par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 20 avril 2017, 16-12279
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
20 avril 2017, 16-12.279

Cette décision est visée dans la définition :
Forfait




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 décembre 2015), que la société civile immobilière du Peintre Grau (la SCI) a entrepris des travaux de rénovation et de réhabilitation d'un immeuble ; que les lots gros oeuvre, démolition, dalles, structures et doublages ont été confiés à la société C bâti, depuis en liquidation judiciaire, laquelle a sous-traité l'exécution du dallage béton du plancher haut du rez-de-chaussée à la société Alphasol, assurée auprès de la société Axa ; que les travaux ont été réceptionnés avec des réserves portant notamment sur l'aspect de la dalle béton et les finitions ; que, la SCI ayant refusé de payer le solde du marché en se plaignant de l'absence de levées des réserves concernant la dalle béton, la société C bâti l'a assignée en paiement de sommes ; que la société C bâti a appelé en garantie la société Alphasol et que la société Axa France est intervenue volontairement à cette instance ;

Attendu que, pour condamner la SCI à payer à la société Soinne, ès qualités de liquidateur de la société C Bâti, la somme de 23 090, 70 euros, l'arrêt retient qu'il résulte des comptes-rendus de chantier et des devis produits que les travaux litigieux, non compris dans le marché initial et donc non compris dans le forfait, ont été commandés par le maître de l'ouvrage à l'entreprise en accord avec le maître d'oeuvre ;

Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que le marché à forfait stipulait que les travaux en supplément modificatifs ou complémentaires feront l'objet d'avenants chiffrés et signés par les deux parties, la cour d'appel, qui n'a pas constaté la signature d'avenants, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société civile immobilière du Peintre Grau à payer à la société Soinne, ès qualités de liquidateur de la société C bâti, la somme de 23 090, 70 euros, l'arrêt rendu le 10 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société C bâti et la société Soinne, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société C bâti et de la société Soinne, ès qualités, et les condamne à payer à la société civile immobilière du Peintre Grau la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société du Peintre Grau

