par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 20 mai 2009, 08-12820
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
20 mai 2009, 08-12.820

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Avocat
Forme




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 6 décembre 2007) que suivant " compromis de vente " du 24 avril 2003, la société civile immobilière Majovi (la SCI) a vendu un immeuble à M. X..., auquel s'est substituée la société Trans Bati ; que l'acte authentique devait être signé au plus tard le 31 juillet 2003 et qu'à défaut l'assignation en vente forcée devait intervenir au plus tard le 31 août 2003 ; que le 29 juillet 2003 la SCI ne s'est pas présentée chez le notaire et que le 31 juillet 2003 la société Trans Bati a délivré assignation à la société Majovi, déposée au greffe du tribunal le 17 septembre 2003 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de déclarer l'exception de nullité de l'assignation irrecevable, alors, selon le moyen, qu'est entachée d'une irrégularité de fond, l'assignation délivrée par une partie représentée par deux avocats ; qu'en énonçant que l'assignation comportant la mention
" pour la demanderesse, Y. Y... et Th. Z..., avocats au barreau de Mulhouse " est atteinte d'une nullité de forme n'affectant ni la capacité ni le pouvoir du représentant au motif que les deux représentants désignés sont tous deux avocats inscrits au barreau de Mulhouse, sans constater que si chacun des deux avocats aurait eu la capacité de représenter une partie en justice, les deux, constitués ensemble, pour la même personne, telle une entité unique, en sont dépourvus, la cour d'appel a violé ensemble les articles 117, 414 et 752 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'assignation comportait la mention " pour la demanderesse, Y. Y... et Th. Z..., avocats au barreau de Mulhouse " sans précision relative à celui des deux conseils qui se constituait pour la SCI, la cour d'appel, qui a exactement retenu qu'il s'agissait d'une irrégularité de forme dès lors qu'elle n'affectait ni la capacité ni le pouvoir du représentant, en a déduit, à bon droit, que l'exception de nullité de l'assignation, soulevée après défense au fond, était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de constater la perfection de la vente entre la société Trans Bati et la Société civile immobilière Majovi, alors, selon le moyen :

1° / que la clause du " compromis " intitulée " réitération authentique " prévoit que si l'une des parties refuse de réitérer la vente le 31 juillet 2003, l'autre pourra saisir le tribunal afin de faire constater la vente par décision de justice dans un délai d'un mois ; qu'en constatant tout à la fois que ce délai avait été dépassé par la société Trans Bati dont l'assignation n'avait été déposée au greffe que le 17 septembre 2003, soit postérieurement à l'expiration du délai d'un mois susvisé tout en refusant de sanctionner le dépassement de ce délai au motif que les parties n'auraient pas renoncé au délai de six mois prévu par l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 tandis qu'il résulte de cette clause que les parties n'ont fait référence à l'article 42 que dans l'hypothèse où elles seraient d'accord pour réitérer la vente et que, si l'une des parties refuse de signer l'acte authentique le 31 juillet 2003, l'autre partie est alors enfermée dans le délai d'un mois pour saisir le tribunal ; qu'en considérant que les parties n'avaient pas renoncé à l'article 42 dans l'hypothèse du refus de l'une d'elles de signer l'acte authentique, la cour d'appel a dénaturé la convention des parties en violation de l'article 1134 du code civil ;

