par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 2 avril 2014, 12-29825
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Cour de cassation, chambre sociale
2 avril 2014, 12-29.825

Cette décision est visée dans la définition :
Fonds d'indemnisation des victimes de l'Amiante




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et vingt-deux autres anciens salariés de la société Garlock France ont été admis, entre 2001 et 2008, au régime de l'Allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice économique, d'un préjudice d'anxiété et d'un préjudice lié au bouleversement dans les conditions d'existence ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 451-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 142-1 du même code et L. 1411-1 du code du travail ;

Attendu que pour déclarer irrecevable l'action de M. Y..., l'arrêt retient que la prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels frappe d'irrecevabilité son action en réparation de ses préjudices complémentaires présentée devant la juridiction prud'homale, peu important le fait que la demande ait été introduite antérieurement à la reconnaissance de la maladie professionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la déclaration de la maladie professionnelle et le contentieux auquel elle peut donner lieu devant la juridiction de sécurité sociale ne privent pas le salarié du droit de demander à la juridiction prud'homale la réparation des conséquences du trouble psychologique, compris dans le préjudice d'anxiété, subi avant la déclaration de la maladie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 1147 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que le salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante se trouve, du fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers ; que l'indemnisation accordée au titre d'un préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante ;

Attendu que pour débouter les salariés de leurs demandes au titre des préjudices d'anxiété et de bouleversement dans les conditions d'existence, l'arrêt retient que les intéressés ne versent ni document objectif ni témoignage de tiers sur leur anxiété, qu'aucun salarié n'évoque ses conditions d'existence et n'apporte d'élément sur un changement de ses conditions d'existence et qu'ils ne rapportent donc pas la preuve qui leur incombe d'un sentiment d'anxiété ni d'une modification des conditions d'existence ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les salariés avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, en sorte qu'ils pouvaient prétendre à l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété réparant l'ensemble des troubles psychologiques induits par l'exposition au risque, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes et le principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de MM. X..., Z..., A..., B..., C..., D..., E..., F..., G..., H..., I..., J..., K..., L..., M..., N..., O..., P... et Q..., F..., R..., S..., l'arrêt rendu le 19 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Garlock France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société Garlock France de sa demande et la condamne à payer aux demandeurs la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X... et vingt-deux autres demandeurs.

PREMIER MOYEN DE CASSATION (concernant Monsieur Y...)

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le conseil de prud'hommes incompétent pour statuer sur l'action de Monsieur Y... tendant, sur le fondement du manquement de son employeur à son obligation de sécurité, à obtenir la condamnation de la société GARLOCK FRANCE au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis d'anxiété et de bouleversement dans les conditions d'existence ;

AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de l'action : qu'en application des articles L. 142-2 et L. 461-5 du code de la sécurité sociale, toute maladie professionnelle dont la réparation est demandée doit être déclarée à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et les litiges afférents sont portés devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale interdit qu'une action en réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles soit exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit ; que l'article L. 1411-1 du code du travail confère compétence au conseil des prud'hommes pour connaître des différents qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail ; qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité de résultat et la violation de cette obligation se résout pas des dommages et intérêts ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que l'action en responsabilité exercée par le salarié à l'encontre de son employeur devant la juridiction prud'homale pour mauvaise exécution du contrat de travail est irrecevable dès lors qu'elle tend à la réparation du préjudice résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et est recevable dès lors qu'elle tend à la réparation d'un préjudice ne résultant pas de l'altération de l'état de santé ; que Maurice X..., Charles Z..., Roland A..., Roger C..., Roger D..., Alain B..., Josette T..., Patrick E..., Jean-Marcel F..., Suzanne F..., Alain G..., Gilbert H..., Jean-François I..., Bernadette R..., Léonardo J..., Josiane S..., Roger K..., André L..., Guy M..., Marcel N..., Gérard U... et Camille P... ne sont pas atteints d'une maladie provoquée par le travail et plus spécialement causée par l'amiante ; qu'ils invoquent une anxiété ; qu'or, l'anxiété est une émotion et n'est pas une maladie ; qu'elle dégénère en trouble psychologique et en pathologie seulement lorsqu'elle devient envahissante et entraine une souffrance significative ; que ces anciens salariés de la société GARLOCK réclament des dommages et intérêts à raison d'un manquement par l'employeur de son obligation de sécurité née du contrat de travail ; qu'ils ne réclament donc pas l'indemnisation d'une maladie d'origine professionnelle mais la réparation d'une violation des obligations issues du contrat de travail n'ayant pas eu d'incidence sur leur santé ; qu'il s'ensuit que la procédure propre aux maladies professionnelles ne s'applique pas à l'action intentée par ces salariés et que le litige les concernant relève de la compétence du conseil des prud'hommes ; qu'en conséquence, les actions exercées par que Maurice X..., Charles Z..., Roland A..., Roger C..., Roger D..., Alain B..., Josette T..., Patrick E..., Jean-Marcel F..., Suzanne F..., Alain G..., Gilbert H..., Jean-François I..., Bernadette R..., Léonardo J..., Josiane S..., Roger K..., André L..., Guy M..., Marcel N..., Gérard U... et Camille P... sont recevables ; que le jugement entrepris doit être confirmé ; que Jacques Y... souffre de plaques pleurales ; que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu l'origine professionnelle de sa pathologie au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles ; que la prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnelles frappe d'irrecevabilité son action en réparation de ses préjudices complémentaires présentée devant la juridiction prud'homale, peu important le fait que la demande ait été introduite antérieurement à la reconnaissance de la maladie professionnelle ; qu'en conséquence, l'action exercée par Jacques Y... doit être déclarée irrecevable ; que le jugement entrepris doit être infirmé.

