par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. plen., 13 mars 2009, 08-16033
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, assemblée plénière
13 mars 2009, 08-16.033

Cette décision est visée dans la définition :
Chose jugée




LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

Arrêt n° 575 P+B+R+I
Pourvoi n° T 08-16.033

Statuant sur le pourvoi formé par M. Antoine X..., domicilié ...,

contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2008 par la cour d'appel d'Amiens (chambre des renvois après cassation), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Claude Y..., domicilié ...,

2°/ à la société Rénovation et modernisation immobilière (REMI), dont le siège est 15 rue Rémusat, 75016 Paris,

défendeurs à la cassation ;

M. X... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris (16e chambre, section A) en date du 28 mai 2003 ;

Cet arrêt a été cassé le 7 décembre 2004 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation ;

La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel d'Amiens qui, saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 14 janvier 2008 dans le même sens que la cour d'appel de Paris, par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation ;

Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, M. le premier président a, par ordonnance du 21 octobre 2008, renvoyé la cause et les parties, devant l'assemblée plénière ;

Le demandeur invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par Me Foussard, avocat de M. X... ;

Le rapport de Mme Gabet, conseiller, et l'avis écrit de M. Maynial, premier avocat général, ont été mis à la disposition de Me Foussard ;

Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 27 février 2009, où étaient présents : M. Lamanda, premier président, Mmes Favre, Collomp, MM. Bargue, Gillet, Pelletier, Lacabarats, présidents, Mme Gabet, conseiller rapporteur, MM. Joly, Peyrat, Lesueur de Givry, Mmes Mazars, Lardennois, M. Pluyette, Mme Foulon, MM. Rivière, Marzi, Straehli, Mme Laporte, conseillers, M. Maynial, premier avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;

Sur le rapport de Mme Gabet, conseiller, assistée de Mme Norguin, greffier en chef au service de documentation et d'études, les observations de Me Foussard, l'avis, tendant au rejet du pourvoi, de M. Maynial, premier avocat général, auquel Me Foussard, invité à le faire, a répliqué, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

Attendu que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3, 7 décembre 2004, pourvoi n° 03-17.446), que le 15 novembre 1991, M. Y... a donné à bail à l'Eurl Antoine X... un local à usage commercial ; que la société X... ayant été radiée du registre du commerce et des sociétés le 22 juillet 1993, M. X... a repris en nom propre l'exercice de ses activités ; que sur assignation du 18 juillet 1995 délivrée à la société X... et à M. X..., le tribunal d'instance du 9e arrondissement de Paris, après jugement avant dire droit rendu le 7 novembre 1995, a, par jugement du 19 décembre 1995, dit la société X... mal fondée en toutes ses exceptions, constaté l'acquisition de la clause résolutoire au profit du bailleur, condamné la société X... et M. X... au paiement d'une certaine somme au titre des loyers impayés et ordonné l'expulsion de la société X... ; que le 5 février 1999, M. X... a fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Paris, M. Y... et la société Remi en résiliation du bail du 15 novembre 1991 pour inexécution de ses engagements par M. Y..., et en paiement de diverses sommes venant en compensation des sommes mises à sa charge par le jugement du 19 décembre 1995 ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes de M. X..., en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 19 décembre 1995, l'arrêt retient que ce jugement a statué au vu de demandes identiques à celles reprises à nouveau par M. X... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement du 19 décembre 1995 n'avait pas tranché dans son dispositif les demandes reconventionnelles formées par M. X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. X... à l'encontre de M. Y..., l'arrêt rendu le 14 janvier 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du treize mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. X...

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré irrecevables, comme se heurtant à l'autorité de chose jugée, les demandes formées par M. X... à l'encontre de M. Y... ;