2° / que les juges sont tenus de rechercher les circonstances de nature à démontrer que les parties ont fait d'une modalité de réitération d'un acte de vente sous seing privé, un élément constitutif de leur consentement ; qu'en énonçant qu'aucune sanction n'est attachée conventionnellement à l'expiration du délai d'un mois prévu par les parties pour saisir le tribunal, après avoir constaté que le " compromis de vente " prévoyait que la date du 31 juillet 2003 " date extrême de réitération authentique des présentes n'est pas extinctive, mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter ", sans rechercher s'il ne résultait pas de cette clause que les parties avaient entendu faire de la saisine du tribunal dans ce court délai une condition essentielle de leur engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1589 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les parties admettaient de fixer le point de départ du délai pour agir en justice au 31 juillet 2003, que si l'assignation avait été signifiée le 31 juillet 2003 et n'avait été déposée au greffe que le 17 septembre 2003, soit postérieurement à l'expiration du délai d'un mois, aucune sanction n'était attachée conventionnellement à l'expiration de ce délai alors que les parties n'avaient pas renoncé au délai de six mois prévu par l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 applicable en Alsace-Moselle, la cour d'appel en a déduit, par une interprétation souveraine excluant par sa nécessité toute dénaturation, que la saisine du tribunal intervenue dans le délai de six mois de la date de la promesse était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Majovi aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Majovi à payer à la société Trans Bati la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Majovi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mai deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour la société Majovi,

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation,

AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions de l'article 752 du nouveau Code de procédure civile l'assignation doit, à peine de nullité, contenir la constitution de l'avocat du demandeur ; Que l'article 414 du même code dispose par ailleurs qu'une partie n'est admise à se faire représenter que par une seule des personnes physiques ou morales habilitées par la loi ; Qu'en l'espèce, l'assignation comporte la mention « pour la demanderesse Y. Y... et Th. Z..., avocats au barreau de Mulhouse » ; Qu'en l'absence de précision quant à celui des deux conseils qui se constitue pour la demanderesse, l'assignation est atteinte de nullité ; Qu'il s'agit toutefois d'une nullité de forme, l'irrégularité n'affectant ni la capacité ni le pouvoir du représentant, les deux représentants désignés étant tous deux avocats inscrits au barreau de Mulhouse (Paris, 10 juillet 1984, Gaz. Pal. 1984. 2. somm. 293, Civ. 2è, 1er février 2006) ; Qu'au terme des dispositions de l'article 112 du nouveau Code de procédure civile, la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non recevoir sans soulever la nullité ; Qu'il convient de constater que la SCI Majovi n'a soulevé l'exception que le 15 juin 2004 après avoir conclu au fond le 17 février 2004, de sorte qu'elle est irrecevable à se prévaloir de la nullité de forme affectant l'assignation ; Qu'il a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nulle l'assignation,

ALORS QU'est entachée d'une irrégularité de fond, l'assignation délivrée par une partie représentée par deux avocats ; qu'en énonçant que l'assignation comportant la mention « pour la demanderesse, Y. Y... et Th. Z..., avocats au barreau de Mulhouse », est atteinte d'une nullité de forme n'affectant ni la capacité ni le pouvoir du représentant au motif que les deux représentants désignés sont tous deux avocats inscrits au barreau de Mulhouse, sans constater que si chacun des deux avocats aurait eu la capacité de représenter une partie en justice, les deux avocats, constitués ensemble pour la même personne, telle une entité unique, en sont dépourvus, la cour d'appel a violé ensemble les articles 117, 414 et 752 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que la vente conclue entre la société Trans Bati et la société Majovi selon compromis de vente du 24 avril 2003 portant sur un immeuble sis 43 avenue Clémenceau à Mulhouse est parfaite, et en conséquence, d'avoir condamné la société Majovi à signer l'acte authentique de vente en l'étude de Maître A..., notaire, aux conditions prévues par le compromis de vente du 24 avril 2003 dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, dit qu'à défaut de réitération de la vente par acte authentique dans le délai ci-dessus imparti le présent arrêt vaudra acte de vente de l'immeuble en litige et d'avoir débouté la société Majovi de sa demande de radiation de la mention de la restriction au droit de disposer inscrite au Livre Foncier à la demande de la société Trans Bati,

