par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 8 septembre 2015, 14-15831
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Cour de cassation, chambre commerciale
8 septembre 2015, 14-15.831

Cette décision est visée dans la définition :
Saisie




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X... (le débiteur) a été mis en redressement judiciaire le 10 mars 2009 et un plan de redressement a été arrêté le 9 mars 2010 ; qu'en exécution d'une ordonnance de référé du 17 septembre 2009 ayant condamné le débiteur à lui payer une provision, la société Anconetti Star, aux droits de laquelle vient la société Accueil négoce chauffage sanitaire (le créancier), a fait pratiquer le 21 avril 2011 une saisie-attribution entre les mains de M. Y..., notaire (le tiers saisi) ; que le 12 juillet 2011, le tribunal a prononcé la résolution du plan de redressement du débiteur et ouvert une procédure de liquidation judiciaire ; que le 18 janvier 2012, le créancier a assigné le tiers saisi en paiement de dommages-intérêts pour déclaration inexacte sur le fondement de l'article R. 211-5, alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que le tiers saisi fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen que seules les créances nées postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période ne sont pas soumises à l'obligation de déclaration au mandataire judiciaire et à l'interdiction des paiements et des voies d'exécution ; qu'en se contentant de relever que la créance dont la SAS Accueil négoce chauffage sanitaire imputait la perte à la SCP Y... était née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective pour en déduire qu'elle n'avait pas à être déclarée au mandataire judiciaire et n'était pas soumise à l'interdiction des paiements et des voies d'exécution sans vérifier si cette créance était née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 du code de procédure civile et L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-24 du code de commerce ;


Mais attendu qu'une créance qui n'a pas été déclarée au passif du débiteur n'est pas éteinte mais inopposable à la procédure collective de sorte que le défaut de déclaration de la créance, en recouvrement de laquelle le créancier a fait pratiquer une saisie-attribution avant le jugement d'ouverture de son débiteur, ne prive pas ce créancier de son intérêt à agir contre le tiers saisi sur le fondement de l'article R. 211-5 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, aux moyens critiqués, la décision se trouve justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution ;

Attendu que pour condamner le tiers saisi au paiement de dommages-intérêts pour déclaration inexacte, l'arrêt, après avoir énoncé que l'indemnisation de la perte de la possibilité de recourir à d'autres mesures d'exécution forcée ne peut être d'un niveau égal à celui du bénéfice que le créancier aurait pu retirer de la réalisation de l'événement escompté, retient qu'il existe des éléments suffisants pour fixer à la somme de neuf mille euros le montant du préjudice subi par ce dernier ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser, ainsi qu'elle y était invitée, quelles étaient les autres mesures d'exécution qui auraient pu être diligentées par le créancier ainsi que leurs probabilités de succès, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 janvier 2014 par la cour d'appel de Toulouse entre les parties ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Accueil négoce chauffage sanitaire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Patrick Y... et Nathalie Y... Z...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SCP Y... à payer à la société Accueil négoce chauffage sanitaire la somme de 9. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE contrairement à ce que fait valoir l'appelante, l'intimée justifie de son intérêt à agir dès lors que les dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce n'ont pas vocation à s'appliquer, la créance dont elle se prévaut étant née postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de Monsieur X... ; qu'il convient de relever que l'intimée, qui a formé une demande de condamnation de l'appelante au paiement de dommages et intérêts, s'est placée non sur le terrain de l'article 60 alinéa 1er du décret du 31/ 7/ 1992 mais sur celui du second alinéa de cet article, lequel est applicable en la matière dès lors que l'appelante, en sa qualité de tiers saisi, a fourni à l'huissier des renseignements erronés en lui signalant qu'il détenait des fonds pour le compte de Monsieur X..., et ce contrairement à la réalité ; qu'or, en l'espèce, la faute qu'elle a commise, en travestissant la réalité et en fournissant à l'huissier des renseignements erronés et contraires à la réalité, est parfaitement caractérisée, tout comme le préjudice qui en a résulté pour l'intimée, laquelle a ainsi été privée de la possibilité de recourir à d'autres mesures d'exécution ; que si l'indemnisation de cette perte de chance ne peut être d'un niveau égal à celui du bénéfice que l'intimée aurait pu retirer de la réalisation de l'événement escompté, la Cour possède en revanche les élément suffisants pour fixer à la somme de 9. 000 euros le montant des dommages intérêts dus par l'appelante en réparation du préjudice subi par l'intimée à raison de son comportement fautif ;

1°) ALORS QUE seules les créances nées postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période ne sont pas soumises à l'obligation de déclaration au mandataire judiciaire et à l'interdiction des paiements et des voies d'exécution ; qu'en se contentant de relever que la créance dont la SAS Accueil négoce chauffage sanitaire imputait la perte à la SCP Y... était née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective pour en déduire qu'elle n'avait pas à être déclarée au mandataire judiciaire et n'était pas soumise à l'interdiction des paiements et des voies d'exécution sans vérifier si cette créance était née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 du Code de procédure civile et L. 622-17, L. 622-21 et L. 622-24 du Code de commerce ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'indemnisation de la perte d'une chance s'apprécie au regard de la probabilité qu'avait l'événement favorable de se produire ; qu'en se bornant à affirmer qu'elle avait « les éléments suffisants » pour évaluer la chance de recourir à d'autres mesures d'exécution que la SAS Accueil négoce chauffage sanitaire avait perdue par la faute imputée au notaire à la somme de 9. 000 euros (arrêt, p. 5, al. 7) sans préciser, ainsi qu'elle y était invitée, quelles étaient les autres mesures d'exécution qui auraient pu être diligentées par la SAS Accueil négoce chauffage sanitaire ainsi que leurs probabilités de succès, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 211-5 du Code des procédures civiles d'exécution et 1382 du Code civil ;


3°) ALORS QU'en toute hypothèse, tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à affirmer après avoir caractérisé une faute de la SCP Y... qu'elle avait « les éléments suffisants » pour évaluer la chance de recourir à d'autres mesures d'exécution que la SAS Accueil négoce chauffage sanitaire avait perdue par la faute imputée au notaire à la somme de 9. 000 euros (arrêt, p. 5, al. 7), bien que de tels motifs d'ordre général ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.