par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 8 juillet 2009, 08-60595
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Cour de cassation, chambre sociale
8 juillet 2009, 08-60.595

Cette décision est visée dans la définition :
Délégué syndical




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Bayonne, 17 décembre 2008), que M. X..., engagé en 1995 par la société Kicible aux droits de laquelle vient la société Adrexo, a été promu chef de centre technique par avenant au contrat de travail du 11 septembre 2006 ; que le syndicat national des cadres et techniciens de la publicité et de la promotion CFE CGC (le syndicat) l'a désigné délégué syndical de ce centre le 20 octobre 2008 ;

Attendu que la société Adrexo fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de cette désignation alors, selon le moyen :

1°/ que ne peut exercer un mandat de délégué syndical le salarié qui dispose d'une délégation particulière écrite d'autorité lui permettant d'être assimilé au chef d'entreprise ; qu'il s'en évince que, dès lors que l'employeur a délégué par écrit certaines de ses prérogatives à un salarié, permettant ainsi qu'il soit assimilé aux yeux des autres salariés au mandataire de l'employeur, ce salarié ne peut bénéficier d'un mandat de délégué syndical, peu important qu'il ne dispose pas d'une totale autonomie décisionnelle et ne puisse prendre seul toutes les décisions relevant du pouvoir de l'employeur ; qu'en l'espèce, en décidant le contraire, le tribunal
d'instance a violé l'article L. 2143 1 du code du travail (ancien article L. 412 14) ;

2°/ que ne peut exercer un mandat de délégué syndical le salarié qui dispose d'une délégation particulière écrite d'autorité lui permettant d'être assimilé au chef d'entreprise ; qu'à cet égard, le salarié qui s'est vu déléguer par l'employeur plusieurs de ses prérogatives, en matière de recrutement, d'établissement des contrats de travail, de tenue des entretiens disciplinaires, d'organisation du travail et de sécurité, peut être assimilé à l'employeur ; qu'il importe peu, à ce titre, qu'il ne dispose pas, en vertu de la délégation particulière d'autorité qu'il a reçue, d'une autonomie décisionnelle de nature à caractériser une délégation de pouvoir, au sens de celle emportant transfert de la responsabilité pénale du chef d'entreprise ; qu'en l'espèce, en se déterminant comme il l'a fait, aux motifs inopérants que la délégation de pouvoir s'apparentait plus à une délégation de responsabilité, et que M. X... ne disposait pas d'une plénitude de décision propre, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143 1 du code du travail (ancien article L. 412 14) ;

3°/ que ne peut exercer un mandat de délégué syndical le salarié qui dispose d'une délégation particulière écrite d'autorité lui permettant d'être assimilé au chef d'entreprise ; que cette assimilation n'est pas subordonnée à la condition que le salarié détienne seul le pouvoir disciplinaire ; qu'en l'espèce, en se déterminant comme il l'a fait, au motif inopérant de l'absence de détention par M. X... du pouvoir disciplinaire, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143 1 du code du travail (ancien article L. 412 14) ;

4°/ qu'en outre, le tribunal a lui même constaté que, en matière disciplinaire, c'était le chef de centre qui faisait une demande de sanction au service du personnel ; qu'en estimant néanmoins que ce chef de centre ne disposait d'aucun pouvoir disciplinaire, sa seule prérogative consistant à mener les entretiens préalables, quand il ressortait des constatations précitées que le chef de centre, outre la tenue des entretiens, prenait l'initiative de susciter l'engagement d'une procédure disciplinaire, prérogative ne pouvant que l'assimiler à l'employeur aux yeux des autres salariés, le tribunal a violé l'article L. 2143 1 du code du travail (ancien article L. 412 14) ;

5°/ que ne peut exercer un mandat de délégué syndical le salarié mandataire de l'employeur qui représente ce dernier devant les institutions représentatives du personnel, notamment lorsqu'il préside les réunions de délégués du personnel de l'établissement ; que peu importe, à cet égard, que cela résulte d'une délégation particulière d'autorité ou d'un usage ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté par M. X... et le SNCTPP que le salarié présidait, en sa qualité de chef de centre technique, les réunions des délégués du personnel ; qu'en estimant néanmoins que M. X... pouvait être désigné comme délégué syndical, au motif inopérant qu'il ne représentait pas l'employeur devant les institutions représentatives aux termes d'une délégation expresse d'autorité ou d'un usage, le tribunal a violé l'article L. 2143 1 du code du travail (ancien article L. 412 14) ;

