par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 4 juin 2013, 12-17203
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Cour de cassation, chambre commerciale
4 juin 2013, 12-17.203
Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse de Crédit mutuel de Cherbourg Napoléon du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Caen ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 9 février 2012), que la société Domelec services (la société débitrice) a été mise en redressement judiciaire le 9 septembre 2010, M. X... (l'administrateur) étant désigné administrateur avec une mission d'assistance ; que ce dernier a exigé de la caisse de Crédit mutuel de Cherbourg Napoléon (la banque) la poursuite d'une convention de compte courant sous la double signature du débiteur et de la sienne, ès qualités ; que devant le refus de la banque, l'administrateur et la société débitrice ont saisi le juge-commissaire ; que la débitrice ayant été mise en liquidation judiciaire le 14 octobre 2010, l'instance a été reprise par la société Bruno Cambon en sa qualité de liquidateur judiciaire ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé, pour la période courant jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire, l'injonction de maintenir le compte courant ouvert au nom de la société débitrice, ce compte devant fonctionner sous la double signature, alors, selon le moyen :
1°/ qu'à supposer que l'émission d'un chèque, en cas de procédure de redressement judiciaire, comportant l'assistance d'un administrateur, suppose l'accord de l'administrateur, cette règle postule seulement que le débiteur ne s'autorise à émettre un chèque qu'avec l'accord de l'administrateur et que l'administrateur met en place les mesures nécessaires, dans le cadre de l'organisation de l'entreprise, pour que cette règle soit respectée, sans qu'il puisse être imposé à la banque l'usage de chèques portant la double signature du débiteur et de l'administrateur ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 631-12 du code de commerce, ensemble les articles L. 131-72 et L. 163-6 du code monétaire et financier ;
2°/ que si la banque, dès lors que l'administrateur le décide, est tenue de poursuivre l'exécution des conventions, dans les termes où elles ont été conclues, l'administrateur n'a en aucune façon le pouvoir d'en modifier les termes ; qu'en s'abstenant de rechercher, avant d'adresser une injonction à la banque, si les conventions relatives au compte courant prévoyaient ou autorisaient l'émission de chèques portant une double signature, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 631-12, L. 631-14 et L. 622-13 du code de commerce, ensemble les articles L. 131-72 et L. 163-6 du code monétaire et financier ;
3°/ que si, sachant que les conventions ne peuvent être maintenues que dans les termes où elles ont été contractées, les juges du fond devaient à tout le moins rechercher, comme le faisait valoir la banque, si, en application de l'article 4 de la convention de compte, la banque n'était pas autorisée à refuser une modalité, eu égard à sa complexité, du fait des contraintes de gestion entraînées ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 631-12, L. 631-14 et L. 622-13 du code de commerce, ensemble les articles L. 131-72 et L. 163-6 du code monétaire et financier ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que l'administrateur s'était vu confier une mission d'assistance sans aucune restriction, la cour d'appel en a justement déduit que cette mission emportait obligation pour ce dernier d'assister la société débitrice dans tous les actes de gestion au nombre desquels figure le fonctionnement des comptes bancaires sous leur double signature ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé qu'en application des dispositions de l'article L. 622-13 et L. 631-14 du code de commerce, nonobstant toute disposition légale, ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que ces dispositions interdisent à la banque d'opposer à l'administrateur qui entend poursuivre la convention d'ouverture de compte, des prétextes tirés d'une impossibilité organisationnelle, prétextes dissimulant la volonté de la banque de cesser tout concours avec une entreprise placée en redressement judiciaire ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse de Crédit mutuel de Cherbourg Napoléon aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société B. Cambon, ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit mutuel de Cherbourg Napoléon
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt partiellement confirmatif encourt la censure ;
EN CE QU'il a confirmé, pour la période courant jusqu'au prononcé de la liquidation judiciaire, soit le 14 octobre 2010, l'injonction faite à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de maintenir le compte courant ouvert dans les livres de la banque au nom de la société DOMELEC SERVICE, ce compte courant devant fonctionner sous la double signature, par application des dispositions de l'article L. 631-12 du code de commerce et du jugement d'ouverture ;
