par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 14 octobre 2009, 07-45587
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Cour de cassation, chambre sociale
14 octobre 2009, 07-45.587
Cette décision est visée dans la définition :
Salaire
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les trois moyens réunis :
Vu les articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-3, L. 3141-22 du code du travail et 16 de l'avenant cadres à la convention collective nationale du commerce succursaliste de la chaussure du 2 juillet 1968 ;
Attendu que n'a pas le caractère de salaire au sens des textes susvisés et ne doit pas être prise en compte dans l'assiette de calcul des indemnités de rupture et de l'indemnité minimale due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse une gratification bénévole dont l'employeur fixe discrétionnairement les montants et les bénéficiaires et qui est attribuée à l'occasion d'un événement unique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er octobre 2001 par la société Groupe André services devenue la société Vivarte services, en qualité de chef de projet ; qu'il a été licencié par lettre du 29 juin 2004 ; qu' il a saisi la juridiction prud'homale pour faire juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et, soutenant que le bonus exceptionnel de 75 000 euros qu'il avait perçu dans l'année précédant la rupture devait être pris en compte pour le calcul des indemnités dues par l'employeur en conséquence de son licenciement, obtenir des compléments d'indemnités ;
Attendu que pour allouer au salarié des compléments d'indemnités, l'arrêt retient qu'en l'espèce il a été décidé d'octroyer au management du groupe un complément exceptionnel de rémunération, dit bonus, en contrepartie de la perturbation qu'ils subiront et du surcroît de travail, des efforts et de la mobilisation qui leur seront demandés à fin de mener à bien l'opération particulièrement complexe consistant en la cession par une partie des actionnaires de leurs actions dans des conditions entraînant le dépôt d'une offre publique portant sur la totalité des actions de la société ; que cette décision constituait un engagement unilatéral de l'employeur qui lui est opposable ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le conseil d'administration de la société avait fixé discrétionnairement la liste des bénéficiaires ainsi que les montants des gratifications, et que celles-ci avaient été octroyées de façon exceptionnelle à l'occasion d'une opération de cession de capital, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions à l'exception de celles condamnant la société au paiement de 209,09 euros à titre d'indemnité de préavis et de 20,9 euros de congés payés afférents et de celle ordonnant à la société Vivarte services de rembourser les indemnités de chômage servies à M. X... dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 24 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme le jugement rendu le 11 juillet 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Blanc, avocat de la société Vivarte services ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, considérant que le bonus de 75.000 alloué à Monsieur X... en juin 2004 avait la nature d'un salaire, condamné la société Vivarte Services à lui payer les sommes de 102.637,66 à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.844 à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, 19.076,36 à titre d'indemnité de préavis, les congés payés y afférents et 8.364 à titre d'indemnité de congés payés ;
Aux motifs qu'au soutien de son appel sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié soutenait que le bonus de 75.000 perçu en juin 2004 devait être pris en compte dans le calcul du montant des salaires des six derniers mois d'activité au sens de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; que la société Vivarte Services soutenait que ce bonus exceptionnel qualifié de «libéralité» dont l'attribution était laissée à sa seule appréciation, n'avait pas le caractère d'un salaire ; qu'il résultait du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de la société Vivarte du 11 septembre 2003 que dans le but de mobiliser les compétences des principaux dirigeants et cadres du groupe pour qu'ils participent à l'opération de cession de tout ou partie du capital, il avait été décidé d'octroyer au management du groupe un complément exceptionnel de rémunération dit «bonus» «en contrepartie de la perturbation qu'ils subiront et du surcroît de travail, des efforts et de la mobilisation qui leur seront demandés afin de mener à bien cette opération particulièrement complexe», ce qui constituait un engagement unilatéral de l'employeur qui lui était opposable ; qu'ainsi le bonus de 75.000 versé en juin 2004 en contrepartie de son travail en exécution d'un tel engagement à Monsieur X..., dont il n'était pas contesté qu'il était sur la liste des bénéficiaires figurant à l'annexe du procès-verbal pour cette somme, constituait un élément de salaire à prendre en considération pour calculer l'indemnité minimum prévue par l'article L. 122-14-2 du Code du travail, peu important le mode de calcul prévu par la circulaire du 1er septembre 1967 concernant l'indemnité de licenciement ; que par suite, sur le fondement de ce texte dont il remplissait les conditions d'application et eu égard à l'indemnité minimale prévue par lui et devant être fixée à la somme de 102.637,66 , il convenait de lui allouer à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 102.637,66 ; que, sur le complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, Monsieur X... prenait à juste titre en compte dans le calcul de l'indemnité de licenciement, sur la base d'un salaire mensuel moyen de 10.958,79 des douze derniers mois ; qu'il résultait de l'article L. 122-8 alinéa 3 du Code du travail que la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le délai-congé ne devait entraîner jusqu'à l'expiration de ce délai, aucune diminution des salaires et avantages y compris l'indemnité de congés payés que le salarié aurait reçus s'il avait accompli son travail ; que la société Vivarte Services ayant dispensé Monsieur X... de l'exécution de son préavis, il y avait lieu de la condamner à payer au salarié la somme de 19.076,37 calculée en prenant en compte le salaire mensuel moyen de 10.958,79 à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que les congés incidents ; que Monsieur X... avait droit à une indemnité compensatrice de congés payés sur le bonus ;