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SCI du Peintre Grau à payer à la SELAS Bernard et Nicolas Soinne, agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la société C Bâti, la somme principale de 23. 090, 70 euros TTC ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la SCI du Peintre Grau fait valoir que le contrat conclu entre les parties est un marché à forfait régi par l'article 1793 du Code civil, que les pièces produites montrent qu'elle a payé plus que le prix du marché et qu'elle n'est donc redevable d'aucune somme à l'égard de la société C Bâti ; qu'il est produit un contrat signé le 25 novembre 2002 par le maître de l'ouvrage et la société C Bâti (pièce SCI n° 2) duquel il ressort que le marché est conclu au prix ferme et définitif sur la base du descriptif des travaux du 28 août 2002, que l'entrepreneur s'interdit d'exécuter des travaux demandés directement par le maître de l'ouvrage et sans écrit signé de l'architecte, que les travaux en supplément modificatifs ou complémentaires feront l'objet d'avenants chiffrés et signés par les deux parties et l'architecte d'intérieur suivant son accord, que le montant des travaux est basé sur le descriptif, à l'exception des travaux non décrits, des gardes corps de l'escalier, du revêtement bois des marches béton, de la décoration et aménagement de la cheminée, du percement des deux fenêtres sur bureaux, des tranchées en RDC, du devis des VRD extérieurs ; que le marché a été conclu pour le prix forfaitaire de 66. 110 euros HT, soit 69. 746, 05 euros TTC ; que la pièce n° 31 produite aux débats par la SELAS Soinne ès qualité, intitulée « compte 4120902 A... JJ M. B...», retrace les paiements intervenus et non contestés pour un montant total de 77. 259, 88 euros, paiements qui sont d'un montant supérieur au prix du marché ; que, s'agissant du poste « voile faux plafond », la société Soinne ès qualité produit un compte rendu de chantier du 10 décembre 2002 duquel il résulte que le plafond est très abîmé par des fuites dues à l'étanchéité de la terrasse du dessus et qu'il est demandé à la société C Bâti de proposer une solution, notamment par la réalisation d'un faux plafond en BA13 (pièce n° 14), un devis n° 20948 non daté pour la réalisation de ce faux plafond en BA13 (pièce n° 15) d'un montant de 11. 934 euros HT, le compte rendu de la réunion de chantier du 16 janvier 2003 au terme duquel le maître de l'ouvrage accepte ce devis pour la somme de 10. 740 euros HT (pièce n° 16), et une situation de travaux n° 97204 (pièce n° 17) relative à ce poste d'un montant de 9. 520 euros HT, soit 10. 043 euros TTC (TVA à 5, 5 %) ; qu'il s'agit donc de travaux non compris dans le marché initial et donc non compris dans le forfait, qui ont été commandés par le maître de l'ouvrage à l'entreprise au prix de 10. 740 euros HT en accord avec le maître d'oeuvre compte tenu de l'état des plafonds existants ; que les travaux ont été exécutés ; la somme de 10. 740 euros HT, soit 11. 330, 70 euros TTC (TVA à 5, 5 %) est donc due par le maître de l'ouvrage ; qu'en ce qui concerne le poste « plâtrerie voile BA », le compte-rendu de chantier du 4 février 2003 (pièce Soinne n° 18) indique l'accord du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre sur le devis proposé par la société C Bâti « plus-value mur béton » d'un montant de 7. 610 euros HT avec une remise de 3 % ; que par ailleurs la demande d'acompte d'un montant de 4. 000 euros HT, soit 4. 220 euros TTC relative à l'exécution partielle à l'époque des travaux objet du devis correspondant a été intégralement payée le 21 mai 2003 ; qu'il s'agit de travaux supplémentaires qui ont été commandés par le maître de l'ouvrage à l'entreprise au prix convenu de 7. 610 euros HT en accord avec le maître d'oeuvre ; que la somme de 7. 610 euros HT, soit 8. 028, 55 euros TTC (TVA 5, 5 %) est due par la SCI du Peintre Grau ; qu'en dehors des travaux de gros oeuvre, la société C Bâti a réalisé divers travaux d'aménagements intérieurs objet des devis (pièces Soinne n° 20 à 22) établis les 4, 17 et 18 mars 2003 (plafond suspendu et habillage imposte de la baie coulissante, carrelage des salles de bains, habillage meuble salle de bains, et douche) ; qu'il résulte du compte rendu de chantier du 1er avril 2003 (pièce Soinne n° 23) que ces devis ont été acceptés pour un montant global de 7. 900 euros HT compte tenu d'une remise de 5 %, soit 8. 334, 50 euros TTC ; que la demande d'acompte d'un montant de 2. 000 euros HT, soit 2. 110 euros TTC relative à l'exécution des travaux mentionnés dans le devis a été intégralement payée le 21 mai 2003 ; qu'il s'agit par conséquent de travaux non compris dans le marché initial et donc non compris dans le forfait, qui ont été commandés par le maître de l'ouvrage au prix convenu de 7. 900 euros HT en accord avec le maître d'oeuvre ; que la somme de 7. 900 euros HT, soit 8. 334, 50 euros TTC est donc due par la SCI du Peintre Grau ; qu'en ce qui concerne les travaux de petite démolition et divers, il résulte des termes du devis du 5 novembre 2002 que ces prestations sont à réaliser par une entreprise engagée par la SCI du Peintre Grau « pour une valeur au devis de 6. 335 euros » (pièces Soinne n° 8 et SCI n° 1) ; que la SCI a mandaté la société Abel pour exécuter ces travaux ; que le compte rendu de chantier du 16 janvier 2003 (pièce Soinne n° 16) indique qu'il est demandé à la société C Bâti de fournir des appareils et fournitures à la société Abel aux frais du maître de l'ouvrage ; que la société C bâti a établi une facture en rétrocession d'un montant de 2. 759, 03 euros HT, soit 2. 910, 78 euros TTC (TVA 5, 5 %) pour la location d'une sableuse et diverses fournitures (pièces Soinne n° 26 à 30) qui n'a pas été payée ; qu'il ne s'agit pas de travaux supplémentaires mais de fourniture de matériels dont le devis prévoit qu'elle reste à la charge du maître de l'ouvrage ; que la somme de 2. 759, 03 euros HT, soit 2. 910, 78 euros TTC est donc due par le maître de l'ouvrage ; que compte tenu du montant total des sommes dues (100. 350, 58 euros TTC), des versements effectués à déduire (77. 259, 88 euros), le solde restant dû à la société C Bâti s'établit à la somme de 23. 090, 70 euros TTC que la société du Peintre Grau doit donc être condamnée à payer à la SELAS Bernard et Nicolas Soinne ès qualité ;


ALORS QUE dans le cas d'un marché à forfait, il est loisible aux parties de subordonner leur accord sur d'éventuels travaux supplémentaires à un certain formalisme, dont le juge ne saurait dès lors s'affranchir à l'effet de contraindre le maître de l'ouvrage à la prise en charge du coût résultant de tels travaux ; qu'ayant elle-même constaté que le marché signé le 25 octobre 2002 entre la société Le Peintre Grau et la société C Bâti avait été conclu pour le prix ferme et définitif de 69. 746, 05 euros TTC et que l'exécution de travaux supplémentaires supposait d'une part, un écrit signé de l'architecte, d'autre part, la conclusion « d'avenants chiffrés et signés par les deux parties et l'architecte d'intérieur suivant son accord », la Cour ne pouvait faire droit à la demande en paiement de travaux supplémentaires sans s'assurer que ce formalisme contractuel avait été respecté pour chacun des postes de travaux supplémentaires, ce qui était contesté par le maître de l'ouvrage qui faisait observer, s'appropriant sur ce point les motifs des premiers juges, que ni les devis non signés versés ce débat, ni les comptes rendus de réunion de chantiers ne pouvaient tenir lieu de tels avenants (cf. les dernières conclusions de la SCI du Peintre Grau, p. 14) ; qu'en estimant pourtant suffisante la preuve supposée rapportée par la société C Bâti, de l'accord du maître de l'ouvrage sur la nature et le coût des prestations supplémentaires au vu notamment des comptes rendus de réunions de chantiers, sans mentionner à aucun moment la signature d'avenants satisfaisant aux exigences formelles de la clause précitée, la Cour prive sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Forfait


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.