par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 11 janvier 2017, 15-28301
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
11 janvier 2017, 15-28.301

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 27, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 207 et 208 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble l'article L. 121-12 du code des assurances ;

Attendu, selon les trois premiers de ces textes, que le barreau doit contracter une assurance au profit de qui il appartiendra, ou justifier d'une garantie affectée au remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus à l'occasion de l'exercice de leur activité professionnelle par les avocats qui en sont membres ; que la garantie d'assurance s'applique en cas d'insolvabilité de l'avocat, sur la seule justification que la créance soit certaine, liquide et exigible ; que, pour l'assureur, l'insolvabilité de l'avocat résulte d'une sommation de payer ou de restituer suivie de refus ou demeurée sans effet pendant un délai d'un mois à compter de sa signification ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir déposé, sur un compte ouvert à la Carpa, des fonds remis par la société Champagne airlines, au titre d'une dette par elle contractée envers la société Alta flights, dans l'attente de l'issue du recours formé par cette dernière contre un avis à tiers détenteur notifié à sa débitrice, M. X..., avocat au barreau de Paris, a restitué la somme séquestrée à sa cliente, la société Champagne airlines, avant toute décision judiciaire ; qu'un tribunal administratif ayant déchargé la société Alta flights du paiement de la somme objet de l'avis à tiers détenteur, celle-ci en a sollicité le versement par l'avocat ; que la société Covéa caution, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD SA (l'assureur), qui garantissait, au profit de qui il appartiendra, le remboursement des fonds reçus à l'occasion de l'exercice de leur activité professionnelle par les avocats membres du barreau de Paris, ayant indemnisé la société Alta flights, a assigné M. X... en remboursement ;

Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que, malgré une créance certaine, liquide et exigible et la justification de l'insolvabilité de l'avocat, la garantie n'a pas été valablement mise en oeuvre, dès lors que l'assureur a indemnisé la société Alta flights sans respecter ses obligations contractuelles, qui lui imposaient d'arrêter avec l'ordre des avocats, souscripteur du contrat, la suite à donner à la réclamation et, en cas de désaccord, de solliciter l'intervention du comité de conciliation, ce qui exclut pour l'assureur le bénéfice de la subrogation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune stipulation du contrat d'assurance obligatoire ne peut avoir pour effet de subordonner la mise en oeuvre des garanties à des conditions que la loi ne prévoit pas, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu se statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société Covéa caution, l'arrêt rendu le 2 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD SA.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement sur ce point et statuant à nouveau, débouté la société Covéa Caution de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE Me X... fait enfin valoir que la société Covea Caution a violé les dispositions des articles 12 et 13 du contrat d'assurance dans la mise en oeuvre de la garantie et qu'elle ne pouvait pas exercer des poursuites à son encontre dès lors qu'il a été jugé par le conseil de discipline de l'Ordre qu'il ne s'était pas rendu coupable de non-représentation de fonds ; que l'article 12 du contrat d'assurance non-représentation des fonds dispose à son point A " Obligations en cas de sinistre " que " l'Ordre arrête en accord avec l'assureur, la suite à donner à la réclamation " ; que l'article 13 dudit contrat institue un Comité de conciliation chargé notamment de " décider de l'opportunité d'une transaction ou de l'engagement d'un procès " ; considérant que la société Covea Caution ne justifie pas que l'obligation, ci-dessus rappelée en cas de sinistre, d'arrêter en accord avec l'Ordre la suite à donner à la réclamation a été remplie ni que le Comité de conciliation chargé de décider de l'opportunité d'une transaction ou de l'engagement d'un procès a été saisi ; qu'il ressort pourtant des articles 12 et 13 du contrat que c'est l'Ordre qui arrête en accord avec l'assureur les suites à donner aux réclamations présentées et qu'en cas de désaccord, un comité de conciliation est amené à trancher le différend entre l'Ordre et l'assureur ; qu'il apparaît en conséquence que faute d'avoir respecté les obligations contractuelles qui s'imposaient à l'assureur avant d'indemniser amiablement la société Alta Flights, la société Covea Caution n'a pas valablement mis en oeuvre la garantie de sorte qu'elle ne peut se prévaloir de la subrogation dont elle bénéficie de la part de la société Alta Flights ; que le jugement sera infirmé et la société Covea Caution déboutée de ses demandes ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en jugeant que les clauses du contrat litigieux prévoyant que « l'Ordre arrête en accord avec l'assureur, la suite à donner à la réclamation » et instituant « un Comité de conciliation chargé notamment de " décider de l'opportunité d'une transaction ou de l'engagement d'un procès " » (arrêt, p. 6 al. 1 et 2) stipulaient des conditions de mise en oeuvre de la garantie obligatoire au respect desquelles la subrogation légale de l'assureur était subordonnée, quand elles n'avaient trait qu'à la procédure de gestion du contrat, la Cour d'appel les a dénaturées, en violation de l'article 1134 du Code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, pour l'assureur, l'insolvabilité de l'avocat que la garantie d'assurance doit impérativement couvrir en application de l'article 207 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 résulte d'une sommation de payer une créance certaine, liquide et exigible suivie de refus ou demeurée sans effet pendant un délai d'un mois à compter de la signification ; qu'en jugeant que la société Covéa n'avait pas valablement mis en oeuvre une telle garantie, car elle ne justifiait pas de l'accord de l'Ordre ou d'un comité de conciliation exigée par le contrat, quand cette exigence était contraire au régime impératif de cette garantie légalement obligatoire, dès lors qu'elle faisait obstacle à la mise en oeuvre du contrat alors même que l'insolvabilité de l'avocat était établie, et devait, partant, être réputée non écrite, la Cour d'appel a violé l'article 27 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les articles 207 et 208 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble l'article L. 121-12 du Code des assurances ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'assureur qui bénéficie d'une subrogation conventionnelle n'a pas à établir que son paiement a été fait en exécution de son obligation contractuelle de garantie ; qu'en rejetant la demande de la société Covéa fondée sur la subrogation conventionnelle que lui avait consentie la société Alta Flights dans ses droits à l'égard de Me X..., aux motifs qu'elle « n'a [vait] pas valablement mis en oeuvre la garantie » (arrêt, p. 6, al. 5), la Cour d'appel a violé l'article 1250 du Code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.