par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 8 juin 2017, 15-21357
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, chambre commerciale
8 juin 2017, 15-21.357
Cette décision est visée dans la définition :
Déceptivité (Droit des marques)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Cheval blanc, devenue Château cheval blanc (la société Cheval blanc), que sur le pourvoi incident relevé par M. X... et l'EARL X..., anciennement dénommée l'EARL X... de Cheval blanc (la société X...) ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 mai 2015), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 7 janvier 2014, pourvoi n° 12-28. 041), que la société Cheval blanc, titulaire de la marque semi-figurative « cheval blanc » n° 1 301 809, déposée le 9 juin 1933 et régulièrement renouvelée depuis pour désigner des vins, a assigné, le 11 avril 2008, M. X... et la société X..., laquelle exploite une propriété viticole à Saint-Germain-de-Graves, en annulation, notamment, de la marque nominative « domaine du Cheval blanc » n° 1 291 368 et de la marque figurative n° 03 3 205 896 représentant une tête de cheval harnachée, déposées respectivement le 18 juillet 1973 et le 24 janvier 2003 pour désigner des vins d'appellation d'origine provenant de l'exploitation exactement dénommée « domaine de Cheval blanc », ainsi que de la dénomination sociale de la société X... de Cheval blanc, pour déceptivité et, à titre subsidiaire, pour contrefaçon par imitation de sa marque ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Cheval blanc fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande d'annulation de la marque « domaine du Cheval blanc » n° 1 291 368 sur le fondement de la déceptivité alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application tant de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 que de l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, ne peut bénéficier de la protection du droit des marques un signe qui est intrinsèquement de nature à tromper le public sur les caractéristiques d'un produit ou d'un service ; que le vice de déceptivité ne peut être purgé ni par le temps ni par l'usage ; qu'il s'en déduit que ce vice doit pouvoir être invoqué par les tiers, à tout moment, tant que le titulaire de la marque maintient son enregistrement en vigueur ; qu'en retenant, en l'espèce, qu'aucune action en nullité fondée sur la nullité de la marque « domaine du Cheval blanc » ne pouvait être intentée plus de trente ans après le dépôt de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles susvisés ensemble l'article 2262 ancien du code civil ;
2°/ que le vice de déceptivité correspond à une situation continue qui perdure tant que l'enregistrement de la marque produit ses effets ; que le délai de prescription trentenaire de l'action en nullité fondée sur le caractère déceptif d'une marque ne pouvait, en conséquence, courir tant que le signe litigieux demeurait inscrit au registre national des marques ; qu'en retenant, en l'espèce, que le délai de prescription trentenaire avait commencé à courir dès le dépôt de la marque « domaine du Cheval blanc », effectué en 1973, la cour d'appel a violé les articles 3 de la loi du 31 décembre 1964 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ensemble l'article 2262 ancien du code civil ;
3°/ qu'aucun délai de prescription ne peut courir à compter du simple dépôt du signe, lequel n'est aucunement de nature à porter à la connaissance des tiers l'existence de la marque ; qu'en faisant courir la prescription de la marque dès le dépôt de la marque « domaine du Cheval blanc », effectué en 1973, la cour d'appel a violé les articles 3 de la loi du 31 décembre 1964 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ensemble l'article 2262 ancien du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que le fait que le vice de déceptivité, dont une marque est entachée, ne puisse être purgé ni par l'usage ni par le temps n'est pas de nature à rendre imprescriptible l'action, par voie principale, en nullité de la marque fondée sur ce vice et n'a pas pour effet de suspendre le délai de prescription tant que la marque demeure inscrite au registre national des marques ; que le moyen, qui, en ses deux premières branches, postule le contraire, manque en droit ;
