par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 2 avril 2009, 08-12246
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
2 avril 2009, 08-12.246

Cette décision est visée dans la définition :
Bâtonnier




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme X..., avocat et ancien bâtonnier de Périgueux, a été poursuivie disciplinairement, à l'initiative du bâtonnier lui ayant succédé, pour fraude électorale lors de la proclamation des résultats du vote organisé le 16 décembre 2005 pour la désignation des quatre membres du conseil de l'ordre ; que par une première décision du 27 février 2006 la cour d'appel a rejeté la requête dite en " suspicion légitime " présentée à l'encontre de MM. Y... et Z..., membres du conseil de l'ordre désignés comme rapporteurs chargés de l'instruction, requête qui, en réalité, s'analyse en une demande de récusation ; que par un second arrêt du 21 décembre 2007, la cour d'appel, après avoir jugé régulière la désignation des rapporteurs et valable leur rapport, à l'exception d'auditions de témoins auxquelles l'avocat poursuivi n'avait pas été convoqué, a, confirmant la sentence du conseil de discipline, prononcé la peine de la radiation ; que Mme X... s'est pourvue en cassation contre ces deux décisions ; que le procureur général a formé un pourvoi incident ;

Sur la recevabilité, contestée, du pourvoi principal en ce qu'il attaque l'arrêt du 27 février 2006 :

Vu l'article 193 du code de procédure civile ;

Attendu que l'acte de notification de l'arrêt du 27 février 2006 indique de manière erronée qu'aucune voie de recours n'était ouverte à l'encontre de cette décision ; que dès lors le délai de pourvoi n'a pas couru ;

D'où il suit que le pourvoi est recevable contre cette décision ;

Sur la recevabilité, contestée, du pourvoi principal en ce qu'il est dirigé contre MM. Y... et Z... :

Attendu que le pourvoi est irrecevable à l'égard de MM. Y... et Z..., lesquels, rapporteurs chargés de l'instruction de l'affaire en application de l'article 188 du décret du 27 novembre 1991 modifié, n'ont pas pu être parties à la procédure d'appel ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles 188 et 189 du décret du 27 novembre 1991 modifié par le décret du 14 mai 2005, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que pour rejeter la requête en récusation que Mme X... avait formée à l'encontre de MM. Y... et Z..., le premier arrêt attaqué retient que le principe d'impartialité n'était pas applicable aux rapporteurs désignés par le conseil de l'ordre qui, chargés de la seule instruction de l'affaire, ne participent pas à la formation de jugement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'exigence d'impartialité s'impose aux rapporteurs qui ont pour mission de procéder à une instruction objective et contradictoire de l'affaire et dont le rapport, obligatoire, est déterminant du sort ultérieurement réservé aux poursuites par la formation de jugement, la cour d'appel a violé les textes susvisés, par fausse application des premiers et refus d'application du dernier ;

Sur les trois autres moyens du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l'arrêt du 27 février 2006 entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt du 21 décembre 2007 qui en est la suite ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les trois autres branches du premier moyen du pourvoi principal :

Déclare recevable le pourvoi principal en ce qu'il attaque l'arrêt du 27 février 2006 ;

Déclare irrecevable le pourvoi principal en ce qu'il est dirigé contre MM. Y... et Z... ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Constate l'annulation de l'arrêt du 21 décembre 2007 ;

Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Périgueux aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé et de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt du 27 février 2006 d'avoir rejeté la requête en suspicion légitime formée par Maître Claire X... à l'encontre du Bâtonnier Patrick Y... et de Maître Eric Z..., membres du Conseil de l'Ordre des Avocats au Barreau de PERIGUEUX, désignés pour procéder à l'instruction de l'affaire dans le cadre des poursuites disciplinaires engagées à son encontre ;