ALORS QUE la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne fait pas obstacle à l'attribution de dommages et intérêts au salarié en réparation du préjudice que lui a causé le manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat dont il a été victime antérieurement à la prise en charge de son affection comme maladie professionnelle ; que la réparation du préjudice spécifique d'anxiété, qui a pour fait générateur la méconnaissance par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat et qui n'est indemnisable ni au titre de la maladie professionnelle ni au titre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), en ce qu'il est spécifique à la période d'exposition au risque lorsque le salarié est sain, relève de la compétence prud'homale ; qu'il en est de même du trouble dans les conditions d'existence du salarié exposé au risque de maladie liée à l'amiante qui l'indemnise du préjudice qu'il subit alors qu'il est sain, en raison de la conscience qu'il a de la diminution de son espérance de vie ; qu'il en résulte que le salarié qui a développé après cette période, et après la saisine de la juridiction prud'homale, une maladie professionnelle a droit à l'indemnisation de ces préjudices qui préexistent à cette maladie et existent indépendamment d'elle ; qu'en se bornant à constater que la caisse primaire d'assurance maladie avait reconnu l'origine professionnelle de la pathologie du salarié au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles et à énoncer que la prise en charge de sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels frappait d'irrecevabilité son action en réparation de ses préjudices complémentaires présentée devant la juridiction prud'homale, peu important le fait que la demande avait été introduite antérieurement à la reconnaissance de la maladie professionnelle, la cour d'appel a violé l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 142-1 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société GARLOCK FRANCE à payer à chacun des exposants les sommes de 12.000 et de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation respectivement des préjudices d'anxiété et de bouleversement dans les conditions d'existence subis à cause de leur exposition à l'amiante.

