par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 22 juillet 1987, 85-13907
Dictionnaire Juridique
site réalisé avec Baumann Avocats Droit informatique |
Cour de cassation, 1ère chambre civile
22 juillet 1987, 85-13.907
Cette décision est visée dans la définition :
Infans conceptus
Joint en raison de leur connexité les pourvois n°s 85-13.907 et 85-14.507 dirigés contre la même décision ; . Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Stéphania, Anna Y..., veuve X..., est décédée le 22 avril 1977 laissant pour seule héritière Mme Aurélie Y..., sa soeur, et en l'état d'un testament olographe en date du 14 octobre 1975, contenant les dispositions suivantes " Mon intention ferme et définitive est que ma succession soit dévolue à une fondation qui s'intitulera " Fondation Monsieur et Madame Dupré ", cette fondation... aura pour objectif de remettre annuellement plusieurs prix et certains dons à des prisonniers, après libération, à des vieillards séjournant en hospice sur mérites divers, à des handicapés également sur mérites divers, ces mérites à définir dans les statuts de la fondation et appréciés par les responsables de celle-ci. Cette fondation doit, à mes yeux, être reconnue d'utilité publique ; il faut qu'elle soit constituée avant mon décès, afin que je puisse la présider et assister à son organisation et à son fonctionnement ; si, contre toute attente, cette fondation n'était pas créée au moment de mon décès, j'exprime l'intention la plus ferme et la plus précise pour qu'elle soit constituée à l'issue de mon décès, qu'elle obtienne la reconnaissance d'utilité publique et qu'elle accomplisse l'objectif ci-dessus très succinctement défini... en conséquence, j'institue pour ma légataire universelle la fondation Monsieur et Madame François X..., existant à mon décès ou à créer après celui-ci... " ; que la testatrice a désigné six personnes physiques en qualité d'administrateurs de la fondation et disposé que ladite fondation, en sa qualité de légataire universelle, aurait à délivrer les legs particuliers d'immeubles et de sommes d'argent consentis par le même testament ; qu'au décès de veuve X... la fondation n'avait pas été créée ; que le 6 janvier 1978, Mme Aurélie Y... a assigné les six administrateurs désignés par le testament et l'administrateur provisoire de la succession pour faire constater la nullité du legs universel fait à une fondation non existante au jour du décès de la testatrice et s'entendre déclarer saisie de la totalité de la succession en sa qualité de seule héritière du sang, à charge par elle de délivrer les legs particuliers ; que la Fondation de France est intervenue dans l'instance en faisant valoir qu'elle était le seul établissement doté de tous les attributs juridiques et techniques permettant de donner totale efficacité à la volonté exprimée par la testatrice et qu'elle était ainsi habile à recevoir le legs universel ; que l'arrêt attaqué a dit que le legs fait à la Fondation Monsieur et Madame Dupré était nul ; Sur le premier moyen de l'un et de l'autre pourvois : Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué alors que le testament avait désigné des administrateurs chargés de rédiger et de déposer les statuts de la fondation, que les fonds qui devaient y être affectés avaient été prévus et qu'enfin la déclaration d'utilité publique de la fondation était la condition même de son existence ; que faute, en cet état, d'avoir reconnu la validité du legs litigieux, la cour d'appel aurait violé l'article 906 du Code civil soit par fausse application, ce texte ne régissant que la capacité à recevoir un legs des personnes physiques, à l'exclusion des personnes morales, soit par mauvaise application, la fondation à créer devant être assimilée à l' infans conceptus et sa viabilité, résultant de sa reconnaissance d'utilité publique, rétroagir à la date d'ouverture de la succession ; Mais attendu qu'il résulte de l'article 906 du Code civil, qui traduit le principe fondamental suivant lequel il ne peut exister de droits sans sujets de droits, que le legs fait à une fondation non existante au jour du décès du disposant est nul ; qu'à défaut de texte contraire une déclaration ultérieure d'utilité publique ne saurait priver les héritiers des droits à eux acquis par le fait même de ce décès, l'existence juridique n'étant, sous aucun rapport, antérieure à la décision qui la fonde ; Que le premier moyen n'est donc pas fondé ; Le rejette ; Mais sur le second moyen de l'un et de l'autre pourvois, pris en sa deuxième branche : Vu l'article 1134 du Code civil ; Attendu que recherchant si, par la disposition litigieuse, la testatrice n'avait pas voulu gratifier des catégories de personnes déjà existantes et imposer à sa succession la charge d'y pourvoir par la réalisation d'une fondation, la cour d'appel a estimé que la rédaction claire et précise du testament révélait que dans la pensée de son auteur le motif déterminant n'était pas la libéralité faite aux bénéficiaires futurs des prix et dons, que, bien au contraire, la personnalité de l'intermédiaire n'était pas indifférente à la testatrice et qu'il y avait de la part de celle-ci volonté ferme de créer, pour perpétuer le souvenir des époux X..., une fondation selon un modèle précis unique, ne comportant pas de solution de remplacement ; qu'elle en a déduit qu'il y aurait dénaturation de cette clause testamentaire si, au légataire universel expressément y désigné, on substituait toute autre personne physique ou morale ; Attendu cependant que Mme X... avait également écrit dans son testament qu'elle instituait légataire universelle la Fondation Monsieur et Madame Dupré " existant à son décès ou à créer après celui-ci ", que si, contre toute attente, cette fondation n'était pas créée au moment de son décès, elle exprimait l'intention la plus ferme et la plus précise pour qu'elle soit constituée à l'issue de son décès, qu'elle obtienne la reconnaissance d'utilité publique et qu'elle accomplisse l'objectif ci-dessus très succinctement défini " ; qu'en faisant abstraction de cette partie de la disposition testamentaire, la cour d'appel l'a, par omission, dénaturée ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen : CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 13 décembre 1984, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon
site réalisé avec Baumann Avocat Droit informatique |
Cette décision est visée dans la définition :
Infans conceptus
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 12/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.