par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 21 janvier 2016, 15-10193
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 2ème chambre civile
21 janvier 2016, 15-10.193

Cette décision est visée dans la définition :
Juge de l'exécution (JEX)




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte au comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Ouest du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le procureur général près la cour d'appel de Paris et M. X... ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2014), que le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Ouest (le comptable public) a sollicité du juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire, telle que prévue par la législation espagnole, en vue de saisir les avoirs bancaires figurant au crédit d'un compte ouvert au nom de M. X... dans les livres de la banque Banco Popular Español ; que le comptable public a interjeté appel de l'ordonnance du juge de l'exécution rejetant sa requête ;

Attendu que le comptable public fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance rendue le 28 mai 2014 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris ayant rejeté sa demande d'être autorisé à faire pratiquer les mesures conservatoires prévues par la législation espagnole et permettant de saisir les avoirs figurant au crédit du compte ouvert au nom de M. X... dans les écritures de la banque Banco Popular Español, alors, selon le moyen :

1°/ que, selon l'article L. 283 C XI du livre des procédures fiscales, l'administration étrangère donne suite à une demande de prise de mesures conservatoires lorsque la créance ne fait pas encore l'objet d'un titre de recouvrement dans la mesure où la législation de l'Etat requérant l'autorise, et que, selon l'article R. 183 C-2 (en réalité R. 283 C-2) du livre des procédures fiscales, la demande de prise de mesures conservatoires est accompagnée d'un document établi par l'autorité requérante l'autorisant conformément à sa législation à prendre lesdites mesures, qu'en l'absence de titre exécutoire, l'article R. 511. 1 (en réalité L. 511-1) du code des procédures civiles d'exécution exige que le juge de l'exécution autorise la prise de mesures conservatoires, la cour d'appel, en considérant par motif propre et adopté qu'aucune autorisation du juge de l'exécution n'est nécessaire, a violé ensemble les dispositions des articles L. 283 A, L. 283 C VI, L. 283 C XI et R. 283 C-2 du livre des procédures fiscales, et l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que, selon l'article L. 283 C VI du livre des procédures fiscales, l'instrument uniformisé établi par l'Etat membre requérant et permettant l'adoption de mesures conservatoires constitue le fondement unique des mesures de recouvrement et des mesures conservatoires, et que, selon l'article R. 283 C-2 du livre des procédures fiscales, la demande de mesures conservatoires adressée par l'Etat membre requérant est accompagnée de l'instrument uniformisé prévu par l'article L. 283 C VI, la cour d'appel, en considérant que le formulaire précité ne concerne pas les mesures conservatoires pour en déduire que celui-ci ne correspond pas à la demande prévue par l'article R. 283 C-2 III, a violé ensemble les articles L. 283 C VI et R. 283 C-2 du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'en vertu du principe de l'indépendance et de la souveraineté respective des Etats, le juge français ne peut, sauf convention internationale ou législation communautaire l'y autorisant, ordonner ou autoriser une mesure d'exécution, forcée ou conservatoire, devant être accomplie dans un Etat étranger ; que la cour d'appel a exactement retenu, par motifs adoptés, que si, en vertu des articles 3 et 16 de la directive 2010/ 24/ UE du 16 mars 2010, sur la demande d'assistance formulée à la diligence de l'autorité requérante d'un Etat membre de l'Union européenne, l'autorité requise d'un autre Etat membre prend des mesures conservatoires lorsque sa législation nationale l'y autorise et conformément à ses pratiques administratives, de sorte que l'article L. 283 du livre des procédures fiscales énonce que l'administration française peut requérir un Etat membre à fin de prise de mesures conservatoires relatives à toutes les créances afférentes notamment aux taxes, impôts et droits quels qu'ils soient, permettant ainsi à cette administration de requérir des autorités espagnoles de prendre des mesures conservatoires à l'encontre de M. X... sur ses biens situés en Espagne, tout comme les autorités espagnoles peuvent requérir de l'administration française que celle-ci mette en oeuvre des mesures conservatoires sur le territoire français à l'encontre d'un débiteur faisant l'objet en Espagne d'une action en recouvrement d'une créance visée à l'article L. 283 A II du même livre, ces dispositions ne confèrent cependant pas au juge français le pouvoir d'autoriser des mesures conservatoires portant sur un compte bancaire détenu en Espagne ; que par ces seuls motifs, la cour d'appel a, à bon droit, décidé de rejeter la requête tendant à une telle autorisation formée par le comptable public ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la troisième branche du moyen unique annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Ouest aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de Paris Ouest

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a confirmé l'ordonnance rendue le 28 mai 2014 par le Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Paris, ayant rejeté la demande du comptable public d'être autorisé à faire pratiquer les mesures conservatoires prévues par la législation espagnole et permettant de saisir les avoirs figurant au crédit du compte ouvert au nom de M. X... dans les écritures de la banque Banco Popular Español ;

AUX MOTIFS TOUT D'ABORD QUE « l'appelant ne justifie en cause d'appel d'aucun moyen ni élément nouveau de nature à remettre en cause la solution retenue par le premier juge par des motifs justement tirés des faits de la cause et des textes applicables, et que la cour adopte » ; que l'article L. 283 A du livre des procédures fiscales énonce que l'administration française peut requérir des états membres de l'Union européenne et est tenue de leur prêter assistance notamment en matière de prises de mesures conservatoires relatives à toutes les créances afférentes notamment à l'ensemble des taxes, impôts et droits quels qu'ils soient, et que les dispositions de cet article, si elles permettent à l'administration fiscale française de requérir auprès des autorités espagnoles de prendre des mesures conservatoires à l'encontre de M. X..., sur ses biens situés en Espagne, n'autorisent cependant pas le juge français à autoriser des mesures conservatoires sur un compte bancaire détenu en Espagne » ;

