par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 9 février 2017, 15-28759
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
9 février 2017, 15-28.759

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 novembre 2015), statuant sur renvoi après cassation (3e Civ., 15 février 2012, pourvoi n° 11-17.213), que, par acte du 19 février 1996, la société SEPPI, aux droits de laquelle viennent les sociétés Autoplex Etrembières (la société Autoplex) et Arve Etrembières (la société Arve), a donné à bail à la société Midas France (la société Midas) des locaux commerciaux pour l'activité d'entretien et de réparation automobile, la locataire s'engageant à ne pas exercer l'activité de pneumatique et le bailleur lui garantissant l'exclusivité et la non-concurrence des activités de vente et pose de tous éléments concernant l'échappement et l'amortisseur ; que, le 7 janvier 2004, la locataire a signifié aux bailleresses une demande d'extension d'activité pour la vente, la pose et la réparation pneumatique, sur le fondement de l'article L. 145-47 du code de commerce ; que, les sociétés Autoplex et Arve ayant refusé cette demande par lettre du 3 mars 2004, la société Midas les a assignées en constatation du caractère connexe ou complémentaire de l'activité pneumatique avec celle autorisée par le bail commercial et nullité des clauses du bail interdisant cette activité ;

Attendu que la société Midas fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer le bailleur déchu de son droit à contester le caractère connexe ou complémentaire de la nouvelle activité, alors, selon le moyen :

1°/ que le bailleur doit signifier par acte extrajudiciaire et dans les deux mois sa contestation du caractère connexe ou complémentaire de l'activité projetée, à peine de déchéance de son droit d'élever une contestation sur ce point ; que dès lors, en jugeant qu'aucun formalisme n'était exigé pour la réponse du bailleur, qui se suffisait d'une manifestation de volonté non équivoque remplie en l'espèce par la lettre simple adressée par le bailleur au locataire, la cour d'appel a violé l'article L. 145-47 du code de commerce ;

2°/ que le bailleur ne peut s'opposer à la modification de la clause de destination qu'en niant le caractère connexe ou complémentaire de l'activité envisagée ; qu'en conséquence, il ne suffit pas au bailleur, dans sa réponse, d'exprimer son opposition à la déspécialisation projetée ; qu'il doit au contraire faire connaître qu'il conteste le caractère connexe ou complémentaire de l'activité envisagée, sauf à être déchu, après un délai de deux mois, de son droit d'élever une contestation sur ce point ; que dès lors, en jugeant qu'« aucun formalisme n'est exigé du bailleur quant à la modalité de sa réponse, qui se suffit d'une manifestation de volonté non équivoque, remplie par la lettre simple que le conseil de la société bailleresse a adressé à Midas le 3 mars 2004 », cependant que la seule expression d'une opposition du bailleur au projet de déspécialisation, non motivée par l'absence de caractère connexe ou complémentaire de l'activité envisagée, ne constitue pas la contestation prévue par l'article L. 145-47 du code de commerce et n'est pas susceptible d'éviter au bailleur d'être déchu de son droit de contester, la cour d'appel a violé l'article L. 145-47 du code de commerce ;

3°/ que le bailleur doit adresser une contestation conforme aux prescriptions de l'article L. 145-47, alinéa 2, du code de commerce, à peine de déchéance de son droit de contester le caractère connexe ou complémentaire de l'activité projetée ; qu'à supposer que, en énonçant qu'«il n'en tirait aucune conséquence juridique », la cour d'appel ait entendu juger que l'article précité ne tirait aucune conséquence juridique de l'absence de réponse du bailleur conforme aux dispositions de l'article L. 145-47 du code de commerce, elle a violé ce même article ;

