par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 7 décembre 2016, 15-27900
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
7 décembre 2016, 15-27.900

Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu l'article 1240 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de Mme Y..., formée en application de l'article 1382 du code civil, l'arrêt énonce que seules les fautes retenues par le premier juge et non contestées devant la cour d'appel peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de ce texte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'époux qui invoque un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du lien conjugal peut en demander la réparation à son conjoint dans les conditions du droit commun, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen :

Vu les articles 274 et 275 du code civil ;

Attendu, selon le second de ces textes, que, lorsque le débiteur de la prestation compensatoire n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues au premier, le juge en fixe les modalités de paiement dans la limite de huit années sous forme de versements périodiques ; que le juge qui fait application de ce texte ne peut accorder un délai pour verser la première fraction ;

Attendu que, pour condamner M. X... à payer à son épouse une prestation compensatoire à régler lors des opérations de liquidation et partage de la communauté, dans un délai limité à six mois à compter de son prononcé, l'arrêt retient que cette modalité est conforme à l'intérêt des parties ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande de Mme Y... tendant à voir fixer la contribution de M. X... à l'entretien et à l'éducation de chacun des enfants à la somme de 500 euros par mois, l'arrêt retient que c'est par une juste appréciation des revenus et des charges des parties que le premier juge en a fixé le montant à la somme de 350 euros par mois ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme Y... qui soutenait que cette contribution avait été fixée à la somme de 500 euros par enfant et par mois par un arrêt du16 juin 2011, que les charges et revenus des parties n'avaient pas changé depuis lors et que les besoins des enfants n'avaient pas cessé de croître, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts de Mme Y... ainsi que sa demande tendant à fixer la contribution à l'entretien et à l'éducation de chacun des enfants à la somme de 500 euros par mois et en ce qu'il dit que la prestation compensatoire sera payée lors des opérations de liquidation et de partage de la communauté, l'arrêt rendu le 5 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la SCP Boulloche la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1382 du code civil ;

Aux motifs que « le juge aux affaires familiales pour prononcer le divorce aux torts exclusifs du mari a retenu que celui-ci avait commis des violences physiques à l'égard de son épouse, faits pour lesquels il a été condamné pénalement ; que dans le cadre de cette instance pénale, Madame Y... a obtenu la condamnation de son époux au paiement de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi ;
que seule (sic) les fautes retenus (sic) par le premier juge et non contestées à hauteur de cour peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil; qu'en conséquence, Madame Y... ne peut invoquer d'autres faits non retenus par le juge aux affaires familiales pour solliciter la condamnation de son époux au paiement de dommages-intérêts » (arrêt, p. 5) ;

1/ Alors qu'un époux est fondé à solliciter l'indemnisation du préjudice distinct de la rupture du mariage causé par toute faute de l'autre époux, qui n'est donc pas nécessairement celle retenue pour prononcer le divorce aux torts exclusifs de cet époux ; qu'en l'espèce, Mme Y... a sollicité l'indemnisation du préjudice causé par le comportement manipulateur de son époux, qui l'avait coupée de sa famille, de ses proches, et n'avait jamais hésité à la dénigrer ; que la cour d'appel a rejeté cette demande en considérant que le divorce avait été prononcé aux torts exclusifs du mari pour des faits de violence pour lesquels il avait été condamné pénalement, et Mme Y... indemnisée, et que seules les fautes retenues par le premier juge et non contestées en appel pouvant donner lieu à réparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil, Mme Y... ne pouvait invoquer des faits non retenus par le juge aux affaires familiales pour solliciter des dommages et intérêts ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2/ Alors, subsidiairement, que le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire ; qu'il ne peut donc soulever un moyen d'office sans avoir invité les parties à formuler leurs observations sur son bien-fondé ; qu'en retenant d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, que la demande de dommages-intérêts de Mme Y... ne pouvait prospérer en tant qu'elle portait sur des faits distincts de ceux retenus par le premier juge pour prononcer le divorce aux torts exclusifs de M. X..., la cour d'appel a violé les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme et 16 du code de procédure civile.