AUX MOTIFS QU' « il y a lieu de relever en outre que lors de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le Tribunal de commerce de Cherbourg a, par jugement du 9 septembre 2010, confié à Maître X..., une mission d'assistance qui n'est assortie d'aucune restriction ; que cette mission emportait l'obligation pour Maître X... d'assister la société débitrice dans tous les actes de gestion au nombre desquels figure le fonctionnement des comptes bancaires ; que l'assistance supposant l'intervention conjointe du débiteur et de l'administrateur pour les actes de gestion de l'entreprise, c'est à bon droit que Maître X... exigeait l'ouverture d'un compte "redressement judiciaire de la SARL Domelec Service" fonctionnant sous la double signature du représentant légal de la société et de l'administrateur ; que le jugement entrepris mérite donc d'être confirmé sauf à ( ) dire que la demande n'avait plus d'objet à compter du prononcé de la Liquidation judiciaire du fait du dessaisissement du débiteur » (arrêt, p. 6, alinéas 1 à 4) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « l'article L. 631-12, alinéa 5, du code de commerce qui prévoit le fonctionnement du compte sous la seule signature de l'administrateur judiciaire lorsque le chef de l'entreprise fait l'objet d'une interdiction bancaire, et l'interprétation stricte est d'ordre public et ne saurait être applicable en l'espèce dans la mesure où Me X... bénéficie en exécution du jugement d'ouverture d'une mission d'assistance qui oblige donc en conséquence la banque à accepter le principe du fonctionnement du compte bancaire sous la double signature de l'administrateur judiciaire ou de son mandataire muni d'un pouvoir et de la signature du chef d'entreprise si ce dernier n'est pas interdit bancaire, la seule signature de l'administrateur judiciaire étant seulement exigée lorsque le chef de l'entreprise fait l'objet d'une interdiction bancaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce » ;
ALORS QUE, premièrement, à supposer que l'émission d'un chèque, en cas de procédure de redressement judiciaire, comportant l'assistance d'un administrateur, suppose l'accord de l'administrateur, cette règle postule seulement que le débiteur ne s'autorise à émettre un chèque qu'avec l'accord de l'administrateur et que l'administrateur met en place les mesures nécessaires, dans le cadre de l'organisation de l'entreprise, pour que cette règle soit respectée, sans qu'il puisse être imposé à la banque l'usage de chèques portant la double signature du débiteur et de l'administrateur ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 631-12 du code de commerce, ensemble les articles L. 131-72 et L. 163-6 du code monétaire et financier ;
ALORS QUE, deuxièmement, si la banque, dès lors que l'administrateur le décide, est tenue de poursuivre l'exécution des conventions, dans les termes où elles ont été conclues, l'administrateur n'a en aucune façon le pouvoir d'en modifier les termes ; qu'en s'abstenant de rechercher, avant d'adresser une injonction à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL, si les conventions relatives au compte courant prévoyaient ou autorisaient l'émission de chèques portant une double signature, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 631-12, L. 631-14 et L. 622-13 du code de commerce, ensemble les articles L. 131-72 et L. 163-6 du code monétaire et financier ;
ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, sachant que les conventions ne peuvent être maintenues que dans les termes où elles ont été contractées, les juges du fond devaient à tout le moins rechercher, comme le faisait valoir la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL, si, en application de l'article 4 de la convention de compte, la banque n'était pas autorisée à refuser une modalité, eu égard à sa complexité, du fait des contraintes de gestion entraînées (conclusions du 30 novembre 2011, p. 4, alinéas 3 et 4) ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 631-12, L. 631-14 et L. 622-13 du code de commerce, ensemble les articles L. 131-72 et L. 163-6 du code monétaire et financier ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'arrêt partiellement confirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a confirmé le jugement du 11 juillet 2011 ayant lui-même maintenu l'ordonnance du 22 octobre 2010, sachant que cette ordonnance du 22 octobre 2010 avait enjoint à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE CHERBOURG NAPOLÉON, sous astreinte, de maintenir le terminal de paiement électronique ;
AUX MOTIFS QUE « le jugement entrepris mérite donc d'être confirmé, Me X... pouvant exiger le fonctionnement d'un compte sous double signature, sauf à déclarer irrecevable la demande relative au maintien de la ligne de cessions de créances Dailly déjà autorisée par l'ordonnance du 21 septembre 2010, et à dire que la demande n'avait plus d'objet à compter du prononcé de la liquidation judiciaire du fait du dessaisissement du débiteur » (arrêt, p. 6, alinéa 4) ;
ALORS QUE, premièrement, en s'abstenant de rechercher si, comme le demandait la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL (conclusions du 30 novembre 2011, p. 4, alinéa 1er), la demande n'était pas privée d'intérêt dès lors que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL avait toujours donné son accord pour le maintien du terminal du paiement électronique, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, en cas d'acquiescement à la demande, l'instance, en tant qu'elle concerne la demande à laquelle il est acquiescé, est automatiquement éteinte ; qu'en l'espèce, si la société DOMELEC SERVICE et Me X... ont demandé le maintien d'un terminal de paiement électronique, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL a fait valoir qu'elle a toujours été d'accord pour le maintien de cette prestation (conclusions du 30 novembre 2011, p. 4, alinéa 1er) ; qu'en s'abstenant de rechercher si, du fait de cet accord, susceptible de caractériser un acquiescement à la demande, l'instance ne devait pas être éteinte, en tant qu'elle concernait le terminal de paiement électronique, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 384 et 408 du code civil ;
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Sauvegarde des entreprises
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.