4°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Midas faisait valoir que, faute pour son bailleur d'avoir adressé sa réponse par acte extrajudiciaire, et faute d'avoir contesté dans sa réponse le caractère connexe ou complémentaire de l'activité projetée, le bailleur était déchu de son droit d'élever une contestation sur ce point, conformément à l'article L. 145-47 du code de commerce ; qu'à supposer que, en énonçant qu'« il n'en tirait aucune conséquence juridique », la cour d'appel ait entendu juger que la société Midas ne tirait aucune conséquence juridique de l'absence de respect des prescriptions de l'article L. 145-47 reprochée au bailleur, elle a dénaturé les conclusions de la société Midas et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que le bailleur n'était pas tenu de motiver sa contestation, la cour d'appel, qui a constaté que les bailleresses avaient manifesté de façon non équivoque leur opposition à l'adjonction aux activités autorisées au bail de l'activité envisagée par la locataire dans le délai imparti, en a justement déduit que la déchéance prévue à l'article L. 145-47 du code de commerce n'était pas encourue ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche comme contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond et inopérant en ses deux dernières branches comme s'attaquant à des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Midas France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Midas France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Midas France de sa demande visant à voir juger que le bailleur était déchu de son droit à contester le caractère connexe ou complémentaire de la nouvelle activité ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L. 145-47 du code de commerce dispose que « le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires. A cette fin, il doit faire connaître son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en indiquant les activités dont l'exercice est envisagé. Cette formalité vaut mise en demeure du propriétaire de faire connaître dans un délai de deux mois, à peine de déchéance, s'il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités. En cas de contestation, le tribunal de grande instance, saisi par la partie la plus diligente, se prononce en fonction notamment de l'évolution des usages commerciaux.(...) » ; qu'en premier lieu, Midas demande à voir constater que le bailleur n'a pas répondu à sa demande de déspécialisation conformément aux dispositions de l'article L. 145-47 du code de commerce ; qu'outre qu'il n'en tire aucune conséquence juridique, aucun formalisme n'est exigé du bailleur quant à la modalité de sa réponse, qui se suffit d'une manifestation de volonté non équivoque, remplie par la lettre simple que le conseil de la société bailleresse a adressé à Midas le 3 mars 2004, au demeurant dans le délai légal de deux mois ; qu'aucune déchéance n'est donc non plus encoure par cette dernière » ;

ET AUX MOTIFS réputés ADOPTES QUE « l'article L. 145-47 du code de commerce dispose que le locataire doit faire connaître son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire en indiquant les activités dont l'exercice est envisagé ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que suivant acte extrajudiciaire en date du 7 janvier 2004, la société Axel, franchisée Midas France, a notifié concomitamment aux sociétés Autoplex et Arve Etrembières une demande d'extension d'activité pour la vente, la pose et réparations pneumatiques sur le fondement de l'article L. 145-47 du code de commerce et que le bailleur a répondu à cette demande le 3 mars 2004, indiquant son refus de cette demande ; que le 1er décembre 1998, la société Midas a cédé son fonds de commerce à la société Axel, locataire, qui a régulièrement adressé une demande de déspécialisation ; que la société Axel a, le 4 février 2005, soit postérieurement à cette demande, cédé son fonds de commerce à la société Midas ; qu'aucun formalisme n'étant requis pour la réponse du bailleur, il apparaît que la procédure est régulière en la forme » ;

1°) ALORS, de première part, QUE le bailleur doit signifier par acte extrajudiciaire et dans les deux mois sa contestation du caractère connexe ou complémentaire de l'activité projetée, à peine de déchéance de son droit d'élever une contestation sur ce point ; que dès lors, en jugeant qu'aucun formalisme n'était exigé pour la réponse du bailleur, qui se suffisait d'une manifestation de volonté non équivoque remplie en l'espèce par la lettre simple adressée par le bailleur au locataire, la cour d'appel a violé l'article L. 145-47 du code de commerce ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QUE le bailleur ne peut s'opposer à la modification de la clause de destination qu'en niant le caractère connexe ou complémentaire de l'activité envisagée ; qu'en conséquence, il ne suffit pas au bailleur, dans sa réponse, d'exprimer son opposition à la déspécialisation projetée ; qu'il doit au contraire faire connaître qu'il conteste le caractère connexe ou complémentaire de l'activité envisagée, sauf à être déchu, après un délai de deux mois, de son droit d'élever une contestation sur ce point ; que dès lors, en jugeant qu'« aucun formalisme n'est exigé du bailleur quant à la modalité de sa réponse, qui se suffit d'une manifestation de volonté non équivoque, remplie par la lettre simple que le conseil de la société bailleresse a adressé à Midas le 3 mars 2004 », cependant que la seule expression d'une opposition du bailleur au projet de déspécialisation, non motivée par l'absence de caractère connexe ou complémentaire de l'activité envisagée, ne constitue pas la contestation prévue par l'article L. 145-47 du code de commerce et n'est pas susceptible d'éviter au bailleur d'être déchu de son droit de contester, la cour d'appel a violé l'article L. 145-47 du code de commerce ;

3°) ALORS, de troisième part, QUE le bailleur doit adresser une contestation conforme aux prescriptions de l'article L. 145-47, alinéa 2, du code de commerce, à peine de déchéance de son droit de contester le caractère connexe ou complémentaire de l'activité projetée ; qu'à supposer que, en énonçant qu'«il n'en tir[ait] aucune conséquence juridique » (arrêt attaqué, p. 5 § 3), la cour d'appel ait entendu juger que l'article précité ne tirait aucune conséquence juridique de l'absence de réponse du bailleur conforme aux dispositions de l'article L. 145-47 du code de commerce, elle a violé ce même article ;