Aux motifs que « qu'il est constant que le 2 janvier 2006, Maître Patrice A..., Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au Barreau de PERIGUEUX a saisi le Président du conseil de discipline aux fins de poursuites contre Maître Claire X... soupçonnée d'avoir, au cours des Elections Professionnelles du 16 décembre 2005, volontairement altéré la sincérité du scrutin du premier tour de l'élection des membres renouvelables du Conseil de l'Ordre, et d'avoir ainsi gravement manqué aux principes de probité, d'honneur et de délicatesse visés à l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 modifié par le décret du 24 mai 2005 ; que conformément aux dispositions de l'article 188 du décret du 27 novembre 1991 modifié, le Conseil de l'Ordre des Avocats du Barreau de PERIGUEUX a désigné le 13 janvier 2006 deux de ses membres pour procéder à l'instruction de l'affaire en la personne du Bâtonnier Patrick Y... et de Maître Eric Z... ; que Maître X... ne saurait prétendre trouver une cause permettant de douter objectivement de l'impartialité de Maîtres Y... et Z... dans leur participation à la réunion du Conseil de l'Ordre du 20 décembre 2005 au cours de laquelle, contrairement à ce qu'elle soutient, le Conseil n'a pas pris définitivement parti sur « sa culpabilité » décidant seulement, suite au scrutin contesté du 16 décembre 2005 : « sur quoi le Conseil décide de porter à la connaissance du Procureur Général et du Procureur la présente délibération, et invite le Bâtonnier nouvellement élu à donner aux faits la suite qu'ils doivent comporter » ; que pas davantage l'information objective donnée à la presse dans le cadre d'une affaire fortement médiatisée, ne permet de douter de l'impartialité objective des deux rapporteurs dès lors que selon cette même information : « une procédure disciplinaire a été engagée dès le 2 janvier 2006 à l'encontre de Madame Claire X... Bâtonnier en exercice en 2005, et en cette qualité Président du Bureau de Vote. Le Conseil de l'Ordre a décidé d'engager une procédure pénale pour fraude électorale à son encontre » n'augure pas de l'issue de ces procédures et ne prend pas parti sur la culpabilité de l'intéressé ;

Qu'enfin il ne saurait y avoir atteinte aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales quand la récusation vise des rapporteurs, chargés de la seule instruction de l'affaire avec toutes les garanties du contradictoire données par l'article 23 nouveau de la loi du 31 décembre 1971, qui ne participeront pas à la formation de jugement » (arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;

1) Alors que les rapporteurs chargés d'instruire sur la procédure disciplinaire auxquels s'applique l'exigence d'impartialité peuvent être récusés ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles 341 et 356 du code de procédure civile, ensemble les articles 188 et 189 du décret du 27 novembre 1991 et l'article 6 de la CEDH ;

2) Alors qu'en retenant que la délibération adoptée à l'issue de la réunion du Conseil de l'Ordre du 20 décembre 2005 avait « seulement décidé, suite au scrutin contesté du 16 décembre 2005 : sur quoi le Conseil décide de porter à la connaissance du Procureur Général et du Procureur la présente délibération, et invite le Bâtonnier nouvellement élu à donner aux faits la suite qu'ils doivent comporter » quand, avant de décider « de porter à la connaissance du Procureur Général et du Procureur la présente délibération » et d'inviter « le bâtonnier nouvellement élu à donner aux faits la suite qu'ils devaient comporter », cette délibération énonçait que « Maître X..., responsable de l'organisation du vote, a lors de la lecture des bulletins, altéré la sincérité du scrutin en s'attribuant 44 voix supplémentaires au détriment des autres candidats … » et que « ces faits flagrants, commis en présence de 48 avocats, par un Bâtonnier dans l'exercice de ses fonctions, apparaît (sic) constituer un manquement grave à la probité, à l'honneur, et à la délicatesse, susceptibles de justifier une poursuite disciplinaire », la cour d'appel a dénaturé la délibération litigieuse, en violation de l'article 1134 du code civil ;

