par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 17 février 1998, 95-12764
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Cour de cassation, chambre commerciale
17 février 1998, 95-12.764

Cette décision est visée dans la définition :
Ducroire




AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Herta, société anonyem, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 25 janvier 1995 par la cour d'appel de Paris (15e chambre, section A), au profit :

1°/ du Crédit Lyonnais, société anonyme, dont le siège est ...,

2°/ de la société Socadip, (société d'achat de diffusion et de promotion), société anonyme, dont le siège est ..., prise en la personne de ses liquidateurs amiables Me Y... et Me X..., domiciliés ..., défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 janvier 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Grimaldi, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Grimaldi, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat de la société Herta, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la société Socadip, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat du Crédit Lyonnais, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 25 janvier 1995), qu'un contrat dit "de garantie de paiement" a été conclu entre, d'un côté, la centrale de référencement SOCADIP et, d'un autre côté, le groupement d'achat Codec, actionnaire de la SOCADIP, et ayant divers adhérents;

que le contrat stipulait : "La SOCADIP garantit aux fournisseurs... le paiement des factures dues par ses actionnaires et les adhérents de ceux-ci nommément désignés";

que le cautionnement ainsi donné par la SOCADIP à la société Herta, fournisseur, était contre-garanti par le Crédit lyonnais ;

que la Codec ayant été mise en redressement judiciaire le 9 août 1990, la société Herta a déclaré sa créance puis assigné en garantie la SOCADIP, qui a appelé en cause le Crédit lyonnais ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches ;

Attendu que la société Herta reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes du contrat de garantie de paiement la SOCADIP s'était portée caution du paiement au fournisseur de ses factures de marchandises dues par les actionnaires de cette société;

qu'il appartenait ainsi aux juges du second degré de rechercher si les factures litigieuses dont se prévalait la société Herta pour obtenir la garantie de la SOCADIP correspondaient à des factures de marchandises dues par la Codec, peu important l'analyse des documents et conventions Codec sans effet sur la mise en oeuvre de cette garantie, d'où un défaut de base légale au regard des articles 1134 et 2015 du Code civil;

alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas recherché, comme l'y invitaient les écritures de la société Herta si la commission dite "de gestion" facturée aux fournisseurs à hauteur de 2 % de leur chiffre d'affaires par la Codec n'était pas de nature à justifier que cette dernière s'était portée ducroire de ses adhérents au profit des fournisseurs;

d'où un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil;

alors, encore, que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer;

que l'absence de protestations de la société Herta à la réception de la lettre du 31 mai 1990 par laquelle la SOCADIP avait modifié unilatéralement le champ d'application de la garantie dans un sens plus restrictif, ne constituait pas un acte manifestant sans équivoque la volonté de la société Herta de renoncer au bénéfice de la garantie initiale plus étendue, d'où une violation des articles 2015 et 2221 du Code civil;

et alors, enfin, que le principe de l'interprétation stricte de l'étendue du cautionnement s'applique seulement lorsque le juge n'a pas pu déterminer la volonté des parties en se fondant sur les termes de l'acte et les circonstances l'ayant suivi;

que les juges du second degré, en statuant comme ils ont fait, se sont fondés par erreur sur le pouvoir d'interprétation stricte du cautionnement inapplicable en l'espèce au lieu de rechercher la commune intention des parties, en considérant notamment le fait suivant lequel la SOCADIP avait eu connaissance du "circuit direct" et celui suivant lequel cette société avait perçu des cotisations sur l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé par la société Herta afin de déterminer l'étendue du cautionnement, d'où une violation de l'article 2015 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir reproduit les stipulations utiles du contrat de garantie bénéficiant à la société Herta et relevé que la Codec passait parfois des commandes pour son compte à des fournisseurs, selon la méthode dite du "circuit entrepôt", lesquelles étaient couvertes par la garantie de la SOCADIP, l'arrêt, effectuant les recherches invoquées aux première et deuxième branches, et s'appuyant tant sur la lettre du contrat que sur la volonté des parties, retient que l'engagement de ducroire, qui ne se présume pas, n'est pas établi à l'encontre de la Codec et que les commandes des adhérents de la Codec passées directement aux fournisseurs, c'est-à-dire réalisées en "circuit direct", n'étaient pas couvertes par cette garantie, dès lors que les factures étaient libellées à leur nom, qu'ils n'étaient pas inscrits sur la liste dressée par la SOCADIP et que la Codec, seule inscrite sur cette liste, était mandataire au paiement de ses adhérents, sans être acheteur;

qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a fait état d'aucune renonciation de la part de la société Herta, a légalement justifié sa décision;

que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, est mal fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;

Attendu que l'arrêt ordonne la restitution, par la société Herta, à la SOCADIP des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement infirmé, avec intérêts au taux légal à compter du paiement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il y a lieu, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé, à compter du paiement, le point de départ des intérêts de la somme à restituer par la société Herta à la SOCADIP, l'arrêt rendu le 25 janvier 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que ces intérêts partent à compter de la signification de l'arrêt de la cour d'appel ;

Condamne la société SOCADIP aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes présentées par la société Herta et le Crédit Lyonnais ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.



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Cette décision est visée dans la définition :
Ducroire


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