Le deuxième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à Mme Y... une prestation compensatoire de 82 500 € et dit qu'elle serait payée lors des opérations de partage de la liquidation de la communauté, dans un délai limité à 6 mois à compter du prononcé de l'arrêt ;

Aux motifs que « le premier juge a attribué, sur le fondement de l'article 1476 du code civil, préférentiellement le domicile conjugal situé ... à l'épouse en visant l'accord des époux, alors que Madame Y... ne sollicitait que l'attribution de ce bien en pleine propriété à titre de prestation compensatoire ainsi qu'une somme de 50 000 € à titre de prestation compensatoire ;
que dans ses conclusions signifiées devant le premier juge pour le 15 novembre 2012, Monsieur X... avait demandé qu'il lui soit donner (sic) acte de son accord pour l'abandon de sa part en faveur de Madame Y... sur le biens (sic) sis à Yerres à titre de prestation compensatoire ;
qu'à hauteur de cour, Madame Y... sollicite au titre de la prestation compensatoire une somme de 111.300 € payable en partie sous forme de transfert de propriété de l'ancien domicile conjugal pour la moitié de la valeur de ce bien soit 82.500 € et pour le reste sous forme de capital, soit 28.800 € payable le jour du divorce sur les sommes séquestrées chez le notaire ;
Que devant la cour, Monsieur X... demande la confirmation du jugement déféré en estimant que la prestation compensatoire sous forme de capital de 50.000 € compense très largement la disparité des conditions de vie entre époux ;
que le divorce met fin au devoir de secours entre époux mais que l'un des conjoints peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage créé (sic) dans les conditions de vie respectives ;
que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ;
que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge a notamment égard à :
- la durée du mariage,
- l'âge et l'état de santé des époux,
- leur qualification et leur situation professionnelles,
- les conséquences des choix professionnels fait (sic) par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faut encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial,
- leurs droits existants et prévisibles,
- leur situation respective en matière de pension de retraite en ayant estimé autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causé, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire par les choix professionnels et familiaux précités ;
que cette prestation prend prioritairement la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui fixe selon la loi les modalités selon lesquelles elle s'exécutera ;
que le mari est âgé de 52 ans et la femme de 51 ans ; que le mariage a duré 24 ans dont 16 années de vie commune ;
Considérant que le mari a perçu en 2013 un revenu mensuel moyen imposable de 3.203 € environ ; qu'en octobre 2014, son salaire imposable a été de 2.818,28 € ; qu'il acquitte un loyer de 459,71 €, un impôt sur le revenu de 49 € par mois outre les charges courantes ;
que Madame Y... prétend que Monsieur X... aurait des revenus occultes provenant de la vente d'un livre qu'il a écrit sur les catacombes sous le pseudonyme de Gaspard Z..., classé « coup de coeur des vendeurs de la FNAC » en 2011, vendu 25 €, prix qui, le livre ayant été publié à compte d'auteur, est perçu en totalité par Monsieur X... ; que toutefois Monsieur X... justifie avoir perçu 606 € de droits d'auteur en 2011 et 62,08 € en 2012 pour la vente de ce livre par l'intermédiaire de Crépin-Leblond Editions ;
que l'épouse ne perçoit aucun revenu; qu'elle a travaillé avant le mariage et a été licenciée alors qu' elle attendait le deuxième enfant ; qu'elle a bénéficié d'un contrat à durée déterminée du 24 novembre 2008 au 15 avril 2009 et du 24 mai 2011au 3 juin 2011 ;
que Madame Y... a suivi une formation de thérapeute et pratique notamment l'hypnose; que Monsieur X... produit une offre de service de celle-ci à l'Hôpital de Yerres en date du 15 avril 2013 ; qu'il n'est cependant pas démontré que cette activité lui amène pour l'heure un revenu significatif ;
que Madame Y... justifie avoir été victime en 2009 d'une erreur médicale dans la pose d'implants dentaires ayant entraîné pour elle de très nombreuses consultations et hospitalisations, la rendant incapable de travailler ; qu'elle a subi une intervention importante le 17 février 2011 au cours de laquelle la fermeture d'une communication bucco-sinusienne, déjà opérée en 2009, a été effectuée ; qu'il résulte des certificats médicaux produits que le problème n'était toujours pas totalement résolu en mai 2014 ;
que les droits à la retraite de Madame Y... seront minimes ;
que Madame Y... supporte des charges de copropriété d'environ 230 € par mois outre les charges courantes ;
que deux enfants sont issus de cette union, actuellement âgés de 19 ans et 17 ans ;
que la communauté est constituée, selon le rapport d'expertise de Maître A... d'un actif d'un montant de 279.340,25 € et se compose d'un bien immobilier situé ... évalué à la somme de 165.000 €, le prix de vente du bien immobilier sis à Albitreccia, de 102.191 € séquestrée chez le notaire, et des avoirs bancaires, un véhicule Citroën Xsara et d'un passif d'un montant de 5.334,77 €, soit un actif net de 274.005,48 € ; que chacun des époux a droit à la somme de 137.329,81 € ; qu'à la suite des attributions proposées par 1'expert, Madame Sophie Y... serait redevable d'une soulte de 36.096,98 €, hors éventuelle prestation compensatoire ;
que les sommes perçues par Madame Y... au titre de la pension alimentaire due en exécution du devoir de secours pendant sept ans, ne peuvent être prises en compte ni dans leur principe, ni dans leur montant dans le calcul de la prestation compensatoire ;
qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le divorce créé (sic) une disparité dans les conditions de vie respectives des parties au détriment de l'épouse ;
que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes, ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les conjoints ; qu'elle doit seulement permettre d'éviter que l'un des époux soit plus atteint que l'autre par le divorce ;
qu'au vu de ces éléments, il convient de prévoir que Monsieur X... versera à son épouse une prestation compensatoire de 82.500 € ;
que l'article 274 du Code civil prévoit que « le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :
1° Versement d'une somme d'argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l'article 277 ;
2° Attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d 'habitation ou d'usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois, l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation » ;
que le 13 juillet 2011, le conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité a décidé que : « l'atteinte au droit de propriété qui résulte de l'attribution forcée prévue par le 2° de cet article ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital ; que, par conséquent, elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au 1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation ; que, sous cette réserve, l'attribution forcée d'un bien à titre de prestation compensatoire ne méconnaît pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 » ;
que l'attribution forcée d'un bien à titre de prestation compensatoire ne peut intervenir que s'il est démontré que la consistance du patrimoine des époux ne permet pas de procéder autrement ;
Qu'en l'espèce la composition du patrimoine des époux permet à Monsieur X... de s'acquitter de cette prestation selon des modalités ordinaires ; que l'attribution de cette somme par l'abandon de sa part de propriété qui ne peut qu'être subsidiaire ne s'impose pas en l'espèce; que toutefois dans l'intérêt des parties, il convient d'autoriser Monsieur X... à s'acquitter du versement du capital dû lors des opérations de partage de la liquidation de la communauté dans un délai limité à six mois » (arrêt, p. 5 à 8) ;