Et attendu, en second lieu, que la société Cheval blanc s'étant bornée, dans ses conclusions d'appel, à soutenir le caractère imprescriptible de l'action, sans discuter, fût-ce à titre subsidiaire, le point de départ du délai de prescription invoqué par M. X... et la société X..., le moyen, qui, en sa troisième branche, soutient que la prescription ne peut courir à compter du simple dépôt du signe, est nouveau, et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen de ce pourvoi :
Attendu que la société Cheval blanc fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'expertise et de provision ainsi que ses demandes de publication et de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que l'atteinte portée au droit privatif que constitue la propriété d'une marque cause, en elle-même, nécessairement un préjudice à son titulaire et justifie, à elle seule, l'allocation de dommages-intérêts ; qu'en relevant, pour écarter les demandes de dommages-intérêts et de publication formées par la société Cheval blanc, que cette société ne justifierait d'aucun préjudice spécifique résultant de l'usage du vocable « cheval blanc » dans la dénomination sociale de la société X..., cependant que les actes de contrefaçon de la marque « cheval blanc », qu'elle a elle-même constatés, avaient nécessairement causé un préjudice à la société Cheval blanc, la cour d'appel a violé l'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que la cour d'appel ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, notamment quant aux situations économiques et financières respectives des parties, que la société Cheval blanc ne justifiait d'aucun préjudice spécifique résultant de l'usage du vocable « cheval blanc » dans la dénomination sociale de la société X..., seul retenu comme constituant une atteinte à son image de marque, qu'elle ne démontrait pas ni même n'alléguait que cet usage avait permis l'enrichissement de M. X... et de la société X... à son détriment et qu'elle n'établissait pas davantage que le caractère distinctif, la notoriété et le prestige de sa marque « cheval blanc » avaient été affaiblis par un tel usage, a pu considérer que l'interdiction faite sous astreinte à M. X... et à la société X... d'employer le vocable « cheval blanc » dans la dénomination sociale de celle-ci sous quelque forme et en quelque lieu que ce soit suffisait à assurer la réparation intégrale du préjudice résultant de la contrefaçon de marque subi par la société Cheval blanc ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse aux parties la charge de leurs propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Château Cheval Blanc
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable parce que prescrite la demande de la société civile Château Cheval Blanc en nullité de la marque « Domaine du Cheval Blanc » n° 1 291 368 sur le fondement de la déceptivité ;
AUX MOTIFS QU'« il est de jurisprudence établie que l'action en nullité d'une marque fondée sur son caractère déceptif, qui n'est ni une action en contrefaçon, ni une action en revendication, n'est pas soumise aux règles de forclusion édictées par les articles L. 712-6 et L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle ; qu'il s'ensuit que, quand bien même il est également de jurisprudence établie qu'un signe déceptif n'est pas susceptible d'acquérir un caractère distinctif par l'usage ‒ ce qui signifie qu'il n'y a pas matière à prescription acquisitive ‒, cette action est soumise à la forclusion de droit commun ; que l'assignation introductive de la présente instance délivrée le 11 avril 2008 est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ; or, que l'article 26- III de cette loi dispose que « lorsqu'une instance est introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne qui s'applique également en appel et en cassation » ; qu'en l'espèce, l'action en nullité de marque intentée par la société civile Cheval Blanc est donc soumise à la prescription trentenaire ; que la procédure de dépôt de marque et la publicité qui y est attachée ont pour but de rendre la marque déposée opposable aux tiers ; que l'opposabilité permet au déposant de garantir ses droits exclusifs sur la marque déposée pour l'avenir ; mais qu'elle permet également au titulaire d'une marque identique ou similaire déposée antérieurement, mais aussi à tous les tiers qui y ont intérêt ‒ par exemple des consommateurs ‒, de faire valoir leurs droits si la nouvelle marque déposée y