par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 4 avril 2013, 10-19233
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
4 avril 2013, 10-19.233

Cette décision est visée dans la définition :
Concubinage




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties, conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 53 I, modifiant l'article L. 434-8 du code de la sécurité sociale et II de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001, dans sa rédaction issue de l'article 87 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte, immédiatement applicable aux instances en cours, que le concubin d'une victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle a droit à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de cette dernière, lorsque le décès de la victime est survenu à compter du 1er septembre 2001 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Boleslaw X... atteint d'une silicose prise en charge au titre de la législation professionnelle depuis le 11 octobre 1977 en est décédé le 21 janvier 2004 ; que Mme Y..., qui vivait maritalement avec lui depuis le 17 octobre 1966, a contesté devant une juridiction de sécurité sociale le refus du bénéfice d'une rente de conjoint survivant que lui a opposé la caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés de Valenciennes, aux droits de laquelle vient la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut ;

Attendu que, pour rejeter le recours de l'intéressée, l'arrêt énonce qu'au vu de l'article 53 § II de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale, la disposition légale relative à l'attribution d'une rente de conjoint survivant introduite à l'article L. 434-8 du code de la sécurité sociale au bénéfice des concubins n'est pas applicable à Mme Y... dont le concubin était atteint d'une maladie professionnelle reconnue avant le 1er septembre 2001 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'ouverture du droit n'est pas déterminée par la date de reconnaissance de la maladie professionnelle mais par celle du décès qui en est résulté, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés de Valenciennes aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils pour Mme Y...

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUE D'AVOIR confirmé la décision de la Commission de recours amiable de la CPAM de Valenciennes du 8 octobre 2004 refusant à l'exposante, le bénéfice d'une rente de conjoint survivant à la suite du décès de son concubin du fait de la maladie professionnelle dont il était atteint et débouté l'exposante de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'article L.434-8 du Code de la sécurité sociale : Sous réserve des dispositions des alinéas suivants, le conjoint ou le concubin ou la personne liée par un pacte civil de solidarité a droit à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime, à condition que le mariage ait été contracté, le pacte civil de solidarité conclu ou la situation de concubinage établie antérieurement à l'accident ou, à défaut, qu'ils l'aient été depuis une durée déterminée à la date du décès. Toutefois, ces conditions ne sont pas exigées si les époux, les concubins ou les partenaires du pacte civil de solidarité ont eu un ou plusieurs enfants ; que cette disposition a été introduite par l'article 53 de la loi n°2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale qui énonce : I Paragraphe modificateur. II Les dispositions du présent article sont applicables aux accidents survenus à compter du 1er septembre 2001. III Pour les accidents survenus à compter du 1er septembre 2001 et jusqu'à l'intervention du décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L.482-5 du Code de la sécurité sociale, les dispositions suivantes s'appliquent ; qu'en l'espèce, la rente de maladie professionnelle dont bénéficiait Boleslaw X... au jour de son décès résulte de la maladie professionnelle (silicose) inscrite au tableau n°25 des maladies professionnelles dont il a été reconnu atteint le 11 octobre 1977 ; qu'au vu de l'article 53 paragraphe II de la loi n°2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale, la disposition législative relative à l'attribution d'une rente de conjoint survivant introduite à l'article L. 434-8 du Code de la sécurité sociale au bénéfice des concubins n'est donc pas applicable à Madame Lucienne Y... dont le concubin était atteint d'une maladie professionnelle reconnue avant le 1er septembre 2001 ; que, pour contester la décision de la CPAM de Valenciennes, intimée, qui a rejeté sa demande pour ce motif, Madame Lucienne Y... observe qu'en réservant le bénéfice de la rente aux concubins survivants des assurés victimes d'un accident ou d'une maladie professionnelle survenus à compter du 1er septembre 2001, la loi a privé de l'avantage consenti à ces derniers les concubins survivants des assurés victimes d'un accident ou d'une maladie professionnelle survenus avant le 1er septembre 2001 et opéré ainsi une différence de traitement entre des personnes dans une situations sociale identique qui serait contraire au principe d'égalité proclamé : - à l'article 1er de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ; - à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de 1950 ; - à l'article 12 de la Charte sociale européenne de 1961 ; - à l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ; que, par suite, se prévalant de la primauté du droit international sur le droit national reconnu par la Constitution, Madame Lucienne Y... conclut à l'infirmation de la décision qu'elle estime contraire à un principe fondamental tirant sa valeur juridique des textes internationaux précités ; que, cependant, en fixant la date d'effet d'une extension (au bénéfice des concubins de victimes d'accident de travail et de maladie professionnelle) de la couverture sociale accordée aux assurés du régime général de la sécurité sociale en contrepartie de leurs cotisations, la loi à laquelle la CPAM de Valenciennes s'est conformée pour refuser à Madame Lucienne Y... la rente qu'elle sollicitait, n'a méconnu aucun des droits fondamentaux de valeur supérieure permettant de l'écarter, à savoir l'article 26 du Pacte international relatif au droit civil et politique et l'article 12 de la Charte sociale européenne, l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme n'étant pas d'application autonome, et l'article 1er de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 n'étant pas, en l'état, de nature à permettre au juge d'écarter l'application de la loi ; que, dès lors, il y a lieu de conclure au bienfondé du rejet opposé par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Valenciennes à la demande de rente présentée par Madame Lucienn Y... ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L.434-8 du Code de la sécurité sociale, issu de la loi du 21 décembre 2001, prévoit que le conjoint ou le concubin, ou la personne liée par un pacte civil de solidarité, a droit à une rente viagère égale ou à une fraction du salaire annuel de la victime à condition que le mariage ait été contracté, que le pacte civil de solidarité conclu ou la situation de concubinage établie antérieurement à l'accident ou, à défaut, qu'ils l'aient été depuis une durée déterminée à la date du décès ; que, toutefois, ces conditions ne sont pas exigées si les époux, les conjoints ou les partenaires du pacte civil de solidarité ont eu un ou plusieurs enfants ; que ces dispositions sont applicables aux accidents survenus à compter du 1er septembre 2001 ; qu'en l'espèce, il est constant que Lucienne Y... et Boleslaw X..., qui était atteint d'une silicose prise en charge au titre de législation professionnelle dès 1977, ont vécu maritalement du 17 octobre 1966 au 21 janvier 2004, date à laquelle est survenu son décès des suites de sa maladie ; que l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 prévoit expressément que les dispositions élargissant les rentes d'ayants droit aux concubins et partenaires liés par un PACS sont applicables aux accidents survenus à compter du 1er septembre 2001 ; qu'en dépit de la longueur de sa vie commune avec le défunt, Lucienne Y... ne peut, en conséquence, au regard de l'ancienneté de la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie dont celui-ci était atteint, bénéficier d'une rente d'ayant droit ; que ces dispositions ne rompent pas l'égalité de traitement des personnes se trouvant dans une situation identique dès lors que, n'ayant pas contracté mariage, le droit à une rente d'ayant droit s'appliquera de la même manière pour tout concubin dont le compagnon aura été victime de tout accident du travail ou maladie professionnelle reconnus antérieurement au 1er septembre 2001 ; qu'à cet égard, le Tribunal des affaires de sécurité sociale doit trancher le litige dont il est saisi conformément aux règles de droit applicables et ne peut se fonder sur des considérations d'équité pour faire droit à la demande qui lui est soumise ; que, compte tenu de ces éléments, il convient de débouter Lucienne Y... de ses demandes ;