3) Alors que l'exigence d'impartialité s'apprécie objectivement ; que les membres du conseil de l'ordre qui participent à l'adoption d'une délibération tenant les faits pour établis et imputables à l'avocat appelé à être poursuivi disciplinairement, ne peuvent, sauf à méconnaître l'exigence d'impartialité, être ensuite désignés en qualité de rapporteur dans la procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de cet avocat ; que Maître Y... et Z..., qui participaient à la réunion du 20 décembre 2005 au cours de laquelle la délibération a été adoptée, ne pouvaient, sauf à méconnaître l'exigence d'impartialité, être désignés en qualité de rapporteur dans la procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de Madame X... ; qu'en rejetant la requête de l'exposante, la cour d'appel a méconnu les articles 341 et 356 du code de procédure civile, ensemble les articles 188 et 189 du décret du 27 novembre 1991 et l'article 6 de la CEDH ;

4) Alors que l'exigence d'impartialité s'apprécie objectivement ; que les membres du conseil de l'ordre qui participent à l'adoption d'une délibération autorisant le bâtonnier à citer directement l'avocat poursuivi disciplinairement devant le tribunal correctionnel ne peuvent, sauf à méconnaître l'exigence d'impartialité, être désignés en qualité de rapporteur dans la procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de cet avocat ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les articles 341 et 356 du code de procédure civile, ensemble les articles 188 et 189 du décret du 27 novembre 1991, l'article 388 du code de procédure pénale et l'article 6 de la CEDH ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt du 21 décembre 2007 d'avoir jugé régulière la désignation des rapporteurs et d'avoir, en conséquence, déclaré Madame X... coupable d'avoir, le 16 décembre 2005, altéré les résultats de premier tour de l'élection des membres du Conseil de l'Ordre en proclamant d'autres noms (en particulier le sien) et d'avoir, pour ces faits, prononcé la radiation de Madame X... du tableau de l'Ordre des avocats au barreau de PERIGUEUX ;

Aux motifs propres que « Maître X... saisit aussi la Cour d'une requête en suspicion légitime contre les rapporteurs qui avaient participé au vote du 13 janvier 2006 autorisant le Bâtonnier à exercer des poursuites correctionnelles, mais, par arrêt du 27 février 2006, la Cour considérait que cette circonstance ne permettait pas de retenir un parti pris sur la culpabilité » (arrêt, p. 4 § 1) ;

Aux motifs encore que « le Conseil de l'Ordre a siégé le 13 janvier 2006 dans sa composition alors régulière ; Que les délibérations qu'il a prises à cette date ne sont donc pas affectées par l'annulation ultérieure de l'élection d'une partie de ses membres ; Que par arrêt du 27 février 2006 la cour a rejeté la requête en suspicion légitime concernant les rapporteurs désignés et a fait expressément référence à la décision du Conseil de l'Ordre du 13 janvier 2006 d'engager une procédure pénale pour fraude électorale ; Que la désignation des rapporteurs ne peut donc à nouveau être critiquée pour ce motif ; Que la circulaire distribuée par l'associé d'un rapporteur ne concerne que lui-même et ne peut affecter l'impartialité de ce dernier » (arrêt, p. 9 et 10) ;

Et aux motifs adoptés de la décision entreprise que « il n'est pas contesté que le Bâtonnier Y... et Maître Z... ont été désignés par le Conseil de l'Ordre le 13 janvier 2006 alors qu'ils n'étaient ni l'un ni l'autre issus du scrutin litigieux et deux mois avant que la Cour, par arrêt du 17 mars 2006, n'annule les résultats de l'élection contestée ; Que le Conseil de Discipline considère que le Conseil de l'Ordre était entré en fonction le 1er janvier 2006, que le recours en annulation des élections formées par Madame le Bâtonnier X... n'avait pas d'effet suspensif, que la désignation des rapporteurs était un acte de gestion courante des devoirs du Conseil de l'Ordre (article 17 2° de la loi : « concourir à la discipline dans les conditions prévues par l'article 22 à 25 de la présente loi et par les décrets visés à l'article 53 »), que, même en faisant abstraction des quatre nouveaux membres issus des élections contestées, les membres du Conseil de l'Ordre étaient en nombre suffisant pour respecter le quorum nécessaire à une délibération valable, qu'enfin, la Cour de Bordeaux, saisie par Madame le Bâtonnier X... d'une requête en suspicion légitime à l'égard des deux rapporteurs l'a rejetée par arrêt 06 / 00619 du 27 février 2006 » (décision entreprise, p. 5) ;