porte attente en trompant le public notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit qu'elle désigne ; que dans ces conditions, c'est bien dès à compter du dépôt de la marque litigieuse qu'il est loisible d'agir en nullité à son encontre sur le fondement de la déceptivité, et que ce dépôt constitue donc le point de départ de la prescription ; que prétendre qu'il conviendrait au contraire de fixer au dernier usage de la marque litigieuse le point de départ de la prescription reviendrait en fait à faire de l'action en nullité une action imprescriptible puisqu'en effet, le demandeur ne serait forclos que de nombreuses années après que la marque ait expiré ou ait cessé d'être utilisée c'est-à-dire à une date où, de toutes façons, il n'aurait plus aucun intérêt à agir ; qu'ainsi, dans le cas particulier de la marque « Domaine du
Cheval Blanc » déposée le 18 juillet 1973, la prescription trentenaire était acquise le 18 juillet 2003 ; qu'en conséquence l'action introduite par la société civile Château Cheval Blanc en nullité de ladite marque près de cinq ans plus tard, le 11 avril 2008, est prescrite ; que surabondamment, il convient de relever que rien n'a pu empêcher la société civile Château Cheval Blanc d'agir dans le délai trentenaire dont elle disposait comme elle l'a d'ailleurs fait à l'encontre d'autres marques à propos de quoi la Cour a d'ailleurs précédemment jugé que pour avoir été intentée dans ce délai son action était recevable ; qu'en effet, outre que la marque « Domaine du Cheval Blanc » lui était juridiquement opposable depuis la date de son dépôt, la société civile Château Cheval Blanc en avait parfaitement connaissance puisque les vins correspondants étaient régulièrement commercialisés de longue date, avaient d'ailleurs été plusieurs fois primés, étaient dûment référencés au guide Féret, et surtout que l'expert Z...qu'elle a elle-même requis pour rechercher les propriétés viticoles utilisant le vocable « Cheval Blanc », l'avait parfaitement identifiée en page 13 de son rapport déposé le 10 mars 2003, plus de quatre mois avant l'expiration du délai de prescription trentenaire » ;
1°) ALORS QU'en application tant de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 que de l'article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, ne peut bénéficier de la protection du droit des marques un signe qui est intrinsèquement de nature à tromper le public sur les caractéristiques d'un produit ou d'un service ; que le vice de déceptivité ne peut être purgé ni par le temps ni par l'usage ; qu'il s'en déduit que ce vice doit pouvoir être invoqué par les tiers, à tout moment, tant que le titulaire de la marque maintient son enregistrement en vigueur ; qu'en retenant, en l'espèce, qu'aucune action en nullité fondée sur la nullité de la marque « Domaine du Cheval Blanc » ne pouvait être intentée plus de trente ans après le dépôt de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles susvisés ensemble l'article 2262 ancien du code civil ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le vice de déceptivité correspond à une situation continue qui perdure tant que l'enregistrement de la marque produit ses effets ; que le délai de prescription trentenaire de l'action en nullité fondée sur le caractère déceptif d'une marque ne pouvait, en conséquence, courir tant que le signe litigieux demeurait inscrit au registre national des marques ; qu'en retenant, en l'espèce, que le délai de prescription trentenaire avait commencé à courir dès le dépôt de la marque « Domaine du Cheval Blanc », effectué en 1973, la cour d'appel a violé les articles 3 de la loi du 31 décembre 1964 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ensemble l'article 2262 ancien du code civil ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'aucun délai de prescription ne peut courir à compter du simple dépôt du signe, lequel n'est aucunement de nature à porter à la connaissance des tiers l'existence de la marque ; qu'en faisant courir la prescription de la marque dès le dépôt de la marque « Domaine du Cheval Blanc », effectué en 1973, la cour d'appel a violé les articles 3 de la loi du 31 décembre 1964 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ensemble l'article 2262 ancien du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Château Cheval Blanc de ses demandes d'expertise et de provision ainsi que