par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 2, 6 mars 2014, 13-14295
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
6 mars 2014, 13-14.295
Cette décision est visée dans la définition :
Preuve
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont assigné M. Joseph Y... et M. André Y..., en réparation de leur préjudice résultant d'insultes, de provocations et de dégradations ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce notamment que nul n'est admis à se préconstituer une preuve à soi-même, en sorte que doivent être jugés dépourvus de toute valeur probante les courriers adressés par les demandeurs au maire de Bining, le 8 avril 2006, et à l'association SOS Victimes de notaires, le 25 février 2008, pour se plaindre des agissements de MM. Y... ; qu'il en est de même des deux attestations délivrées le 30 avril 2004 et le 16 mars 2009 par l'un des demandeurs ; que les dépôts de plainte effectués en 1997, 2001 et 2003 sont également dépourvus de caractère probant en raison du caractère unilatéral des doléances et du classement sans suite de certains d'eux ;
Qu'en statuant ainsi, sans examiner le contenu des pièces produites, alors que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n'est pas applicable à la preuve d'un fait juridique, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne M. Joseph Y... et M. André Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Joseph Y... et M. André Y..., les condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de dommages-intérêts de Monsieur Christian X... et de Madame Fabienne Z... épouse X... contre Messieurs Joseph Y... et André Y... ;
AUX MOTIFS QUE : « c'est de façon pertinente que le tribunal a rappelé les dispositions de l'article 1315 alinéa 1 du code civil qui énonce que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, avec cette application à l'espèce que Monsieur et Madame X... supportent seuls la charge de la preuve des comportements délictueux et dommageables dont ils font grief aux consorts Y..., savoir les insultes et provocations diverses ainsi que les dégradations qu'ils leur attribuent, André Y... et Joseph Y... n'ayant pour leur part pas à effectuer la preuve négative de ce qu'ils ne sont pas les auteurs de tels faits ou de telles dégradations ; qu'il est d'autre part utile, compte tenu de la nature des pièces produites par Monsieur et Madame X..., de rappeler que nul n'est admis à se préconstituer une preuve à soi-même, en sorte que doivent être jugés comme dépourvus de toute valeur probante les courriers adressés par eux le 8 avril 2006 au maire de Bining pour se plaindre des agissements non seulement des consorts Y... mais d'autres familles voisines et le 25 février 2008 à l'associations SOS Victimes de notaires pour se plaindre de l'attitude de la famille Y... ; qu'il en est de même des 2 attestations figurant curieusement au dossier des intimés délivrées le 30 avril 2004 et le 16 mars 2009 par Mme Fabienne X..., soit l'une des parties demanderesses et intimées ; que les certificats délivrés les 20 février 2006 et 5 mars 2009 par le maire de la commune de Bining sont également sans aucune valeur probante comme révélant en réalité le maire de cette commune n'a été témoin d'aucun des faits dommageables allégués par Monsieur et Madame X... ; que les dépôts de plaintes effectués en 1997, juillet 2001 et décembre 2001 et octobre 2003 ne permettent pas davantage à Monsieur et Madame X... de fournir la démonstration qu'il leur appartient de réaliser, d'une part en raison du caractère unilatéral de leurs doléances et d'autre part parce que ces plaintes ont été pour certaines suivies d'avis de classement sans suite le 6 novembre 1997 et le 13 septembre 2001 et que la suite donnée aux plaintes des 6 décembre 2001, 10 octobre 2003 et 16 octobre 2003 n'est pas connue ; que Alexandre A... a quant à lui rédigé 5 attestations en faveur de Monsieur et Madame X... les 3 mai 2004, 30 octobre 2004, 13 août 2006, 16 octobre 2007 et 16 mars 2009, ces documents appelant les observations suivantes : - la première attestation ne comprend aucun détail relatif aux faits de harcèlement et provocation dont se serait rendue coupable la famille Y..., ainsi que d'autres familles et ne contient pas