par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 27 septembre 2017, 16-19394
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Cour de cassation, chambre commerciale
27 septembre 2017, 16-19.394

Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, le 19 octobre 2010, la société Holding du Crozatier (la société HDC) a été mise en redressement judiciaire ; que M. X..., associé, a déclaré une créance de 350 000 euros en principal et 15 764 euros correspondant aux intérêts d'un compte courant bloqué pour sept ans et afférents aux années 2009 et 2010 ; que cette créance a été admise au passif ; qu'au cours de la période d'observation, le 12 mars 2012, l'assemblée générale de la société HDC a adopté une résolution n° 5 entérinant la rémunération du compte courant de M. X... au taux légal pour l'exercice écoulé, représentant, au 30 septembre 2011, une créance d'intérêts de 10 794 euros ; que par un jugement du 17 avril 2012, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de la société HDC sur dix ans, en décidant que la créance de M. X... serait apurée à concurrence de 25 % dans les trois mois suivant l'homologation du plan, les 75 % restants étant abandonnés ; qu'après avoir reçu le paiement du dividende prévu par le plan, M. X... a assigné la société HDC en paiement d'une facture de 10 794 euros correspondant aux intérêts de sa créance en compte courant relatifs à l'année 2011, tels que calculés dans la résolution n° 5 du 12 mars 2012 ; que par un jugement du 4 novembre 2014, le tribunal de commerce d'Aurillac a annulé cette résolution et rejeté l'ensemble des demandes de M. X... ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 561 et 564 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour infirmer le jugement du 12 mars 2012 et condamner la société HDC à payer à M. X... la somme de 10 794 euros, outre les intérêts, au titre de la rémunération de son compte courant d'associé, l'arrêt retient qu'aucune des parties ne lui en ayant fait la demande, c'est en s'affranchissant des termes de sa saisine que le tribunal a prononcé, d'office, l'annulation de la résolution n° 5 votée par l'assemblée générale du 12 mars 2012 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société HDC demandait la confirmation du jugement, notamment en ce qu'il avait prononcé l'annulation de cette résolution, ce qui valait reprise de cette demande en appel, et que cette demande nouvelle, tendant à faire écarter les prétentions adverses, était recevable devant elle, la cour d'appel, qui, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, était saisie et donc tenue de statuer sur cette demande, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 622-7 du code de commerce ;

Attendu que, pour statuer comme il fait, l'arrêt, après avoir énoncé que la dérogation à la règle de l'arrêt du cours des intérêts prévue par l'article L. 622-28 du code de commerce a vocation à s'appliquer à la mise à disposition de fonds dans le cadre d'un compte courant s'il est spécifié que le remboursement desdits fonds est différé dans un délai supérieur à un an, retient qu'un avenant du 15 juillet 2008 a obligé M. X... à immobiliser son apport en compte courant pour une durée de sept ans ; qu'il relève encore que, si M. X... a reçu le paiement du dividende prévu au plan de redressement, ce règlement n'a eu pour effet que d'éteindre la créance soumise au plan, et non la créance résultant des intérêts échus au cours de la période d'observation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la créance d'intérêts invoquée par M. X... était relative à une créance en compte courant antérieure au jugement d'ouverture, de sorte qu'elle avait elle-même, par voie d'accessoire, la nature de créance antérieure, peu important qu'il s'agisse d'intérêts dont le cours n'avait pas été arrêté postérieurement au jugement d'ouverture, et que son règlement se heurtait à la règle de l'interdiction des paiements, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 622-26, alinéa 2, L. 626-10, alinéa 1er, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, et R. 622-23, 2°, du code de commerce ;

Attendu que, pour statuer comme il fait, l'arrêt, après avoir énoncé que la dérogation à la règle de l'arrêt du cours des intérêts prévue par l'article L. 622-28 du code de commerce a vocation à s'appliquer à la mise à disposition de fonds dans le cadre d'un compte courant s'il est spécifié que le remboursement desdits fonds est différé dans le délai supérieur à un an, retient qu'un avenant du 15 juillet 2008 a obligé M. X... à immobiliser son apport en compte courant pour une durée de sept ans ; qu'il relève encore que, si M. X... a reçu le paiement du dividende prévu au plan de redressement, ce règlement n'a eu pour effet que d'éteindre la créance soumise au plan, et non la créance résultant des intérêts échus au cours de la période d'observation ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé, d'abord, que la créance invoquée par M. X... correspondait aux intérêts échus en 2011 sur sa créance en compte, et que la créance déclarée par celui-ci et admise au passif n'incluait que le principal et les intérêts afférents aux années 2009 et 2010, de sorte que la créance d'intérêts litigieuse n'avait pas été admise au passif, ensuite, que la société HDC avait exécuté ses engagements prévus par le plan à l'égard de M. X..., alors que les intérêts dont le cours n'est pas arrêté relatifs à une créance antérieure au jugement d'ouverture sont soumis à l'obligation de déclaration et que les créances non déclarées régulièrement sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Holding du Crozatier la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Holding du Crozatier.