ET AUX MOTIFS ENSUITE QUE « l'instrument uniformisé établi par l'état requérant et accompagnant la demande d'assistance au recouvrement, ainsi que le formulaire de notification uniformisé comportant des informations relatives au document notifié, qui doit être transmis au destinataire de la notification, ne concernent pas les mesures conservatoires mais supposent l'existence d'un titre de créance exécutoire et que l'instrument initial visé par ces documents ne saurait être une ordonnance du juge de l'exécution autorisant la prise de mesures conservatoires » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « en vertu de l'article 16 de la directive 2010/ 24/ UE du 16 mars 2010 à la diligence de l'autorité requérante, l'autorité requise prend des mesures conservatoires si sa législation nationale l'y autorise et conformément à ses pratiques administratives, en vue de garantir le recouvrement lorsqu'une créance ou l'instrument permettant l'adoption de mesures exécutoires dans l'État membre requérant est contesté au moment où la demande est présentée, ou lorsque la créance ne fait pas encore l'objet d'un instrument permettant l'adoption de mesures exécutoires dans l'État membre requérant, si ces mesures conservatoires sont également possibles, dans une situation similaire en vertu de la législation nationale et des pratiques administratives de l'État membre requérant ; qu'aux termes de l'article 3 du texte susvisé, l'autorité requérante et l'autorité requise sont le bureau central de liaison, un bureau de liaison ou un service de liaison d'un État membre, qui, pour le premier, formule une demande d'assistance concernant une créance visée à l'article 2, pour le second, se voit adresser une demande d'assistance ; que l'article L. 283 du livre des procédures fiscales énonce en conséquence que l'administration française peut requérir des États membres de l'union européenne et est tenue de leur prêter assistance notamment en matière de prises de mesures conservatoires relatives à toutes les créances afférentes notamment à l'ensemble des taxes, impôts et droits quels qu'ils soient, perçus par un État membre ou pour le compte de celles-ci, y compris les autorités locales, ou pour le compte de l'Union ; que les dispositions susvisées doivent donc permettre dans le cas d'espèce à l'administration fiscale française de requérir des autorités espagnoles de prendre des mesures conservatoires à l'encontre de monsieur Manuel X... sur ses biens situés en Espagne tout comme les permettraient aux autorités espagnoles de requérir de l'administration française que celle-ci mette en oeuvre des mesures conservatoires sur le territoire français à l'encontre d'un débiteur faisant l'objet en Espagne d'une action en recouvrement d'une créance visée à l'article L. 283 A II ; que les dispositions susvisées n'autorisant pas cependant le juge français à autoriser des mesures conservatoires portant sur un compte bancaire détenu en Espagne, la demande fera l'objet d'un rejet » ;

ALORS QUE, premièrement, selon l'article L. 283 C XI du livre des procédures fiscales, l'administration étrangère donne suite à une demande de prise de mesures conservatoires lorsque la créance ne fait pas encore l'objet d'un titre de recouvrement dans la mesure où la législation de l'État requérant l'autorise, et que selon l'article R. 183 C-2 du livre des procédures fiscales, la demande de prise de mesures conservatoires est accompagnée d'un document établi par l'autorité requérante l'autorisant conformément à sa législation à prendre lesdites mesures, qu'en l'absence de titre exécutoire l'article R. 511. 1 du code de procédure civile d'exécution exige que le juge de l'exécution autorise la prise de mesures conservatoires, la Cour d'appel de Paris en considérant par motif propre et adopté qu'aucune autorisation du juge de l'exécution n'est nécessaire, a violé ensemble les dispositions des articles L. 283 A, L. 283 C VI, L. 283 C XI et R. 283 C-2 du livre des procédures fiscales, et l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

ALORS QUE, deuxièmement, selon l'article L. 283 C VI du livre des procédures fiscales, l'instrument uniformisé établi par l'État membre requérant et permettant l'adoption de mesures conservatoires constitue le fondement unique des mesures de recouvrement et des mesures conservatoires, et que selon l'article R. 283 C-2 du livre des procédures fiscales la demande de mesures conservatoires adressée par l'État membre requérant est accompagnée de l'instrument uniformisé prévu par l'article L. 283 C VI, la Cour d'appel de Paris, en considérant que le formulaire précité ne concerne pas les mesures conservatoires pour en déduire que celui-ci ne correspond pas à la demande prévue par l'article R. 283 C-2 III, a violé ensemble les articles L. 283 C VI et R. 283 C-2 du livre des procédures fiscales ;

ALORS QUE, troisièmement, l'article R. 283 A-4 du livre des procédures fiscales prévoit que la demande de notification des actes adressée par l'État membre requérant est accompagnée d'un formulaire de notification uniformisé, et que ce formulaire prévoit qu'en l'absence de paiement, l'autorité requérante puisse prendre « des mesures exécutoires et/ ou conservatoires », la Cour d'appel de Paris, en considérant que le formulaire précité ne concerne que le recouvrement d'une créance exécutoire et non la prise de mesures conservatoires pour en déduire que la prise de mesures conservatoires dans un autre État membre ne nécessiterait pas une ordonnance du juge de l'exécution, a violé l'article R. 283 A-4 du livre des procédures fiscales.



site réalisé avec
Baumann Avocat Contrats informatiques

Cette décision est visée dans la définition :
Juge de l'exécution (JEX)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.