par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. com., 25 octobre 2017, 16-15784
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, chambre commerciale
25 octobre 2017, 16-15.784
Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris dans sa deuxième branche :
Vu l'article L. 622-24, alinéa 4, du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Sodinfo a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 10 mai et 4 octobre 2012, Mme X... étant désignée successivement mandataire judiciaire puis liquidateur (le liquidateur) ; que le jugement d'ouverture, qui a été publié au Bulletin des annonces civiles et commerciales (BODACC) le 10 juillet 2012, dispose que le mandataire devra établir la liste des créances dans le délai d'un an à compter de la publication du jugement au BODACC ; que la Caisse générale de sécurité sociale de Guyane (la Caisse) a déclaré une créance pour un montant de 75 537 euros ; qu'après contestation adressée par le liquidateur à la Caisse le 25 mars 2013, faute pour elle d'avoir adressé un titre exécutoire, celle-ci a, le 24 avril 2013, formulé des observations et déposé une déclaration de créance rectificative ;
Attendu que pour admettre la créance, l'arrêt retient que ni le juge-commissaire ni le mandataire judiciaire n'ont indiqué quel était le délai imposé à la Caisse pour établir définitivement sa créance, et que le jugement de liquidation judiciaire ne comportait lui-même aucun délai ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, conformément à l'article L. 622-24, alinéa 4, du code de commerce, le délai dans lequel les créances des organismes de sécurité sociale doivent être définitivement établies par la production d'un titre exécutoire n'est autre que celui, prévu par l'article L. 624-1 du même code, dans lequel le mandataire judiciaire ou le liquidateur doit vérifier le passif et que, fixé par le jugement ouvrant la procédure collective, la publication de ce jugement suffit à l'indiquer, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;
Condamne la Caisse générale de sécurité sociale de Guyane aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X..., en qualité de liquidateur de la société Sodinfo, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Leduc et Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme X..., ès qualités,
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir admis la créance de la Caisse Générale de Sécurité Sociale (CGSS) de Guyane au passif de la société Sodinfo (SARL) à hauteur de la somme de 32.447 euros ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L.622-24 du code de commerce : « sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L.624-1 » ; qu'aux termes de l'article L.624-1 applicable au moment des faits : « dans le délai fixé par le tribunal, le mandataire judiciaire établit, après avoir sollicité les observations du débiteur, la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente. Il transmet cette liste au juge-commissaire » ; que cependant, en l'espèce, ni le juge-commissaire, ni le mandataire judiciaire n'ont indiqué quel était le délai susvisé, fixé par le tribunal et qu'aucun délai ne figure dans le jugement de liquidation judiciaire ; que de plus, Maître X... ne peut reprocher au créancier le non-respect de ce délai dans la mesure où elle n'a pas fait de proposition au juge-commissaire après avoir reçu les observations de la CGSS ; qu'enfin, à titre superfétatoire, la CGSS qui établit, qui conformément aux articles L.624-26 et L.622-26 (sic) que si sa créance n'a pas été portée définitivement sur la liste des créances dans le délai prévu par l'article L.624-1, cette défaillance n'est pas de son fait, doit être relevée de la forclusion éventuellement encourue ; que l'ordonnance sera donc infirmée ; qu'il sera fait droit à la demande de la CGSS ;
ALORS QUE, d'une part, le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la CGSS de Guyane ne remettait nullement en cause, dans ses conclusions d'appel, le fait que le délai de vérification des créances prévu à l'article L.624-1 du code de commerce, tel que fixé par le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du 10 mai 2012, avait expiré le 10 juillet 2013, comme l'avait retenu le juge-commissaire ; que dès lors, en soulevant d'office le moyen tiré de l'impossibilité dans laquelle la cour se serait trouvée de vérifier le délai applicable à la cause, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, la cour viole les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QUE, d'autre