Et que « après avoir rappelé le principe fondamental du droit au procès équitable-auquel tout avocat est viscéralement attaché, Madame le Bâtonnier X... exprime ses inquiétudes quant à un défaut d'impartialité des rapporteurs dans l'exécution de leur mission ; Qu'elle estime que ses appréhensions sont objectivement fondées en particulier à raison de la participation du Bâtonnier Y... et de Maître Z... à la réunion du Conseil de l'Ordre du 13 janvier 2006 où il a été décidé d'engager à son encontre une poursuite pénale ; Qu'elle en veut aussi pour preuve la diffusion générale, sur papier à en-tête de la SCP Y...- E... d'une lettre du 23 mars 2006 contenant à son égard des accusations de « tricherie éhontée et flagrante » ; Que le Conseil de Discipline, lui-même soucieux d'assurer à Madame le Bâtonnier X... un procès équitable, ne retient pas, pour autant, les griefs qu'elle forme contre les rapporteurs pour demander l'annulation de leurs opérations d'instruction ; Qu'en effet, l'obligation d'impartialité est le devoir primordial de la juridiction de jugement, c'est-à-dire du Conseil de Discipline mais les enquêteurs ou rapporteurs désignés par l'organe de poursuite ou le Conseil de l'Ordre dont dépend l'avocat poursuivi ne constituent pas, eux, une juridiction de jugement ; Que la lettre du 23 mars 2006, dont les termes violents sont très critiquables, si elle est écrite sur un papier à en-tête de la SCP Y...- E... n'a pas été rédigée dans le cadre de l'activité professionnelle de cette société ; Qu'elle n'engage que Maître E..., son signataire ; Qu'elle ne peut pas constituer une cause de suspicion légitime à l'égard du Bâtonnier Y... qui ne l'a pas signée » (décision entreprise, p. 5 et 6) ;

1) Alors que l'annulation a un effet rétroactif ; qu'en retenant que les délibérations prises par le Conseil de l'Ordre n'étaient pas affectées par l'annulation ultérieure de l'élection d'une partie de ses membres, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 12 du décret du 27 novembre 1971 ;

2) Alors qu'en retenant, par motifs adoptés de la décision entreprise, que le recours en annulation des élections n'avait pas d'effet suspensif, que la désignation des rapporteurs était un acte de gestion courante et que, même en faisant abstraction des quatre nouveaux membres issus des élections annulées, les membres du Conseil de l'Ordre étaient en nombre suffisant pour respecter le quorum nécessaire à une délibération valable, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a partant privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 12 du décret du 27 novembre 1971 ;

3) Alors qu'en retenant que, dans son arrêt du 27 février 2006, la cour d'appel avait rejeté la requête en suspicion légitime concernant les rapporteurs désignés en faisant « expressément référence à la décision du Conseil de l'Ordre du 13 janvier 2006 d'engager une procédure pénale pour fraude électorale » quand cette décision ne comporte nulle référence à cette délibération du 13 janvier 2006 mais se réfère exclusivement à celle du 20 décembre 2005, la cour d'appel a dénaturé cette décision, en violation de l'article 1134 du code civil ;

4) Alors que, pour les mêmes raisons, elle en a méconnu l'autorité de la chose jugée en violation de l'article 1351 du code civil ;