de ses demandes de publication et de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « la société civile Château Cheval Blanc qui sollicite, avant-dire droit sur son préjudice, l'organisation d'une expertise et le versement d'une provision, ne justifie d'aucun préjudice spécifique résultant de l'usage du vocable « Cheval Blanc » dans la dénomination sociale de l'Earl X... de Cheval Blanc, seul retenu comme constituant une atteinte à son image de marque ; qu'alors que les éléments versés aux débats sur les situations économiques et financières respectives des parties ne l'accréditent aucunement, elle ne démontre pas ni même n'allègue que cet usage aurait permis l'enrichissement de Jean-Jacques X... et de l'Earl X... de Cheval Blanc à son détriment ; qu'elle n'établit pas davantage que le caractère distinctif, la notoriété et le prestige de sa marque « Cheval Blanc » ait été affaibli par l'usage du vocable « Cheval Blanc » dans la dénomination sociale de l'Earl X... de Cheval Blanc ; que sa demande d'expertise et de provision seront donc rejetées ; qu'à défaut de preuve d'un préjudice de la société civile Château Cheval Blanc, dont il conviendrait que la publication du présent arrêt participe à l'indemnisation, il n'y a pas lieu d'ordonner cette publication à sa demande ; qu'il n'y a pas davantage lieu à dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil » ;
ALORS QUE l'atteinte portée au droit privatif que constitue la propriété d'une marque cause, en elle-même, nécessairement un préjudice à son titulaire et justifie, à elle seule, l'allocation de dommagesintérêts ; qu'en relevant, pour écarter les demandes de dommages-intérêts et de publication formées par la société Château Cheval Blanc, que cette société ne justifierait d'aucun préjudice spécifique résultant de l'usage du vocable « Cheval Blanc » dans la dénomination sociale de la société X... de Cheval Blanc, cependant que les actes de contrefaçon de la marque « Cheval Blanc », qu'elle a elle-même constatés, avaient nécessairement causé un préjudice à la société Château Cheval Blanc, la cour d'appel a violé l'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société X... et M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fait interdiction à M. Jean-Jacques X... et à l'Earl X... de Cheval Blanc de faire usage du vocable « Cheval Blanc » dans sa dénomination sociale et ce sous quelque forme et en quelque lieu que ce soit, sous astreinte ;
Aux motifs que « sur la demande en interdiction de l'utilisation du vocable « Cheval Blanc » (...) dans la dénomination sociale de l'EARL X... de Cheval Blanc, sur le fondement de la contrefaçon par imitation de la marque « Cheval Blanc » : (...) sur le fond, M. X... et l'EARL X... de Cheval Blanc, opposent que la reprise du vocable « Cheval Blanc » dans la dénomination sociale de l'EARL ne constitue pas une contrefaçon dès lors que cette dénomination n'a pas pour but de désigner un produit ou service mais d'identifier une entreprise ; qu'il est vrai, qu'en principe, lorsque la reprise du signe protégé comme marque n'a pas pour but de désigner un produit, mais la dénomination sociale du producteur, la contrefaçon n'est pas réalisée ; que toutefois il en va différemment si la reprise du signe protégé porte atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de permettre au public de reconnaître sans confusion possible un produit et de le rattacher à l'entreprise responsable de sa qualité ; qu'ainsi, la contrefaçon peut être réalisée si la dénomination sociale qui reprend le signe protégé est apposée sur des produits identiques ou similaires à ceux du titulaire de la marque et ou utilisée de façon à ce qu'il s'établisse un lien avec eux et qu'un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne soit généré ; qu'en l'espèce, la société civile Château Cheval Blanc et l'EARL X... de Cheval Blanc, ont une activité identique, à savoir la production de « vins de Bordeaux » dont les terroirs sont voisins ; dès lors, en utilisant le vocable « Cheval Blanc » dans sa dénomination sociale, l'EARL X... de Cheval Blanc établit incontestablement un lien entre les vins qu'elle produit et ceux que produit la société civile Château Cheval Blanc, et elle porte atteinte à la fonction essentielle de la marque « Cheval Blanc » qui est de permettre au consommateur d'identifier le vin qu'il achète et de le rattacher au