AUX MOTIFS QUE s'agissant de la réitération de la vente par acte authentique, le compromis de vente comporte la clause suivante : « En cas de réalisation des conditions suspensives ci-dessus stipulées la signature de l'acte authentique de vente aura lieu au plus tard le 31 juillet 2003 par le ministère de Maître Sabine A..., notaire à Mulhouse, moyennant le paiement du prix et des frais par chèque de banque à l'ordre du rédacteur. Les conditions suspensives indiquées sous le titre « conditions suspensives » devront être réalisées au plus tard le 21 juillet 2003. La date extrême de réitération authentique des présentes n'est pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter. Toutefois, le présent compromis sera caduc de plein droit, à défaut de réalisation des présentes par acte authentique devant intervenir au plus tard dans les six mois à compter des présentes, conformément à l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 applicable en Alsace-Moselle … Si l'une des parties vient à refuser de réitérer la présente vente, l'autre pourra invoquer le bénéfice de la clause pénale, ou saisir le tribunal compétent afin de faire constater la vente par décision de justice, la partie défaillante supportant les frais de justice, le tout dans le délai d'un mois de la date indiquée en tête du présent paragraphe ou de la date, si elle est postérieure, à laquelle auront été réunis tous les éléments nécessaires à la perfection de l'acte, et cette partie devra en outre payer à son cocontractant, le montant de la clause pénale stipulée aux présentes, nonobstant tous dommages-intérêts » ; Qu'il est admis par les parties que le point de départ du délai d'un mois pour agir est le 31 juillet 2003 ; Que si l'assignation a été signifiée le 31 juillet 2003, elle n'a toutefois été déposée au greffe que le 17 septembre 2003, soit postérieurement à l'expiration du délai d'un mois susvisé ; Qu'il convient toutefois d'observer qu'aucune sanction n'est attachée conventionnellement à l'expiration de ce délai, les parties n'ayant par ailleurs pas entendu renoncer au délai de six mois prévu par l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 auquel elles font expressément référence ; Que la saisine du tribunal étant intervenue dans le délai de six mois du compromis conformément à l'article 42 susvisé, est par conséquent recevable et le moyen devra être rejeté,

ALORS QUE D'UNE PART, la clause du compromis intitulé " réitération authentique " prévoit que si l'une des parties refuse de réitérer la vente le 31 juillet 2003, l'autre pourra saisir le tribunal afin de faire constater la vente par décision de justice dans un délai d'un mois ; qu'en constatant tout à la fois que ce délai avait été dépassé par la société Trans Bati dont l'assignation n'avait été déposée au greffe que le 17 septembre 2003 soit postérieurement à l'expiration du délai d'un mois susvisé tout en refusant de sanctionner le dépassement de ce délai au motif que les parties n'auraient pas renoncé au délai de six mois prévu par l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 tandis qu'il résulte de cette clause que les parties n'ont fait référence à l'article 42 que dans l'hypothèse où elles seraient d'accord pour réitérer la vente et que, si l'une des parties refuse de signer l'acte authentique le 31 juillet 2003, l'autre partie est alors enfermée dans le délai d'un mois pour saisir le tribunal ; qu'en considérant que les parties n'avaient pas renoncé à l'article 42 dans l'hypothèse du refus de l'une d'elles de signer l'acte authentique, la Cour a dénaturé la convention des parties en violation de l'article 1134 du Code Civil.

ALORS QU'ENFIN les juges sont tenus de rechercher les circonstances de nature à démontrer que les parties ont fait d'une modalité de réitération d'un acte de vente sous seing privé, un élément constitutif de leur consentement ; Qu'en énonçant qu'aucune sanction n'est attachée conventionnellement à l'expiration du délai d'un mois prévu par les parties pour saisir le tribunal, après avoir constaté que le « compromis de vente » prévoyait que la date du 31 juillet 2003, « date extrême de réitération authentique des présentes n'est pas extinctive, mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter », sans rechercher s'il ne résultait pas de cette clause que les parties avaient entendu faire de la saisine du tribunal dans ce court délai, une condition essentielle de leur engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1589 du Code civil.



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