4°) ALORS, de quatrième part, QUE dans ses conclusions d'appel, la société Midas faisait valoir que, faute pour son bailleur d'avoir adressé sa réponse par acte extrajudiciaire, et faute d'avoir contesté dans sa réponse le caractère connexe ou complémentaire de l'activité projetée, le bailleur était déchu de son droit d'élever une contestation sur ce point, conformément à l'article L. 145-47 du code de commerce (conclusions d'appel, p. 6 à 9, et p. 17-18) ; qu'à supposer que, en énonçant qu'« il n'en tir[ait] aucune conséquence juridique » (arrêt attaqué, p. 5 § 3), la cour d'appel ait entendu juger que la société Midas ne tirait aucune conséquence juridique de l'absence de respect des prescriptions de l'article L. 145-47 reprochée au bailleur, elle a dénaturé les conclusions de la société Midas et a violé l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION, subsidiaire

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté la société Midas France de sa demande visant à voir juger l'activité de pneumatiques connexe ou complémentaire avec celle autorisée par le bail et exercée par l'exploitant, de l'avoir en conséquence déboutée de sa demande de déspécialisation partielle, et d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société Midas France de sa demande visant à voir juger que les clauses d'interdiction de l'activité de pneumatiques insérées dans son bail commercial sont nulles et de nul effet ;

AUX MOTIFS QU'« en troisième lieu, Midas soutient que l'activité de pneumatique détient un caractère connexe ou complémentaire avec celle autorisée par le bail qu'elle exerce effectivement, soit l'entretien et les réparations automobiles, dès lors que l'activité sollicitée garde un lien avec son activité initiale, est exercée par le même exploitant et qu'elle est liée à la nature même de ces activités et à l'objet du commerce exercé ; que pour autant, l'activité pneumatique, qui certes concerne les véhicules tout comme l'entretien et la réparation automobile et est aussi utile à la même clientèle d'automobilistes, ne présente pas de rapport objectif étroit avec l'activité initiale et n'est pas non plus nécessaire à un meilleur exercice de l'activité principale ; que les usages locaux distinguent facilement les lieux commerciaux destinés aux pneumatiques, répondant à la seule fonction de roulement du véhicule, et nécessitant des matériels, des matériaux et des méthodes de travail spécifiques, distincts de ceux dédiés notamment à la mécanique, l'échappement ou la suspension ; que Midas est par conséquent déboutée de sa demande de déspécialisation partielle en confirmation du jugement déféré » ;

1°) ALORS QUE le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires ; qu'en déboutant la société Midas de sa demande de déspécialisation partielle, aux motifs que l'activité envisagée ne présentait pas de « rapport objectif étroit avec l'activité initiale » et n'était pas non plus « nécessaire à un meilleur exercice de l'activité principale », la cour d'appel, qui a ajouté des conditions à la loi, a violé l'article L. 145-47 du code de commerce ;

2°) ALORS, en tout état de cause, QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il n'existait pas un lien tenant à la nature et à l'objet du commerce exercé entre l'activité d'entretien et de réparations automobiles prévue par le bail et l'activité de pose, vente et réparation de pneumatiques, ni si les articles objets des deux activités n'appartenaient pas à la même gamme de produits, la cour d'appel, qui a en outre elle-même constaté que l'activité de pneumatique concernait les véhicules tout comme l'entretien et la réparation automobile, et que cette activité était « aussi utile à la même clientèle d'automobilistes », n'a, au regard de ses propres constatations, pas fondé sa décision sur des motifs suffisant à exclure le caractère connexe ou complémentaire de l'activité envisagée, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-47 du code de commerce ;


3°) ALORS, de troisième part, QUE la cour d'appel a tout à la fois, d'une part, jugé, dans les motifs l'arrêt attaqué, que les clauses d'interdiction de l'activité pneumatiques insérées dans le bail commercial de la société Midas France étaient nulles et de nul effet à l'égard de la société Midas France en vertu des articles L. 145-15 et L. 145-47 du code de commerce (arrêt attaqué, p. 6 §§ 1-2), et d'autre part, jugé, dans les motifs et le dispositif de la même décision, que la société Midas France devait être déboutée de sa demande de déspécialisation partielle, comme de sa demande visant à voir juger que l'activité de pneumatiques était connexe ou complémentaire avec celle autorisée par le bail (arrêt attaqué, p. 6 §§ 4-5 ; dispositif p. 7 § 1), ainsi que confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la société Midas France de sa demande visant à voir juger que les clauses d'interdiction de l'activité pneumatiques insérées dans le bail étaient nulles et de nulles effet conformément aux dispositions des articles L. 145-47 et L. 145-15 du code de commerce (arrêt attaqué, p. 7 § 1 ; jugement entrepris, p. 6 § 2) ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, ainsi que d'une contradiction entre les motifs et le dispositif de l'arrêt, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.