5) Alors que les membres du conseil de l'ordre qui participent à la délibération autorisant le bâtonnier à citer directement l'avocat poursuivi disciplinairement devant le tribunal correctionnel ne peuvent, sauf à méconnaître l'exigence d'impartialité, être désignés en qualité de rapporteur dans la procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de cet avocat ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les articles 188 et 189 du décret du 27 novembre 1991, l'article 388 du code de procédure pénale et l'article 6 de la CEDH ;

6) Alors que l'exigence d'impartialité s'apprécie objectivement ; qu'elle implique que le justiciable ne puisse nourrir de doute objectivement justifié sur l'impartialité du juge ; que la lettre circulaire déclarant stigmatiser « l'attitude de Madame X..., qui s'est livrée à une tricherie éhontée et flagrante par-devant 47 de ses confrères le 16 décembre 2005 », rédigée à l'en-tête de la SCP Y...- E..., constituait une cause permettant objectivement de douter de l'impartialité du rapporteur Y... ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 6 de la CEDH ;

7) Alors que l'exigence d'impartialité s'apprécie objectivement ; qu'elle implique que le justiciable ne puisse nourrir de doute objectivement justifié sur l'impartialité du juge sans qu'il soit nécessaire d'établir la partialité subjective de ce dernier ; qu'en se bornant à rechercher si la lettre, signée de son associé, engageait effectivement le rapporteur ENGEL sans rechercher si, rédigé sur le papier à en-tête de son cabinet, elle n'était pas de nature à faire naître un doute objectivement justifié sur son impartialité, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la CEDH ;

8) Alors que l'impartialité s'apprécie également subjectivement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé (conclusions, p. 19), si les doutes objectivement justifiés de l'exposante sur l'impartialité des rapporteurs n'étaient pas confirmés par la violation manifeste du principe de la contradiction qu'ils avaient commise en menant plus de quarante auditions sans appeler l'avocat poursuivi à y assister, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la CEDH ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt de l'arrêt du 21 décembre 2007 d'avoir, à l'exception des auditions auxquelles les rapporteurs ont procédé sans avoir appelé Maître X..., validé le rapport d'instruction et d'avoir, en conséquence, jugé régulière la saisine du Conseil de discipline et déclaré Madame X... coupable d'avoir, le 16 décembre 2005, altéré les résultats de premier tour de l'élection des membres du Conseil de l'Ordre en proclamant d'autres noms (en particulier le sien) et d'avoir, pour ces faits, prononcé la radiation de Madame X... du tableau de l'Ordre des avocats au barreau de PERIGUEUX ;

Aux motifs propres que « le Bâtonnier a été témoin des faits ; Que son audition en tant que personne susceptible d'éclairer l'instruction est donc régulière ; Qu'en revanche, l'article 189 du décret du 27 novembre 1991 imposait aux rapporteurs de procéder à des auditions contradictoires, l'avocat poursuivi devant donc nécessairement y être appelé ; Que, faute par eux d'avoir appelé Maître X... à ces auditions, celles-ci sont nulles ; Que cette nullité n'affecte pas le rapport lui-même qui ne se limite pas à ces auditions ; Que le moyen tiré de ce que les avocats n'ont pas expressément désigné leurs votes est sans intérêt dès lors que leurs dépositions sont déjà frappées de nullité pour une autre cause ; Que l'huissier appelé à faire des constatations au soir de l'élection du 16 décembre 2005 a instrumenté régulièrement au regard de l'heure où il a procédé qui est indifférente à la validité de telles opérations ; Que l'annulation des auditions de témoins auxquelles les rapporteurs ont procédé n'affecte pas leur rapport en tout ce que celui-ci ne concerne pas lesdites auditions ; Que le Conseil de Discipline a donc été régulièrement saisi d'un rapport et la cour doit évoquer le fond » (arrêt attaqué, p. 10) ;