AUX MOTIFS QUE, sur le bien-fondé de l'action : que l'article L. 4121-1 du code du travail fait peser sur l'employeur l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; que le fait que Maurice X..., Alain B..., Suzanne F..., Jean-François I..., André L..., Guy M..., Gérard V... et Camille P... n'ont jamais été inscrits sur la liste des salariés travaillant sur des postes sur lesquels l'amiante était utilisée ne suffit pas à établir, comme le prétend l'employeur, qu'ils n'ont pas été exposés aux poussières d'amiante ; qu'en effet, Jacques Y... est atteint de plaques pleurales que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu maladie professionnelle causée par l'amiante ; que le service médical interprofessionnel du travail a établi une attestation d'exposition à l'amiante pour Maurice X... de septembre 1963 à 1997, pour Charles Z... de mai 1964 à 1997, pour Roland A... d'octobre 1969 à 1997, pour Roger C..., pour Roger D... de janvier 1967 à 1997, pour Alain B... de décembre 1973 à 1997, pour Josette T... d'octobre 1982 à 1997, pour Patrick E... d'avril 1976 à 1997, pour Jean-Marcel F... de juin 1962 à 1997, pour Suzanne F... de mai 1971 à 1997, pour Alain G... de juin 1976 à 1997, pour Gilbert H... d'octobre 1974 à 1997, pour Jean-François I... d'avril 1969 à 1997, pour Bernadette R... de septembre 1976 à 1997, pour Léonardo J..., pour Josiane S... de mai 1978 à 1997, pour Roger K... d'avril 1968 à 1997, pour Marcel N... de 1968 à 1997, pour Gérard U... de mai 1977 à 1997 et pour Camille P... ; que l'employeur a attesté qu'André L... avait été exposé à l'amiante d'octobre 1963 à juillet 1967 ; qu'une collègue de travail atteste que Guy M... a été exposé à l'amiante de septembre 1979 à 1997 ; que l'établissement de SAINT-ETIENNE de la S.A.S. GARLOCK FRANCE a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; que les salariés, parties à l'instance, ont tous bénéficié du dispositif précité ; qu'enfin, il s'évince du compte rendu de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société GARLOCK du 11 décembre 1996 que de l'amiante était stockée dans l'entreprise et que la charpente métallique était empoussiérée d'amiante ; que ces éléments établissent que les salariés en cause ont tous été exposés aux poussières d'amiante ; que le danger inhérent aux poussières a été stigmatisé par un décret du 10 mars 1894 qui exigeait que les poussières soient évacuées au fur et à mesure de leur production et que soit installés dans les ateliers des systèmes de ventilation aspirante ; que plusieurs décrets ultérieurs ont édicté des réglementations de plus en plus strictes pour préserver les salariés des poussières ; que le danger sur la santé des salariés causé par l'amiante a été admis par le droit du travail et le droit de la sécurité sociale ; qu'ainsi, la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières renfermant de l'amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 2 août 1945 ; que l'asbestose qui trouve sa cause dans l'inhalation de poussières d'amiante a été inscrite au tableau des maladies professionnelles le 31 août 1950 ; que le décret du 17 août 1977 a pris des mesures particulières d'hygiène pour les établissements où les salariés étaient exposés aux poussières d'amiante et a notamment exigé un contrôle de l'atmosphère, la mise en place d'installations de protection collective et la mise à la disposition des salariés d'équipements de protection individuelle ; que s'agissant de l'activité spécifique de la S.A.S. GARLOCK FRANCE qui fabriquait des joints d'étanchéité à base d'amiante, le décret n° 51-1215 du 3 octobre 1951 a fait figurer sur le tableau des maladies professionnelles dans la liste des travaux susceptibles de provoquer l'asbestose engendrée par les poussières d'amiante la fabrication des joints en amiante et en caoutchouc ; que dès lors, la S.A.S. GARLOCK FRANCE avait conscience du danger causé par son activité sur la santé de ses salariés ; que pour démontrer qu'elle n'a commis aucune faute, la S.A.S. GARLOCK FRANCE verse de nombreux documents ; que sur demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, la société GARLOCK a diffusé des consignes destinées aux salariés et relatives à la lutte contre les poussières d'amiante ; qu'il était rappelé les risques possibles de maladie ; que les consignes sont de 1978, de 1979, de 1993 ; que Maurice X..., Roland A..., Roger C..., Roger D..., Josiane S... et Marcel N... ont été individuellement destinataires des consignes ; que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société GARLOCK a noté : * le 22 novembre 1989 que le résultat des comptages de l'amiante était dans les plus fiables, * le 21 février 1990 que les résultats des mesures de l'amiante étaient très inférieurs à la limite admise (0,1 à 0,3 fibres par centimètres cube mesuré avec une limite à 1 fibre par centimètre cube), * le 6 novembre 1990 que l'entreprise faisait toujours partie du groupe 1 en ce qui concerne le circuit de comparaison de l'amiante, * le 9 janvier 1991 et le 10 avril 1991 que les résultats des mesures de l'amiante étaient toujours très inférieurs à la limite admise, * le 12 mai 1992 que les résultats des mesures de l'amiante étaient en parfait accord avec les critères de l'I.N.R.S., du L.H.C.F. et de l'Abestos International Association, * le 25 janvier 1995 que les résultats des mesures de l'amiante étaient toujours très inférieurs à la limite admise et