AUX MOTIFS QUE «la Cour observe que, pour résister à la demande en résolution du contrat de bail, en expulsion du locataire et en paiement des arriérés de loyers engagée le 18 juillet 1995 par Claude Y..., Antoine X... a invoqué, dans une note en défense du 7 août 1995, une exception d'inexécution de ses obligations par le bailleur et une exception de compensation entre les sommes qui lui étaient dues et les sommes qui lui étaient réclamées ; qu'il a fait valoir que son bailleur n'ayant pas respecté ses propres engagements (non remboursement du prix des travaux d'installation, non remboursement des honoraires de rédaction du bail, trouble de jouissance causé par un autre commerce, maintien en fonction d'une concierge grossière, non prise en charge des dégâts des eaux provoqués par le locataire du dessus), il était fondé à réclamer la résolution du bail, la décharge des loyers, la condamnation de Claude Y... ou de sa société Remi à lui rembourser ses investissements et à lui payer des dommages et intérêts et a donc demandé la compensation entre les sommes dues et les sommes qui lui étaient réclamées ; que la Cour note encore que, par jugement du 19 décembre 1995, après avoir examiné les demandes reconventionnelles d'Antoine X... et avoir conclu qu'elles étaient dépourvues de fondement au regard des termes du contrat de bail et notamment de la portée réelle des obligations du bailleur, le tribunal d'instance a énoncé dans son dispositif «qu'Antoine X... était mal fondé en toutes ses exceptions», et que, faisant droit en revanche à la demande de Claude Y..., le tribunal a constaté la résiliation du bail, ordonné l'expulsion du locataire, condamné l'EURL Antoine X... et Antoine X... à payer à Claude Y... 104 000 francs d'arriérés de loyers, avec exécution provisoire de la décision ; qu'en cet état, la Cour observe que, si le tribunal n'a pas expressément dit dans son dispositif «qu'il rejetait les demandes de M. X...», il n'en demeure pas moins qu'en disant les exceptions d'inexécution et de compensation mal fondées et en faisant intégralement droit à la demande de M. X..., le tribunal a implicitement mais nécessairement écarté lesdites demandes ; que la Cour note d'ailleurs que M. X... ne s'est pas mépris sur la portée de cette décision puisque, avant de se désister de son appel, M. Antoine X... a demandé à la Cour d'appel de Paris, dans des conclusions en date du 14 mai 1996, d'infirmer les dispositions du jugement du 19 décembre 1995 le déboutant de ses demandes reconventionnelles ; que c'est donc en connaissance de cause qu'ultérieurement, M. Antoine X... et l'EURL Antoine X... ont déclaré, par conclusions du 21 mai 1997, se désister purement et simplement de leur appel (en conséquence de quoi le conseiller de la mise en état a constaté, par ordonnance du 18 juin 1997, ledit désistement, l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la Cour) ; que cependant, par acte en date du 5 février 1999, Antoine X... a assigné Claude Y... et la société Remi en vue de faire juger que, compte tenu des sommes que son bailleur lui devait et qui venaient en compensation des sommes que ce dernier réclamait, la clause résolutoire n'avait jamais été acquise et qu'il était dès lors fondé à demander la résolution du contrat et à réclamer l'indemnisation de tous les investissements qu'il avait réalisés et, au soutien de ces prétentions, il a repris intégralement son argumentation antérieure et a soutenu que son bailleur n'ayant pas respecté ses propres engagements, il était fondé à réclamer la résolution du bail, la décharge des loyers, la condamnation de Claude Y... ou de sa société Remi à lui rembourser ses investissements et à lui payer des dommages et intérêts, et que les sommes qui lui étaient dues devaient venir en compensation des loyers au paiement desquels il avait été condamné ; que force est de constater qu'hormis la demande dirigée contre la société Remi (qui sera examinée ci-après), Antoine X... persiste à présenter une demande qui s'avère en tous points identique à celle qu'il a présentée le 7 août 1995 et qui a donné lieu à une décision de rejet du 19 décembre 1995 alors que ladite demande vise toujours la même personne et qu'elle est toujours formée en la même qualité : Antoine X... demande toujours la résolution du contrat aux torts du bailleur pour les mêmes manquements aux mêmes obligations, la restitution de toutes les sommes qu'il a versées à quelque titre que ce soit et, à titre de dommages et intérêts, le remboursement de toutes les dépenses qu'il a faites et des pertes financières qu'il a subies (...)» (arrêt, p. 7, avant-dernier et dernier § et p.8) ;

ALORS QUE, premièrement, l'autorité de chose jugée ne peut être opposée que pour autant qu'il y a identité entre l'objet de la demande sur laquelle il a été précédemment statué et l'objet de la demande dont le juge est saisi ;
qu'il résulte du jugement rendu le 19 décembre 1995 par le tribunal d'instance du 9e arrondissement de Paris que ce dernier n'a statué que sur la demande de M. Y... tendant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire et à obtenir le paiement de loyers arriérés ainsi que l'expulsion de l'EURL Antoine X... ; que l'autorité de chose jugée attachée à cette décision ne pouvait dès lors faire obstacle à la demande formée par M. X..., qui n'avait pas été soumise au tribunal d'instance du 9e arrondissement de Paris, visant à l'octroi de dommages et intérêts ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1351 du code civil, ensemble l'article 480 du nouveau code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement et en tout cas, faute d'avoir recherché si la demande en dommages et intérêts formée par M. X... dans le cadre de la présente instance avait été soumise au tribunal d'instance du 9e arrondissement de Paris quand il a rendu sa décision du 19 décembre 1995, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1351 du Code civil, ensemble au regard de l'article 480 du nouveau code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Chose jugée


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.