6°/ que M. X..., ni d'ailleurs le syndicat SNCTPP, ne contestait que le salarié présidait, en sa qualité de chef de centre technique, les réunions des délégués du personnel, mais se bornait à soutenir qu'il ne le faisait qu'en qualité d'intermédiaire, transmettant les questions posées à la direction sans pouvoir lui même directement y répondre ; qu'en affirmant cependant que M. X... ne représentait pas l'employeur devant les institutions représentatives du personnel, ni aux termes d'une délégation expresse d'autorité ni par usage, le tribunal a méconnu l'objet du litige, et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le tribunal, analysant les termes du contrat de travail de l'intéressé, a constaté que celui-ci lui confiait des attributions exercées sous l'autorité étroite de la direction, sans pouvoir disciplinaire, et opérait un transfert limité de responsabilité en cas d'infraction à la réglementation du travail ; qu'il en a exactement déduit que ce contrat qui se bornait à déterminer les attributions que l'intéressé tenait de sa position hiérarchique, n'emportaient pas de délégation écrite particulière d'autorité permettant d'assimiler le salarié au chef d'entreprise auprès du personnel ;

Et attendu ensuite que le tribunal, ainsi qu'il y était invité par les écritures des parties, a constaté qu'à la date de sa désignation, le salarié ne représentait pas effectivement l'employeur devant les délégués du personnel ;

Que le moyen qui manque en fait dans ses trois dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Adrexo à payer, au syndicat national des cadres et techniciens de la publicité et de la promotion CFG CGC SNCTPP et à M. X... la somme globale de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils de la société Adrexo

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté la société Adrexo de sa demande d'annulation de la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical,

AUX MOTIFS QUE ne peuvent exercer un mandat de représentation les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel (Soc., 12 juillet 2006) ; qu'en l'espèce, dans son contrat de travail du 11 septembre 2006, M. Serge X..., qui a la qualité de chef de centre technique, bénéficie d'une « clause de délégation de pouvoir » (article 7) pour lui permettre de veiller au respect de l'observation des lois, règlements et notes de service et le tenir pour personnellement responsable en cas d'infraction à la réglementation du travail, notamment en matière d'embauche et d'hygiène et sécurité ; que parmi ses attributions (article 9), M. X... se voit notamment confier la charge de recruter le personnel de distribution et de contrôle, surveiller la bonne exécution des distributions de journaux, prospectus etc… confiées au personnel de distribution, coordonner l'action du personnel de distribution et de contrôle, effectuer des contrôles réguliers sur les zones de distribution, établir les contrats de travail et les feuilles de route des distributeurs, organiser et coordonner les départs de distribution selon les instructions de Adrexo Sud Ouest ; que la clause de délégation de pouvoir s'assimile davantage à une délégation de responsabilité ; que les « conditions d'exécution du contrat » (article 6) prévoient que M. X... « devra se conformer strictement aux instructions qui lui sont données et rendre compte du résultat des missions qui lui sont confiées » ; que l'article 9 rappelle qu'il doit « exécuter les instructions fournies par la direction générale ou toutes autres personnes mandatées par la direction générale » et qu'il « respectera et appliquera les instructions, notes de service ou circulaires diffusées par la Direction générale ou son Directeur Général » ; que M. X... ne dispose donc d'aucune plénitude de décision propre à l'assimiler à l'employeur ; qu'il n'est qu'un animateur local des directives de la SAS Adrexo ; qu'il a fallu un procès-verbal du comité d'entreprise du 13 décembre 2007 pour qu'il soit plus clairement répondu aux interrogations du personnel quant à son pouvoir disciplinaire, ce à quoi il a été répondu que « le chef de centre fait une demande de sanction au service du personnel qui étudie le dossier et s'occupe de la procédure. Le chef de centre possède une délégation de pouvoir qui lui permet de mener les entretiens préalables. Il partage son pouvoir disciplinaire en collaboration avec le siège » ; qu'une telle réponse est précisément l'expression de l'absence de tout pouvoir disciplinaire du chef du centre, la seule prérogative consistant à mener les entretiens préalables à l'exclusion de toute autre initiative ne permettant pas de l'assimiler à l'employeur ; que par ailleurs, M. X... ne représente pas l'employeur devant les institutions représentatives du personnel, ni aux termes d'une délégation expresse d'autorité, ni par usage ; qu'il s'ensuit que la société Adrexo doit être déboutée de ses demandes ;