que la consommation de l'amiante était en baisse, 7 tonnes en 1994 pour 15 tonnes en 1991, * le 20 septembre 1995 que les résultats des mesures de l'amiante étaient tous inférieurs à 0,6 fibres par centimètres cube, * le 20 mars 1996 que les résultats des mesures de l'amiante étaient toujours très inférieurs à la limite admise telle que modifiée par le décret et l'arrêté du 7 février 1996, * le 11 décembre 1996 que beaucoup de stocks d'amiante avaient été éliminés, que toute l'amiante, ses dérivés et la céramique auront disparu de l'usine pour le 181 janvier 1997 et qu'une entreprise assurera le dépoussiérage de la charpente métallique de certaines sections ; que des documents internes montrent que la société GARLOCK a recherché des substitutifs à l'amiante en 1993, en 1994 et en 1995 ; que la société verse les rapports annuels sur l'amiante de 1980 à 1996 : * en 1980, il est fait état de la mise en place d'une table aspirante à la section J, de la commande d'un aspirateur pour la section G, de l'essai d'un aspirateur pour les sections V et G, de l'étude d'un aménagement spécial pour le travail des joints métalloplastique et du regroupement des travaux amiante, * en 1981, il est fait état de l'exécution de deux lèvres aspirantes pour le découpoir, de difficultés sur l'utilisation des aspirateurs, d'un projet de réimplantation des secteurs découpage et de la réimplantation du travail amiante concernant les sections G, V et J, * en 1982, il est fait état d'une demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail visant à l'amélioration de l'aspiration en section X et d'une demande de l'inspecteur du travail visant à la mise en place d'une aspiration sur la chantourneuse et de tiroirs et placards pour stocker l'amiante en section J, * en 1983, il est fait état de l'installation de l'aspirateur deuxième tranche et des dangers de l'amiante, * en 1984, il est fait état des projets d'aspiration des presses automatiques en section G et V, de révision du stockage de l'amiante en section, de la mise en place d'une machine automatique et capotée en section L, du remplacement d'une machine aspirée et de la réalisation d'emballage unitaire sous plastique en section N et R, * en 1985, il est fait état des réalisations suivantes : aspirateur pour presse automatique, lèvres aspirantes sur presses et découpoirs, presse automatique aspirée et capotée pour les sections G et V, mise en place de capots, de deux aspirateurs et d'une machine automatique et capotée en section L, emballage unitaire sous plastique en section N et R, * en 1986 et 1988 il n'est pas fait état de réalisation mais de réimplantations, * en 1987, il est fait des réalisations suivantes : fixation des tuyauteries aspiration en sections G et V, * en 1989, il n'est pas fait état de la réalisation, * en 1990 il est fait état d'une étude de réimplantation de la benne à déchets et d'étiquetage des produits contenant de l'amiante et du remplacement de deux aspirateurs en sections L et V, * en 1991, il est fait état des consignes d'utilisation du broyeur destructeur, de la mise en place d'une benne pour les déchets et de l'ensachage des déchets d'amiante, * en 1992, sont rappelées les consignes d'utilisation du broyeur destructeur, * en 1993, sont données des consignes générales amiante, * en 1994, il est fait état des réalisations suivantes : aspiration des presses automatique en section G, aspiration des tours à repousser en section J, aspiration tour modifiée en section O, * en 1995 et 1996, il n'est pas fait état de réalisation mais d'un arrêt à compter du 1er janvier 1997 de l'utilisation de l'amiante ; que les rapports annuels précisent de 1980 à 1982 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, N, X et préparation ensachage, de 1983 à 1985 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, N, R et préparation ensachage, de 1986 à 1988 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, B, N, R et préparation amiante, de 1989 à 1992 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, B, R, en 1993 et 1994 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, B, R, O, D, en 1995 et 1996 que les sections concernées par l'amiante sont les sections G, V, J, K, L, B, R, O, D et le magasin ; que les salariés produisent des documents pour démontrer la faute de la société GARLOCK ; que le rapport annuel sur l'amiante de 1978 fait état d'une mesure qui a conduit aux résultats suivants : 2,6 fibres par centimètres cube en section G, 2,2 fibres par centimètres cube et 7,8 fibres par centimètres cube à l'ensachage, 1,9 fibres par centimètres cube en section V et 33,3 fibres par centimètres cube en section J ; les rapports montrent qu'en 1979 et 1980, sept postes de travail étaient soumis à plus de 2 fibres par centimètres cube, deux postes en 1981 et trois postes en 1982 ; qu'un contrôle réalisé par le laboratoire d'hygiène et de contrôle des fibres minérales les 3 et 4 février 1982 a donné des taux de concentration de fibres par centimètres cube plus élevés que ceux obtenus suite aux mesures opérées par la société GARLOCK ; que le 27 juillet 1983, l'inspecteur du travail a invité la société GARLOCK à poursuivre l'installation des aspirations et à revoir l'aspiration sur la scie pour la section J ; qu'enfin, tous les salariés témoignent de l'absence de protection individuelle et aucun document ne vient démentir leurs assertions ; il s'évince de l'ensemble de ces éléments