Alors 1°) que ne constitue pas une rémunération devant rentrer dans l'assiette de calcul des indemnités de rupture, la gratification exceptionnelle allouée de manière subjective et discrétionnaire à certains salariés lors de la survenue d'un événement unique ; qu'en l'espèce, les bonus exceptionnels accordés à des salariés et dirigeants à l'occasion d'une cession du contrôle de l'entreprise, pour des montants variant de 50.000 à 750.000 , décidés discrétionnairement par l'employeur, avaient la nature d'une gratification bénévole ; que la cour d'appel ne pouvait donc décider que les indemnités de licenciement dues à Monsieur X... devaient être fixées en fonction, non seulement de ses salaires, mais en prenant en compte le bonus exceptionnel de 75.000 perçu en juin 2004 (violation des articles L. 121-1 et L. 122-14-4, L. 122-8 et L. 223-11 du Code du travail et 1134 du Code civil) ;
Alors 2°) que seule la nature intrinsèque et non la dénomination de la somme versée au salarié détermine sa qualification ; que la cour d'appel s'est fondée à tort sur le terme de «rémunération» évoqué par un membre du conseil d'administration lors de la réunion ayant arrêté l'octroi des bonus, qui ne suffisait pas à en déduire que ces sommes ne constituaient pas des gratifications bénévoles exceptionnelles mais des salaires (manque de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 122-14-4, L. 122-8 et L. 223-11 du Code du travail et 1134 du Code civil) ;
Alors 3°) que ni l'accord intervenu entre les membres du conseil d'administration sur le versement d'un bonus exceptionnel dont le principe et le montant sont arrêtés discrétionnairement, ni le versement effectif de ce bonus, ne caractérisent un engagement unilatéral de l'employeur ; que le versement par la société Vivarte Services d'un bonus de 75.000 à Monsieur X... arrêté de manière discrétionnaire par le conseil d'administration de la société Vivarte le 11 septembre 2003 ne permettait pas à la cour d'appel de déduire l'existence d'un engagement unilatéral de l'employeur (manque de base légale au regard des articles L. 121-1, L. 132-19 et L. 140. 1 du Code du travail).
Alors 4°) et en tout état de cause, que l'engagement unilatéral de l'employeur, qui ne peut être étendu au-delà des termes dans lesquels il est consenti, peut porter sur l'octroi d'une gratification exceptionnelle discrétionnaire qui n'a pas la nature d'un salaire devant rentrer dans l'assiette de calcul des indemnités de rupture ; que la circonstance, à la supposer établie, que le versement du bonus de 75.000 à Monsieur X... aurait eu pour cause un engagement unilatéral de la société Vivarte Services, ne permettait pas de déduire que la gratification avait la nature d'un salaire devant rentrer dans l'assiette de calcul des indemnités de rupture (manque de base légale au regard des articles L. 121-1, L. 122-14-4, L. 122-8 et L. 223-11 du Code du travail et 1134 du Code civil).
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir alloué à Monsieur X... les sommes de 19.076,36 à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1.907,63 au titre des congés payés y afférents ;
Aux motifs qu'en prenant en compte le bonus exceptionnel de 75.000 de juin 2004, le salaire mensuel moyen sur les douze derniers mois était de 10.958,79 (arrêt p. 5, 1er §) ; qu'il résultait de l'article L. 122-8 alinéa 3 du Code du travail que la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le délai-congé ne devait entraîner jusqu'à l'expiration de ce délai, aucune diminution des salaires et avantages ; que la société Vivarte Services ayant dispensé Monsieur X... de l'exécution de son préavis, il y avait lieu de la condamner à lui payer la somme de 19.076,37 calculée en prenant en compte le salaire mensuel moyen de 10.958,79 à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que les congés incidents ;
Alors que la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le délai-congé ne doit entraîner, jusqu'à l'expiration de ce délai, aucune diminution mais aucune augmentation des salaires et avantages y compris l'indemnité de congés payés que le salarié aurait reçus s'il avait accompli son travail ; que l'indemnité compensatrice de préavis doit donc correspondre aux salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant cette période ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que la société Vivarte avait alloué à Monsieur X... un bonus exceptionnel de 75.000 en juin 2004, la cour d'appel, en l'incluant dans le salaire de référence servant à calculer l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents pour retenir un salaire mensuel moyen de 10.958,79 sur les douze derniers mois, a octroyé au salarié au titre du préavis des salaires et avantages supérieurs à ceux qu'il aurait perçus s'il l'avait exécuté (violation de l'article L. 122-8 du Code du travail).
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir alloué à Monsieur X... la somme de 8.364 au titre de l'indemnité de congés payés ;
Aux motifs que le salarié soutenait qu'il avait droit à une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 10% des rémunérations variables perçues soit 3.840 et 4.800 en 2002 et 2003 et le bonus de 75.000 ; que si la société Vivarte Services soutenait que le bonus englobant indistinctement le temps de travail et temps de congé devait être exclu de l'assiette de calcul de l'indemnité de congé payés, dès lors qu'il s'agissait pour l'employeur de récompenser l'activité déployée personnellement par le salarié, les primes comme le bonus étaient assis sur le salaire des périodes travaillées à l'exclusion des périodes de congés ; que Monsieur X... avait donc droit à une indemnité compensatrice de congés payés sur le bonus de 75.000 ;
Alors que le bonus exceptionnel alloué discrétionnairement par l'employeur dans son principe et son montant ne rentre pas dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés (violation de l'article L. 223-11 du Code du travail).
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Salaire
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.