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Holding du Crozatier à payer à M. X..., titulaire d'un compte courant d'associé au sein de ladite société, la somme de 10 794,00 €, outre intérêts légaux, au titre de la rémunération de ce compte courant d'associé pour l'année 2011 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « alors qu'aucune des parties ne lui en faisait la demande, c'est indéniablement en s'affranchissant des termes de sa saisine que le tribunal de commerce a cru devoir prononcer, d'office, l'annulation de la résolution n°5 votée lors de l'assemblée générale du 12 mars 2012.

QUE sa décision ne peut qu'être infirmée de ce chef.

QUE l'article L. 622-28 du code de commerce , dans sa rédaction applicable à la procédure collective ouverte à l'égard de la société HDC dispose que le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa.

QU'il s'ensuit que les intérêts résultant d'un contrat de prêt conclu pour une durée égale ou supérieur à un an ou d'un contrat assorti d'un paiement différé d'un an ou plus échappent à la règle de l'arrêt du cours des intérêts et cette dérogation a vocation à s'appliquer à la mise à disposition des fonds dans le cadre d'un compte courant s'il est spécifié que le remboursement desdits fonds est différé dans le délai susvisé.

QU'en l'espèce, l'avenant du 15 juillet 2008 au protocole d'accord du 29 mai 2008 a prévu, en son article 2, l'obligation pour M. X... d'immobiliser son apport en compte courant de 350 000,00 € pour une durée de sept ans.

QUE par ailleurs, s'il est effectif qu'il a reçu un paiement du commissaire à l'exécution du plan, ce règlement n'a eu pour effet que d'éteindre la créance soumise au plan et non la créance résultant des intérêts échus au cours de la période d'observation.

QU'il s'ensuit que le jugement déféré doit être infirmé en toutes ses dispositions et que la société HDC, qui sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, sera condamnée à payer à M. X... la somme de 10 794,00 € qui portera intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2013, date de la mise en demeure» ;

1) ALORS QUE l'effet dévolutif de l'appel remet la chose jugée en question devant la Cour d'appel afin qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu'aux termes de ses conclusions d'appel, la société Holding du Crozatier sollicitait l'annulation de la résolution n°5, votée lors de l'assemblée générale du 12 mars 2012, en ce qu'elle ne respectait pas le principe de l'égalité des créanciers (conclusions, p. 5 § 1-3 et p. 7). ; qu'en retenant que les premiers juges auraient statué au-delà de ce qui leur était demandé, et en infirmant pour cette seule raison les dispositions du jugement qui avaient constaté la nullité de la résolution n° 5 votée lors de l'assemblée générale du 12 mars 2012, la cour d'appel, qui n'a pas réexaminé le litige sur ce point, ni procédé à l'analyse des moyens et pièces versées aux débats, a violé les articles 561 et 455 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE qu'est nul tout acte ou tout paiement passé en violation de la règle d'ordre public de l'égalité des créanciers chirographaires soumis à la procédure collective ; que la créance d'intérêts d'un contrat de prêt antérieur au jugement d'ouverture a, par voie d'accessoire, la qualité de créance antérieure, même si les intérêts continuent à courir après le jugement d'ouverture ; qu'en l'espèce, la résolution n°5, votée lors de l'assemblée générale du 12 mars 2012, portait sur le calcul des intérêts afférents à une créance antérieure au jugement d'ouverture du 19 octobre 2010, de sorte qu'elle portait atteinte à la règle d'ordre public de l'égalité des créanciers et ne pouvait produire aucun effet ; qu'en condamnant néanmoins la société Holding du Crozatier sur le fondement d'une telle résolution, la cour d'appel a violé la règle d'ordre public de l'égalité des créanciers, ensemble l'article L. 622-7 du code de commerce (dans sa version applicable à la cause) ;


3) ALORS QUE la créance d'intérêts d'un contrat de prêt antérieur au jugement d'ouverture a, par voie d'accessoire, la qualité de créance antérieure, même si les intérêts continuent à courir après le jugement d'ouverture ; qu'elle doit être admise dans la catégorie « créance à échoir » de la déclaration de créance ; qu'à défaut de déclaration, ladite créance est inopposable au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus ; qu'en l'espèce, en condamnant la débitrice à payer une créance d'intérêts, accessoire à une créance née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, et dont le sort avait été définitivement fixé dans le plan de continuation de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 622-7, L. 622-24 et L. 626-26 et L. 626-27 du code de commerce dans leur rédaction applicable à la cause.



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Sauvegarde des entreprises


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.