Et aux motifs adoptés que « Madame le Bâtonnier X... reproche aux rapporteurs d'avoir entendu en qualité de témoin le Bâtonnier en exercice qui était l'organe de poursuite. Elle estime que ceci entacherait de nullité non seulement son audition mais toute l'instruction ; Qu'il est certes exact que dans le PV de son audition, le Bâtonnier en exercice a porté sur l'ensemble du dossier un jugement extrêmement sévère ; Que, toutefois, en participant à l'assemblée générale du 16 décembre 2005, il avait bien été témoin de faits qu'il était en droit de rapporter, en dépit de ce qu'il était devenu, le 1er janvier 2006, l'organe de poursuite de la procédure disciplinaire ; Que, si, dans le droit disciplinaire aujourd'hui en vigueur dans la profession d'avocat, les fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement sont clairement isolées les unes des autres, aucun texte ni aucun principe n'interdit au rapporteur-organe d'instruction-d'entendre le Bâtonnier organe de poursuite ; Qu'au surplus, l'audition du Bâtonnier A... n'est pas un élément particulièrement déterminant de l'instruction par rapport aux très nombreuses déclarations recueillies auprès d'autres membres du Barreau de Périgueux qui avaient assisté à l'assemblée générale du 16 décembre 2005. A elle seule, sa déclaration n'est pas de nature à emporter la conviction du Conseil de Discipline … ; Que le grief fait à l'huissier d'être intervenu pour recevoir et conserver les bulletins litigieux à une heure tardive de la soirée où il ne « pouvait évidemment vaquer », il est sans fondement juridique ; Qu'en effet, la restriction des horaires d'intervention (de 21 heures à 06 heures) ne s'applique qu'aux significations (article 664 du NCPC) et aux exécutions (articles 508 du NCPC et 28 de la loi du 9 juillet 1991) » (décision entreprise, p. 8 et 9) ;

1) Alors que l'instance disciplinaire statue par décision motivée, après instruction contradictoire ; que le conseil de l'ordre désigne l'un de ses membres pour procéder à l'instruction contradictoire de l'affaire ; qu'en l'état de l'annulation qu'elle prononçait de plus de quarante auditions auxquelles l'exposante n'avait pas été appelée, la cour d'appel ne pouvait qu'en déduire, sauf à s'abstenir de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, que la procédure disciplinaire n'avait pas fait l'objet d'une instruction contradictoire ; qu'en refusant cependant de prononcer la nullité de la procédure d'instruction et du rapport établi à son issue, la cour d'appel a violé l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971 et les articles 188, 189 et 191 du décret du 27 novembre 1991, ensemble l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 de la CEDH ;