d'indication quant à la date précise des faits qu'il relate, - la deuxième attestation fait référence, non pas à des dates précises, mais aux semaines du 11 au 16 octobre, du 18 au 23 octobre et du 29 au 30 octobre sans non plus préciser les faits de harcèlement ou les agressions prêtées "aux X..." et aux autres familles et sans qu'il soit possible d'attribuer ces faits de façon formelle à M. André ou Joseph Y..., - la troisième attestation ne comporte pas d'indication de date et est rédigée en termes généraux qui ne détaillent pas et n'explicitent pas les faits incriminés, - l'attestation du 16 octobre 2007 est dépourvue de toute indication de date et ne permet pas d'attribuer un fait précis à André ou Joseph Y... plutôt qu'aux autres intervenants cités, - il en est de même de la dernière attestation qui paraît être dirigée non seulement contre la famille Y..., sans précision quant aux individus concernés, mais contre d'autres familles et leur parenté ; que la cour juge au vu de ces éléments que Monsieur et Madame X... n'ont pas rapporté la preuve des faits dommageables selon eux causés par André ou Joseph Y... ; qu'ils n'ont en outre produit ou communiqué aucune pièce permettant d'évaluer leur préjudice à la somme de 12 000 € qu'ils mettent en compte et pas non plus à la somme de 3 000 € retenue par le tribunal de grande instance de Sarreguemines ; que leurs demandes et prétentions doivent être rejetées, de même que leur appel incident » ;
ALORS 1°) QUE : le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve des faits juridiques ; qu'en déniant néanmoins, par application de ce principe, toute valeur probante à certaines des pièces produites par Monsieur et Madame X... pour établir les fautes délictuelles de Messieurs Y..., à savoir les courriers adressés par les exposants au maire de Bining le 8 avril 2006 et à l'association de défense des victimes de notaires le 25 février 2008, ainsi que les deux attestations de Madame X... des 30 avril 2004 et 16 mars 2009 et les plaintes déposées en 1997, 2001 et 2003, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
ALORS 2°) QUE : Monsieur A... relatait, dans son attestation du 3 mai 2004, que quand Monsieur ou Madame X... sortaient de chez eux, Messieurs Y... les suivaient à pied ou en voiture et que quand Monsieur X... sortait dans son jardin, ils se positionnaient à un mètre de lui et le regardaient fixement ; que dans son attestation du 30 octobre 2004, Monsieur A... confirmait que durant les semaines du 4 au 10 octobre et du 18 au 23 octobre, dès que Monsieur ou Madame X... s'affairait dans leur jardin, Messieurs Y... se mettaient à roder autour de leur maison, marchaient sur le terrain de Monsieur et Madame X... pour chercher la bagarre, s'approchaient tout près d'eux comme pour les agresser ; que dans son attestation du 16 octobre 2007, Monsieur A... ajoutait que Messieurs Y... surveillaient la maison de Monsieur et Madame X... du matin au soir, que dès qu'ils sortaient dans leur jardin Messieurs KREBS étaient présents et faisaient des gestes menaçants, que l'un d'eux a fait de la main des gestes humiliants, qu'un autre a menacé Monsieur X..., cependant qu'il s'était mis à travailler derrière son garage, de ne pas effectuer de travaux ou de quitter les lieux ; qu'ainsi Monsieur A... témoignait d'agissements précis ; qu'en affirmant, néanmoins, que ces attestations ne précisaient pas les faits de harcèlement imputés à Messieurs Y..., la cour d'appel les a dénaturées, en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS 3°) QUE : sont constitutives de harcèlement moral la conjonction et la répétition dans le temps des agissements d'une personne tendant à dégrader la tranquillité, la qualité de vie, voire la santé même de son voisin ; qu'en jugeant que les attestations de Monsieur A... des 3 mai 2004, 30 octobre 2004 et 16 octobre 2007 n'établissaient pas les faits de harcèlement commis par Messieurs Y... sous le prétexte qu'elles n'indiquaient pas les dates précises de commission des faits incriminés, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.
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Cette décision est visée dans la définition :
Preuve
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.