ALORS D'UNE PART QUE le respect du principe d'égalité et de nondiscrimination impose qu'à situation semblable, il soit fait application de règles semblables ; qu'en retenant que l'exposante, dont la qualité de concubine survivante d'un assuré victime d'une maladie professionnelle était reconnue, ne pouvait bénéficier de la rente viagère de conjoint survivant prévue par l'article L.434-8 du Code de la sécurité sociale aux seuls motifs que la rente de maladie professionnelle dont bénéficiait son conjoint résultait d'une maladie professionnelle dont il a été reconnu atteint le 11 octobre 1977, soit avant le 1er septembre 2001, la Cour d'appel a opéré une différence de traitement totalement injustifiée entre des personnes dans une situation sociale identique et, par là même, violé le principe d'égalité et les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 12 de la Charte sociale européenne de 1961 et 26 du Pacte international relatif au droit civil et politique de 1966 ;


ALORS D'AUTRE PART QUE le principe de non discrimination s'applique aux droits sociaux, lesquels constituent des droits patrimoniaux au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'en excluant l'exposante du bénéfice de la rente viagère prévue à l'article L 434-8 du Code de la sécurité sociale, à seule raison de sa qualité de concubine et de la date de reconnaissance de la maladie professionnelle du défunt, soit en vertu d'une distinction relevant de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme, sans nullement rechercher ni préciser d'où il ressortait que cette différence de traitement aurait été le résultat de facteurs objectifs ne relevant pas d'une discrimination prohibée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme et 1er du Premier protocole additionnel à ladite Convention.



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Cette décision est visée dans la définition :
Concubinage


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.