2) Alors que l'annulation d'actes de l'instruction disciplinaire entraîne la nullité des actes subséquents dont ils sont le support nécessaire ; qu'en l'espèce, le rapport s'appuie sur les « dépositions concordantes des deux scrutateurs, mais aussi Me B..., secrétaire de l'assemblée générale, ainsi que de plusieurs confrères membres de l'assemblée » (Rapport, p. 3, § 1), sur les « témoignages concordants » (Rapport, p. 3, § 2), sur ce que « soulignent d'autres témoins entendus » (Rapport, p. 3, § 4), sur les « dépositions concordantes des deux scrutateurs » (Rapport, p. 3, § 5 et 6), sur les « points confirmés par Madame B... » (Rapport, p. 3, § 7), sur les « témoignages concordants des confrères » (Rapport, p. 3, § 9), sur ce qui « ressort de tous les témoignages » (Rapport, p. 4, § 8), sur ce qui « résulte des témoignages concordants » (Rapport, p. 4, § 9), sur ce les « témoins relatent » (Rapport, p. 5, § 5 et 6), sur ce qui résulte des « témoignages concordants de tous les témoins » (Rapport, p. 6, § 2, n° 5) ; qu'après un rappel de procédure (Rapport, p. 6 à 9) il fait état de ce qu'au titre « des opérations d'instruction », il a été « procédé à l'audition des membres du bureau de l'assemblée générale du 16 décembre 2005 ainsi que de Me C..., président de l'union des jeunes avocats » et à « l'audition des confrères présents lors de l'assemblée générale et / ou reconnaissance de bulletins », opérations dont le rapport décrit l'organisation et les résultats (Rapport, p. 10 et 11) ; qu'il se fonde encore sur ce que « les témoins sont unanimes à exposer » et sur ce que « certains témoins exposent » (Rapport, p. 13, n° 1) ; qu'il se fonde sur les opérations de « reconnaissance des bulletins par les votants » (Rapport, p. 13, n° 2), sur le « témoignage de M. G... » (Rapport, p. 13 et 14, n° 2, a), qu'il fait encore état de ce que « les témoins sont formels » (Rapport, p. 14, § 3) ; qu'il se fonde encore sur les opérations de « reconnaissance par les votants de leurs bulletins » (Rapport, p. 15) ; qu'en conclusion, il s'appuie sur « les témoignages recueillis auprès de plus de quarante des confrères présents lors des opérations de vote litigieuses », fait état de ce que « certains confrères ont livré aux rapporteurs leur opinion personnelle » et de ce « qu'aucun confrère ne confirmait pas avoir été informé que Madame X... comptait quitter Périgueux » (rapport, p. 15) ; qu'il en résulte que le rapport d'instruction avait pour support nécessaire la quarantaine d'auditions annulées ; qu'en refusant cependant d'en prononcer l'annulation, la cour d'appel a violé l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971 et les articles 188, 189 et 191 du décret du 27 novembre 1991, ensemble l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 de la CEDH ;

3) Alors en toute hypothèse qu'en se bornant, pour retenir que la nullité des auditions ne devait pas entraîner la nullité du rapport, à relever que cette nullité « n'affect ait pas le rapport lui-même qui ne se limite pas à ces auditions », la cour d'appel, qui a statué par voie de pure affirmation et qui s'est abstenue de toute recherche concrète sur le caractère essentiel, au sein du rapport, des auditions annulées, a en tout état de cause privé sa décision de base légale au regard de l'article 23 de la loi du 31 décembre 1971 et des articles 189 et 191 du décret du 27 novembre 1991, ensemble l'article 16 du code de procédure civile et l'article 6 de la CEDH ;

4) Alors que l'huissier ne peut instrumenter avant 6 heures et après 21 heures si ce n'est en vertu de la permission du juge en cas de nécessité ; que cette règle s'applique non seulement aux significations et aux exécutions mais également aux constats ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1er bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ensemble les articles 508 et 664 du code de procédure civile ;

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt de l'arrêt du 21 décembre 2007 d'avoir déclaré Madame X... coupable d'avoir, le 16 décembre 2005, altéré les résultats de premier tour de l'élection des membres du Conseil de l'Ordre en proclamant d'autres noms (en particulier le sien) et d'avoir, pour ces faits, prononcé la radiation de Madame X... du tableau de l'Ordre des avocats au barreau de PERIGUEUX ;

