par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 12 juillet 2017, 16-20993
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
12 juillet 2017, 16-20.993

Cette décision est visée dans la définition :
Deniers




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 3 mai 2016), que Michel X... est décédé le 29 juillet 2007, en laissant pour lui succéder son épouse séparée de biens, Juanita Y..., et leur fille, Mme X... ; que Juanita Y... est décédée le 15 novembre 2008 en laissant pour lui succéder son fils né d'une première union, M. Z... et Mme X... ; qu'un litige est né au cours des opérations de partage de sa succession ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire qu'en finançant, le 24 juin 1969, de ses seuls deniers, l'acquisition, par les époux, d'un immeuble en indivision, Michel X... a consenti à son épouse une donation indirecte qui n'a jamais été révoquée et que la moitié du prix de cession de ce bien, qui appartenait en propre à Juanita Y..., doit être restituée à sa succession ;

Attendu, d'une part, que les première et deuxième branches du moyen ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que le prix de vente de l'immeuble indivis entre les époux avait été déposé sur leur compte bancaire joint et qu'une partie de cette somme avait été affectée à la rénovation d'un immeuble, appartenant pour moitié au mari, dans lequel les époux avaient vécu pendant une dizaine d'années, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que Michel X... n'avait manifesté aucune intention de révoquer la donation ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme X....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué, d'avoir jugé qu'en finançant le 24 juin 1969 de ses seuls deniers l'acquisition en indivision de l'hôtel particulier de Neuilly, M. X... a consenti à son épouse Mme Y... une donation indirecte qui n'a jamais été révoquée de sorte que la moitié du prix de cession de ce bien le 19 janvier 2006 (976 832, 40 euros) appartenait en propre à Mme Y... et doit être rapportée à la succession de celle-ci, déduction faite des dépenses normales effectuées et d'avoir condamné en conséquence la succession de M. X... prise en la personne de sa fille et seule héritière Mme Nathalie X... à rapporter à la succession de Mme Y... la somme de 694 150 euros ;

AUX MOTIFS QU'il est suffisamment établi par les pièces du dossier que M. X... a financé seul, étant le seul des époux séparés de biens à disposer de ressources professionnelles, l'acquisition en indivision de l'immeuble de Neuilly en 1969, qu'il a ainsi clairement manifesté sa volonté de se déposséder sans contrepartie de la moitié des fonds qu'il a versés pour cet achat et que Mme Y... épouse X... ne disposant pas des moyens financiers lui permettant de rembourser cette somme et ne contribuant pas, au-delà des charges normales du mariage, à l'activité professionnelle de son époux (comédien renommé), l'opération ne peut s'analyser et s'expliquer que par l'intention libérale de M. X... et dès lors, constitue une donation indirecte entre vifs (et non une donation « déguisée » comme l'a retenu le tribunal) ; qu'il convient d'observer que cette intention libérale a été confortée par l'acte du 28 août 1973 aux termes duquel les époux X...- Y... se sont consentis des donations au dernier vivant. Or, cette donation entre époux n'a pas été révoquée par M. X... au cours du mariage, que ce soit de façon expresse ou implicite ; force est de constater, en effet, que lors de la vente du bien de Neuilly le 19 janvier 2006, Mme Juanita X... a perçu (tout comme son mari) la moitié du solde du prix soit la somme de 976. 832, 40 euros. Le simple fait que le chèque correspondant ait été déposé le 23 janvier 2006 sur le compte personnel de M. X... ne signifie pas que ce dernier aurait décidé de révoquer la donation indirecte consentie à son épouse, d'autant que, quelques jours plus tard, le 14 février 2006, la somme de 976. 832, 40 euros a été virée sur le compte joint des époux X... ‒ Y.... L'emploi par M. X... d'une partie de cette somme pour financer des travaux de rénovation dans la propriété d'Honfleur lui appartenant pour moitié et où les époux X...- Y... ont vécu pendant une dizaine d'années ne caractérise pas davantage une révocation non équivoque de la donation, qu'il s'en déduit que la somme de 976. 832, 40 euros appartenait en propre à Mme Y... à la date de la vente, sauf à ce que le dossier révèle (ce qui n'est pas le cas) qu'elle aurait été dépensée en totalité par l'intéressée pour quelque cause que ce soit (dépenses personnelles, contribution aux charges communes jusqu'au décès du mari) avant son décès en novembre 2008, cette somme aurait donc dû figurer, au moins en partie, à l'actif successoral de Mme Y... ; d'ailleurs, M. Z... admet, par souci d'honnêteté, que partie du prix de cession de l'hôtel particulier de Neuilly aurait pu servir à des dépenses justifiées dans le cadre de la contribution aux charges du mariage (au regard, sans doute, du niveau de vie des époux) ; c'est ainsi qu'il ne réclame à titre principal le rapport à la succession de sa mère que de la somme de 694. 150 euros. ; pour parvenir à ce montant précis M. Z... se fonde sur l'évolution du compte joint des époux et recense des prélèvements au profit de M. X... et de la fille (sic), ce qui n'est pas pertinent puisqu'il ne s'agit pas ici de procéder à un « partage » de compte-joint dont on se sait à quelle date il a été clôturé ; pour autant, la cour, qui ne peut statuer au-delà de la demande de M. Z... telle qu'énoncée au dispositif de ses conclusions, constate que le montant que l'appelant entend voir « rapporté » à la succession de sa mère correspond bien à la somme de 976. 832, 40 euros (le strict montant de la donation non révoquée dont elle a bénéficié) « déduction faite des dépenses normales effectuées pendant 2 ans au titre de la contribution » ; en fait, une telle contribution n'existe que pour la période allant de la vente du 19 janvier 2006 au décès de M. X... le 29 juillet 2007 mais jusqu'à son décès le 15 novembre 2008 Mme Y... a également dû faire face à ses propres dépenses ; c'est pourquoi la demande principale de M. Z... à hauteur de 694. 151 euros demeure cohérente avec la consécration de l'existence et du montant de la donation dont a bénéficié Mme Y... ; le jugement déféré sera donc infirmé ;

1°) ALORS QUE l'existence d'une donation suppose établie l'intention libérale de son auteur, indépendamment de l'élément matériel qui la compose ; que l'intention libérale ne peut être déduite du seul constat d'un déséquilibre entre la situation des parties à l'acte et doit être caractérisée en elle-même ; qu'en déduisant l'intention libérale de M. X... envers son épouse du seul fait qu'il était le seul époux à disposer de revenus permettant l'acquisition de l'immeuble, adoptant ainsi un raisonnement par défaut, la Cour a violé l'article 1099 du Code civil.

2°) ALORS QU'en affirmant que M. X... avait clairement manifesté sa volonté de se déposséder sans contrepartie de la moitié de ses fonds à l'occasion de l'acquisition de l'immeuble de Neuilly sans rechercher, comme elle y était invitée (cf. conclusions p. 4 et 5), s'il n'avait pas un intérêt personnel à l'acquisition de ce bien immobilier qu'il a occupé avec son épouse pendant plus de 30 ans, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1099 du code civil ;


3°) ALORS QUE caractérise une révocation non équivoque de la donation faite à son épouse, le comportement de l'époux qui appréhende la totalité du produit issu de la vente de l'immeuble indivis aux fins de financer des travaux dans un immeuble qui lui appartient en propre et dont il a donné la nue-propriété à sa fille ; que pour avoir écarté le caractère non équivoque de la révocation de la donation consentie le 24 juin 1969, la cour d'appel a violé l'article 1096 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.