part et en tout état de cause, il incombe à l'organisme de sécurité sociale déclarant d'établir définitivement sa créance en justifiant de l'émission dans le délai de vérification des créances du ou des contraintes correspondantes ; qu'il s'en déduit que la cour ne pouvait tirer prétexte de sa méconnaissance dudit délai pour justifier l'admission, à titre définitif, de la créance déclarée par la Caisse ; que son arrêt n'est pas légalement justifié au regard des articles L.622-24 et L.624-1 du code de commerce, ensemble de l'article 12 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, de troisième part, l'obligation faite à l'organisation de sécurité sociale déclarant d'établir définitivement sa créance dans le délai de vérification des créances, et ce à peine de forclusion, est distincte et autonome de l'obligation faite par ailleurs au mandataire judiciaire ou au liquidateur de dresser dans ce même délai la liste des créances déclarées avec ses propositions d'admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente, obligation qui n'est sanctionnée que par la perte, par ledit mandataire, de son droit à rémunération au titre des créances qui auraient été omises ; qu'en considérant néanmoins que la circonstance, à la supposer avérée, que Maître X..., agissant ès qualité, ait manqué à son obligation de transmettre au juge-commissaire sa proposition d'admission ou le rejet de la créance de la CGSS, était de nature à justifier le défaut d'établissement définitif de sa créance par la Caisse et l'admission de celle-ci, la cour viole, par fausse interprétation, les articles L.622-24 et L.624-1 du code de commerce ;
ALORS QUE, de quatrième part et en tout état de cause, les créances des organismes de sécurité sociale qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration ne peuvent être admises qu'à titre provisionnel pour leur montant déclaré et doivent, à peine de forclusion, être définitivement établies, par l'émission d'un titre exécutoire, avant l'expiration du délai de vérification des créances ; que faute d'avoir vérifié si la créance de la CGSS, telle qu'admise à hauteur de la somme de 32.447 euros, avait donné lieu à l'émission par celle-ci d'une ou plusieurs contraintes, la cour prive son arrêt de base légale au regard de l'article L.622-24 du code de commerce ;
ALORS QUE, de cinquième part, en relevant d'office la CGSS de Guyane de la forclusion éventuellement encourue, quand les conclusions de la Caisse n'étaient assorties d'aucune demande de relevé de forclusion, la cour, qui de plus n'a pas même invité les parties à présenter leurs observations quant à ce, méconnaît ce que postulent les articles 4 et 16 du code de procédure civile ;
ET ALORS ENFIN QUE, les organismes de sécurité sociale dont la créance n'a pas été portée définitivement sur la liste des créances dans le délai de vérification de celles-ci ne peuvent demander à être relevés de la forclusion qu'ils encourent qu'à la condition d'avoir agi à cette fin avant l'expiration d'un délai de six mois courant à compter de la publication au BODACC du jugement d'ouverture ou, par exception, dans le cas où le créancier justifierait avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration de ce délai, dans les six mois suivant la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance ; qu'en l'espèce, et comme cela résulte des commémoratifs de l'arrêt attaqué (arrêt p.2, § 3 et 4), la CGSS de Guyane avait une parfaite connaissance de l'existence et du montant de sa créance, puisqu'elle avait été à même de la déclarer à titre provisoire dans le délai requis, puis d'en fixer précisément le montant, inférieur à la somme initialement déclarée, à la faveur d'une déclaration rectificative, ce dès avant l'expiration du délai de vérification des créances, fixé au 10 juillet 2013 ; qu'il s'en déduit que la forclusion encourue par la Caisse ne pouvait être justifiée par l'ignorance dans laquelle elle se serait trouvée de l'existence ou encore du montant de sa créance mais trouvait sa seule origine dans son omission d'émettre, dans le délai qui s'imposait à elle, la contrainte qui constituait le titre exécutoire indispensable à l'établissement définitif de sa créance ; et donc à son admission ; qu'il ne pouvait dès lors y avoir lieu à relevé de forclusion ; qu'en jugeant le contraire, la cour viole les articles L.622-26 et R. 624-2 du code de commerce.
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Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.