdit dans le cadre de la procédure secondaire, ouverte dans un autre Etat membre, de poursuivre le dirigeant de la société en vue de voir prononcer une interdiction de gérer à son encontre ; qu'en déclarant recevable l'action introduite à cette fin le 22 février 2010, contre Monsieur X..., pris en sa qualité de dirigeant de la société NOB bien que la procédure principale d'insolvabilité ouverte le 14 août 2008 ait été clôturée pour insuffisance d'actif le 1er avril 2009 en Belgique, la Cour d'appel a violé l'article 4 du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000, ainsi que les articles L. 653-1 et suivants du Code de commerce.
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Faillite personnelle
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.