Alors que le juge ne peut fixer la prestation compensatoire sous la forme d'un capitable payable à la liquidation de la communauté ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné M. X... à payer à Mme Y... une prestation compensatoire de 82 500 € et dit qu'elle serait payée lors des opérations de partage de la liquidation de la communauté, dans un délai limité à 6 mois à compter du prononcé de l'arrêt ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 275 du code civil.


Le troisième moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande tendant à faire fixer à la somme de 500 € par mois et par enfant la contribution de M. X... à leur entretien et à leur éducation ;

Aux motifs qu'« il résulte des dispositions des articles 371-2 et 373-2-2 du code civil que chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses capacités contributives et des besoins des enfants ; que le parent qui assume à titre principal la charge de l'enfant majeur qui ne peut lui-même subvenir à ses besoins, peut demander à l'autre parent de lui verser une contribution à l'entretien et l'éducation, laquelle, peut sur décision du juge, être versée en tout ou partie entre les mains de l'enfant ; que c'est par une juste appréciation des revenus et charges des parties, que le premier juge a fixé à 350 € par mois et par enfant, la contribution du père à leur entretien et éducation » (arrêt, p. 8)


Alors que le juge doit répondre aux conclusions des parties ; qu'en considérant que c'est par une juste appréciation des revenus et charges des parties que le premier juge avait fixé à 350 € par mois et par enfant la contribution du père à leur entretien et éducation, sans répondre aux conclusions de Mme Y... soutenant que par arrêt du 16 juin 2011, ladite contribution avait été fixée à la somme de 500 € par mois et par enfant, que les charges et revenus des parties n'avaient pas changé depuis et qu'il y avait d'autant moins lieu de revoir cette contribution à la baisse que les besoins des enfants ne cessaient d'augmenter et que leur père ne les voyant jamais, il ne les assumait pas financièrement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.