Aux motifs que « qu'il résulte des éléments d'appréciation régulièrement versés aux débats que Madame X... a lu en dépouillant les bulletins que 56 voix s'étaient portées sur elle ; Qu'elle a déposé les bulletins sur un siège placé derrière elle, ainsi que cela résulte du témoignage de Maître H... contradictoirement recueilli par le tribunal correctionnel de POITIERS ; Qu'aucun témoignage recueilli par cette juridiction, et pas davantage la relation de Madame X... devant les rapporteurs comme dans ses écritures devant la cour, n'établissent qu'une substitution des bulletins se soit alors produite sur une estrade surélevée placée au vu de toute l'assemblée ; Que ce sont donc bien les mêmes bulletins qui ont été pris par Maître G... pour les déposer dans la sacoche de Maître B..., ainsi que Maître X... l'indique elle-même dans ses écritures ; Que ces mêmes bulletins sont ceux qui ont été extraits de la sacoche et ont fait l'objet des 2ème et 3ème comptages ; Qu'en effet, nul ne soutient ni, a fortiori, ne rapporte la preuve que d'autres bulletins que ceux qui ont été ainsi retirés de la sacoche de Maître B..., aient pu faire l'objet des 2ème et 3ème comptages ; Qu'ainsi, la preuve est rapportée que la lecture de ces mêmes bulletins par Maître X... a été falsifiée par elle ; Que ce comportement frauduleux, contraire à l'honneur et à la probité, gravissime de la part d'un Bâtonnier, et aggravé encore par l'obstination persistante depuis deux ans à nier l'évidence, ce qui exclut toute possibilité d'indulgence, ne peut être justiciable que de la radiation de l'avocat qui en a été l'auteur ; Que c'est donc à juste raison que le Conseil de Discipline a prononcé cette sanction » (arrêt attaqué, p. 10 et 11) ;

1) Alors qu'il appartenait à l'autorité de poursuite d'établir avec certitude la réalité des faits reprochés à Madame X... et non à celle-ci de rapporter la preuve qu'une substitution avait été opérée ;

qu'en lui reprochant de ne pas établir « qu'une substitution des bulletins se soit produite », la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, violé l'article 1315 du code civil, les articles 183 et 184 du décret du 27 novembre 1991, la présomption d'innocence et l'article 6 de la CEDH ;

2) Alors que Madame X... n'a jamais indiqué dans ses écritures que c'étaient bien les « mêmes bulletins », déposés sur un siège placé derrière elle, qui avaient ensuite été pris par Maître G... pour les déposer dans la sacoche de Maître B... ; qu'en le retenant néanmoins, la cour d'appel a dénaturé ses écritures et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3) Alors en tout état de cause que la défense est libre ; que le juge ne peut se fonder sur le choix d'un système de défense pour déterminer la sanction qu'il prononce à l'encontre d'un avocat poursuivi disciplinairement ; que, pour prononcer la radiation de l'exposante, la cour d'appel retient que son comportement est aggravé par son obstination persistante depuis deux ans à nier l'évidence ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe du respect des droits de la défense, les exigences du procès équitable et violé l'article 6 de la CEDH.

Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par le procureur général près la cour d'appel de Bordeaux.

C'est pourquoi le pourvoi, fondé sur le moyen unique suivant, a été formé :

pour violation de la loi par fausse interprétation et fausse application des articles 189 alinéa 2 et 277 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat,

en ce que la Cour d'appel de Bordeaux a déclaré nulles les auditions auxquelles il a été procédé dans le cadre de la procédure disciplinaire suivie contre Madame Claire X...,

aux motifs que l'article 189 du décret du 27 novembre 1991 imposait aux rapporteurs de procéder à des auditions contradictoires, l'avocat poursuivi devant donc nécessairement y être appelé ;

alors que, d'une part, l'article 189 du décret du 27 novembre 1991 n'impose pas au rapporteur d'entendre les personnes susceptibles de contribuer à la manifestation de la vérité en présence de l'avocat poursuivi mais lui en donne le pouvoir en lui laissant la liberté d'en décider ; qu'en annulant les auditions n'ayant pas eu lieu en présence de l'avocat poursuivi ou celui-ci appelé, la Cour a donc violé ces dispositions ;

et alors que, d'autre part, la subsidiarité des règles de procédure civile ne joue qu'en l'absence de dispositions spéciales ; qu'en assimilant les pouvoirs du rapporteur à ceux du juge en matière d'enquête civile définis aux articles 204 et suivants du code de procédure civile, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 277 du décret du 27 novembre 1991.



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Cette décision est visée dans la définition :
Bâtonnier


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.