producteur responsable de sa qualité, dont l'identité figure sur l'étiquette ; que la très grande notoriété attachée à la marque « Cheval Blanc » induit un risque de confusion pour le consommateur moyennement attentif et compétent, lequel sera amené à penser, en achetant un vin portant la dénomination sociale « EARL X... de Cheval Blanc », qu'il s'agit d'un vin ayant une relation directe avec la production prestigieuse de la société civile Château Cheval Blanc, de nature à lui assurer une garantie de qualité, de provenance et de réputation ; que le fait que l'EARL X... de Cheval Blanc ne produise qu'un vin AOC commercialisé à un prix nettement inférieur au vin grand cru classé de la société civile Château Cheval Blanc, n'exclut pas ce risque de confusion ; que les termes « Cheval Blanc » sont à ce point dominants sur le nom « X... » que le seul ajout de ce patronyme n'est pas suffisamment distinctif pour empêcher le risque de confusion que la ressemblance d'ensemble entre la marque « Cheval Blanc » et la dénomination sociale de l'EARL « X... de Cheval Blanc » induit » (arrêt p. 14 et 15) ;
1° Alors que la contrefaçon par imitation de marque exige, pour être valablement constituée, que la reprise du signe protégé ait pour objet de désigner un produit ou un service ; que tel n'est pas le cas lorsque le signe protégé est utilisé dans une simple dénomination sociale dont l'objectif est uniquement d'identifier une entreprise, et non un produit ou un service ; qu'en considérant néanmoins qu'en utilisant le vocable « Cheval Blanc » dans sa dénomination sociale, la société « X... de Cheval blanc » aurait commis un acte de contrefaçon, cependant même que cette dénomination sociale n'avait pas en soi pour objet de désigner un produit, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3, b) du code de la propriété intellectuelle ;
2° Alors en tout état de cause que, même à considérer la circonstance que l'étiquette d'un produit peut comporter mention de la dénomination sociale du producteur, la contrefaçon, par ladite dénomination sociale, d'une marque, implique d'établir un risque de confusion entre les produits dont l'étiquette comporte la dénomination litigieuse et les produits marqués ; qu'au cas présent, la cour d'appel s'est référée au risque de confusion induit, selon elle, non pas par les produits étiquetés par les exposants, mais par la dénomination sociale « X... de Cheval Blanc » elle-même considérée in abstracto, se référant ainsi à l'« utilisa (tion) (du) vocable « Cheval Blanc » dans sa dénomination sociale » (p. 14, avant-dernier al.), et en indiquant que « les termes « Cheval Blanc » sont à ce point dominants sur le nom « X... » que le seul ajout de ce patronyme n'est pas suffisamment distinctif pour empêcher le risque de confusion que la ressemblance d'ensemble entre la marque « Cheval Blanc » et la dénomination sociale de l'EARL « X... de Cheval Blanc » induit » (arrêt p. 15, al. 2) ; qu'en retenant ainsi ce qui n'était, au mieux, qu'un risque de confusion entre une dénomination sociale et une marque, sans comparer les produits étiquetés et marqués, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3- b du code de la propriété intellectuelle ;
3° Alors enfin que le consommateur d'attention moyenne qui n'a pas les produits en même temps sous les yeux, décèle la différence d'origine entre un produit de luxe et un produit de consommation plus courante, ne serait-ce que par la différence de prix entre les deux ainsi que par la circonstance que les deux ne sont pas diffusés par les mêmes canaux de distribution ; qu'au cas présent, la cour d'appel était en présence d'une bouteille de vin (des exposants) commercialisée environ 7 €, et d'un précieux flacon valant au bas mot 400 €, propriété d'un groupe de luxe ; qu'en considérant que la différence de prix entre les deux n'était pas de nature à écarter tout risque de confusion sur l'origine, quand la différence de gamme excluait que le groupe de luxe ait pu dévaluer sa propre image en commercialisant un produit qui, quoique honnête, serait apparu comme sans cohérence avec sa propre gamme, la cour d'appel a violé l'article L. 713-3- b du code de la propriété intellectuelle.
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Cette décision est visée dans la définition :
Déceptivité (Droit des marques)
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.