que, postérieurement au décret ne 51-1215 du 3 octobre 1951 qui a consacré un lien entre l'asbestose et la fabrication des joints en amiante et en caoutchouc et postérieurement au décret du 17 août 1977 spécifique à la protection des salariés contre les poussières d'amiante, la S.A.S. GARLOCK FRANCE n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour protéger tous ses salariés soumis aux poussières d'amiante ; que notamment, elle a échelonné les moyens d'aspiration collective dans le temps et selon les section d'activité sans pour autant mettre des équipements individuels de protection à la disposition des salariés ; qu'ainsi, la S.A.S. GARLOCK FRANCE a exposé ses salariés aux poussières d'amiante même après qu'elle ait été informée des risques causés par ce matériau ; qu'en conséquence, la S.A.S. GARLOCK FRANCE a failli à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses travailleurs et sa responsabilité issue du contrat de travail se trouve engagée ; que salarié qui a été exposé à l'amiante sans développer une maladie est en droit de réclamer la réparation des préjudices que lui a occasionnés ce manquement de l'employeur ; que dans la mesure où le salarié s'est placé hors du champ de la législation sur les risques professionnels et dans le champ de la responsabilité contractuelle, il doit rapporter la preuve de la réalité, de la certitude et de l'étendue des préjudices dont il réclame l'indemnisation ; que dans la mesure où l'action est exercée devant une juridiction civile, les dommages et intérêts ont une visée indemnitaire et non sanctionnatrice ou compensatrice ; que Maurice X..., Charles Z..., Roland A..., Roger C..., Roger D..., Alain B..., Josette T..., Patrick E..., Jean-Marcel F..., Suzanne F..., Alain G..., Gilbert H..., Jean-François I..., Bernadette R..., Léonardo J..., Josiane S..., Roger K..., André L..., Guy M..., Marcel N..., Gérard U... et Camille P... produisent le certificat de travail, des bulletins de salaire, la notification d'attribution de l'allocation des travailleurs de l'amiante, des documents sur la retraite et des attestations sur leur exposition à l'amiante ; que les salariés versent des courriers qu'ils ont rédigés sur leurs conditions de travail et leur anxiété ; que Roland A... et Patrick E... expliquent que le décès de leur collègue Roland W... en mai 2007 les a personnellement beaucoup touché ; que Jean-Marcel F... et Suzanne F... signalent la situation de Roland W... décédé d'un cancer de l'amiante ; que Roger K... évoque le cas de Roland W... décédé en mai 2007 de l'amiante et qui travaillait dans le même atelier que lui ; que Roger C... précise qu'une personne de son entourage souffre de graves problèmes respiratoires ; que Gérard U... allègue son état dépressif et écrit sur ses parents qui souffraient d'affections respiratoires ; que Roger D... mentionne que beaucoup de collègues décédés avant l'âge de la retraite ; qu'Alain B... relie sa décision de prendre sa retraite au décès d'un collègue suite à un cancer ; que Camille P... décrit les dangers de l'amiante ; que les autres salariés font uniquement état de leur travail ; que les salariés ne versent ni document objectif ni témoignage de tiers sur leur anxiété ; qu'aucun salarié n'évoque ses conditions d'existence et n'apporte d'élément sur un changement des conditions d'existence ; que les salariés ne rapportent donc pas la preuve qui leur incombe d'un sentiment d'anxiété ni d'une modification des conditions d'existence ; qu'en conséquence, Maurice X..., Charles Z..., Roland A..., Roger C..., Roger D..., Alain B..., Josette T..., Patrick E..., Jean-Marcel F..., Suzanne F..., Alain G..., Gilbert H..., Jean-François I..., Bernadette R..., Léonardo J..., Josiane S..., Roger K..., André L..., Guy M..., Marcel N..., Gérard U... et Camille P... doivent être déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts pour préjudice d'anxiété et de dommages et intérêts pour bouleversement dans leur conditions d'existence ; que le jugement entrepris doit être infirmé ; que sur les frais irrépétibles et les dépens : l'équité commande de débouter Maurice X..., Charles Z..., Roland A..., Roger C..., Roger D..., Alain B..., Josette T..., Patrick E..., Jean-Marcel F..., Suzanne F..., Alain G..., Gilbert H.... Jean-François I..., Bernadette R..., Léonardo J..., Josiane S..., Roger K..., André L..., Guy M..., Marcel N..., Gérard U... et Camille P... de leurs demandes présentées en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que le jugement entrepris doit être infirmé ; que l'équité commande de débouter Maurice X..., Charles Z..., Roland A..., Roger C..., Roger D..., Alain B..., Josette T..., Patrick E..., Jean-Marcel F..., Suzanne F..., Alain G..., Gilbert H..., Jean-François I..., Bernadette R..., Léonardo XX..., Josiane S..., Roger K..., André L..., Guy YY..., Marcel N..., Gérard U... et Camille P... de leurs demandes présentées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que Maurice X..., Charles Z..., Roland A..., Roger C..., Roger D..., Alain B..., Josette T..., Patrick E..., Jean-Marcel F..., Suzanne F..., Alain G..., Gilbert H..., Jean-François I..., Bernadette R..., Léonardo XX..., Josiane S..., Roger K..., Jacques Y..., André ZZ..., Guy M..., Marcel N..., Gérard U... et Camille P... qui succombent doivent supporter solidairement les dépens de première instance et d'appel ; que le jugement entrepris doit être infirmé.