1°) ALORS QUE ne peut exercer un mandat de délégué syndical le salarié qui dispose d'une délégation particulière écrite d'autorité lui permettant d'être assimilé au chef d'entreprise ; qu'il s'en évince que, dès lors que l'employeur a délégué par écrit certaines de ses prérogatives à un salarié, permettant ainsi qu'il soit assimilé aux yeux des autres salariés au mandataire de l'employeur, ce salarié ne peut bénéficier d'un mandat de délégué syndical, peu important qu'il ne dispose pas d'une totale autonomie décisionnelle et ne puisse prendre seul toutes les décisions relevant du pouvoir de l'employeur ; qu'en l'espèce, en décidant le contraire, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2143-1 du code du travail (ancien article L. 412-14) ;

2°) ALORS QUE ne peut exercer un mandat de délégué syndical le salarié qui dispose d'une délégation particulière écrite d'autorité lui permettant d'être assimilé au chef d'entreprise ; qu'à cet égard, le salarié qui s'est vu déléguer par l'employeur plusieurs de ses prérogatives, en matière de recrutement, d'établissement des contrats de travail, de tenue des entretiens disciplinaires, d'organisation du travail et de sécurité, peut être assimilé à l'employeur ; qu'il importe peu, à ce titre, qu'il ne dispose pas, en vertu de la délégation particulière d'autorité qu'il a reçue, d'une autonomie décisionnelle de nature à caractériser une délégation de pouvoir, au sens de celle emportant transfert de la responsabilité pénale du chef d'entreprise ; qu'en l'espèce, en se déterminant comme il l'a fait, aux motifs inopérants que la délégation de pouvoir s'apparentait plus à une délégation de responsabilité, et que M. X... ne disposait pas d'une plénitude de décision propre, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-1 du code du travail (ancien article L. 412-14) ;

3°) ALORS QUE ne peut exercer un mandat de délégué syndical le salarié qui dispose d'une délégation particulière écrite d'autorité lui permettant d'être assimilé au chef d'entreprise ; que cette assimilation n'est pas subordonnée à la condition que le salarié détienne seul le pouvoir disciplinaire ; qu'en l'espèce, en se déterminant comme il l'a fait, au motif inopérant de l'absence de détention par M. X... du pouvoir disciplinaire, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2143-1 du code du travail (ancien article L. 412-14) ;

4°) ALORS QUE, en outre, le tribunal a lui-même constaté que, en matière disciplinaire, c'était le chef de centre qui faisait une demande de sanction au service du personnel ; qu'en estimant néanmoins que ce chef de centre ne disposait d'aucun pouvoir disciplinaire, sa seule prérogative consistant à mener les entretiens préalables, quand il ressortait des constatations précitées que le chef de centre, outre la tenue des entretiens, prenait l'initiative de susciter l'engagement d'une procédure disciplinaire, prérogative ne pouvant que l'assimiler à l'employeur aux yeux des autres salariés, le tribunal a violé l'article L. 2143-1 du code du travail (ancien article L. 412-14) ;

5°) ALORS QUE ne peut exercer un mandat de délégué syndical le salarié mandataire de l'employeur qui représente ce dernier devant les institutions représentatives du personnel, notamment lorsqu'il préside les réunions de délégués du personnel de l'établissement ; que peu importe, à cet égard, que cela résulte d'une délégation particulière d'autorité ou d'un usage ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté par M. X... et le SNCTPP que le salarié présidait, en sa qualité de chef de centre technique, les réunions des délégués du personnel ; qu'en estimant néanmoins que M. X... pouvait être désigné comme délégué syndical, au motif inopérant qu'il ne représentait pas l'employeur devant les institutions représentatives aux termes d'une délégation expresse d'autorité ou d'un usage, le tribunal a violé l'article L. 2143-1 du code du travail (ancien article L. 412-14) ;

6°) ALORS QUE M. X..., ni d'ailleurs le syndicat SNCTPP, ne contestait que le salarié présidait, en sa qualité de chef de centre technique, les réunions des délégués du personnel, mais se bornait à soutenir qu'il ne le faisait qu'en qualité d'intermédiaire, transmettant les questions posées à la direction sans pouvoir lui-même directement y répondre ; qu'en affirmant cependant que M. X... ne représentait pas l'employeur devant les institutions représentatives du personnel, ni aux termes d'une délégation expresse d'autorité ni par usage, le tribunal a méconnu l'objet du litige, et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.