ALORS, d'une part, QUE le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers ; qu'il subit de ce seul fait un préjudice spécifique d'anxiété qu'il appartient à l'employeur d'indemniser ; qu'après avoir relevé non seulement que l'établissement de SAINT-ETIENNE de la S.A.S. GARLOCK FRANCE avait été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) et que les salariés avaient tous été admis au bénéfice de cette allocation mais, en outre, que ces derniers établissaient avoir été exposés effectivement et personnellement aux poussières d'amiante de manière fautive par l'employeur et qu'ils évoquaient le fait que des anciens collègues de travail avaient été atteints d'une maladie professionnelle et/ou étaient décédés à cause de l'amiante, la cour d'appel a jugé que les salariés n'avaient versé ni document objectif ni témoignage de tiers sur leur anxiété et qu'ils ne rapportaient donc pas la preuve qui leur incombait d'un sentiment d'anxiété ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les salariés se trouvaient, de par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code du travail.


ALORS, d'autre part, QUE le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, voit, de par le fait de l'employeur, son espérance de vie se réduire ; que conscient de ce fait, le salarié subit nécessairement un bouleversement dans ses conditions d'existence qu'il appartient à l'employeur d'indemniser ; qu'après avoir constaté qu'admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante les salariés (ACAATA), les salariés avaient établi avoir été exposés effectivement et personnellement aux poussières d'amiante de manière fautive par l'employeur, la cour d'appel s'est abstenue de tenir compte des différents travaux et analyses scientifiques versés aux débats par les salariés sur les conséquences d'une exposition à l'amiante établissant que l'espérance de vie de ces derniers était réduite ; qu'en énonçant donc qu'aucun salarié n'évoquait ses conditions d'existence et n'apportait d'élément sur un changement des conditions d'existence et qu'ils ne rapportaient donc pas la preuve qui leur incombait d'une modification des conditions d'existence, alors que ces derniers, conscients de la réduction de l'espérance de leur vie, avaient nécessairement subi un bouleversement dans les conditions de leur existence, la cour d'appel a encore violé l'article 1147 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Fonds d'indemnisation des victimes de l'Amiante


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.