par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 14 octobre 2009, 08-42878
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Cour de cassation, chambre sociale
14 octobre 2009, 08-42.878

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Licenciement
Droit du Travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X...a été engagé en qualité de cariste magasinier le 20 avril 2000 par la société CMM aux droits de laquelle vient la société Point P ; qu'ayant été victime d'un accident du travail, il a été en arrêt de travail du 4 novembre 2002 au 1er septembre 2003 ; qu'à l'issue de la première visite de reprise le 5 septembre 2003, le médecin du travail a indiqué : " une inaptitude au poste est à prévoir. En attendant, M. X...peut être affecté à un poste excluant le port de charges supérieures à 10 kg. L'avis d'aptitude sera précisé à l'issue de la seconde visite " ; que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 12 septembre 2003 ; qu'il a été déclaré inapte à son poste de travail à l'issue de la seconde visite de reprise, le 22 septembre 2003, le médecin du travail précisant qu'" il pourrait être affecté à un poste excluant le port de charges supérieures à 10 kg " ; qu'il a envoyé le même jour un courrier à son employeur " annulant et remplaçant " celui du 12 septembre 2003, lui demandant de tirer toutes conséquences des conclusions de la visite médicale du 22 septembre et lui rappelant la durée de son préavis en raison de son statut de travailleur handicapé ; qu'il a été licencié pour faute grave, le 9 octobre 2003, et a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir requalifié en démission la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail du 12 septembre 2003 et de l'avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :

1° / qu'en énonçant que ne pouvait être interprétée comme une annulation de la prise d'acte de la rupture en date du 12 septembre 2003 la lettre du salarié du 22 septembre suivant, qui mentionnait en tête " remplace et annule mon courrier... du 12 9 03 ", sollicitait de l'employeur qu'il " tire les conclusions " du second avis d'inaptitude, délivré le même jour, et lui rappelait qu'en sa qualité de travailleur handicapé, il bénéficiait, en cas de licenciement, d'un préavis de trois mois, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, a violé l'article 1134 du code civil ;

2° / qu'alors que tant le salarié, qui excipait de ce que ce courrier du 22 septembre 2003 rétractait sa lettre de rupture du 12 septembre précédent, que l'employeur qui, aux termes de conclusions soutenues à l'audience, faisait valoir que cette " annulation unilatérale " n'avait pas reçu son accord, étaient convenus de ce que la lettre du 22 septembre 2003 manifestait la volonté du salarié de rétracter sa démission ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail ; qu'il s'ensuit qu'elle ne peut être rétractée et que le moyen qui invoque, en ses deux premières branches, la dénaturation d'une prétendue rétractation par le salarié de sa prise d'acte de la rupture est inopérant ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 4624 1 du code du travail ;

Attendu que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, doit en assurer l'effectivité ; qu'il doit prendre en compte les recommandations du médecin du travail et, en cas de refus, faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ; qu'il en résulte que, lorsque le salarié fait valoir que l'employeur n'a pas adapté son poste de travail conformément aux recommandations du médecin du travail, il appartient à l'employeur de justifier qu'il a procédé à une telle adaptation ;

Attendu que pour requalifier en démission la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 12 septembre 2003 et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que la société n'a pas respecté les prescriptions temporaires du médecin du travail mentionnées dans la fiche d'aptitude en date du 5 septembre 2003, qu'en effet les bons de livraison produits par l'appelant pour démontrer que les 8 et 11 septembre 2003 son employeur l'obligeait à porter des charges supérieures à 10 kg ne sont pas visés ou signés par lui mais par d'autres caristes, que la prise d'acte de rupture n'est donc pas fondée et produit de ce fait les effets d'une démission ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié avait été déclaré partiellement inapte à son emploi à l'issue du premier examen médical de reprise par le médecin du travail, et qu'il appartenait à l'employeur qui avait réaffecté le salarié à son emploi habituel de justifier de l'adaptation du poste de travail du salarié ou des raisons pour lesquelles une telle adaptation était impossible, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Point P aux dépens ;

Vu l'article 37 2 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Point P à payer à la SCP Boré et Salve de Bruneton la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. X....

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié en démission la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur X...en date du 12 septembre 2003 et, en conséquence, débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes formées contre son employeur, la Société POINT P ;

AUX MOTIFS QUE "... David X... a été embauché à compter du 20 avril 2000 par la Société CMM par contrat à durée indéterminée en qualité de cariste-magasinier ; que le contrat de travail a été transféré à la Société POINT P ; que l'appelant a fait l'objet d'un arrêt de travail à la suite d'un accident du travail du 4 novembre 2002 au 1er septembre 2003 ; que le médecin du travail, au cours d'une première visite médicale de reprise, l'a déclaré partiellement inapte, le port de charges de plus de 10 kgs lui étant interdit ; que par courrier du 12 septembre 2003, l'appelant a pris acte de la rupture de son contrat de travail en en imputant la cause à son employeur ; qu'à la suite d'une seconde visite médicale en date du 22 septembre 2003, il a été déclaré inapte à son poste de travail ; qu'il a été convoqué par lettre du 25 septembre 2003 à un entretien le 3 octobre 2003 en vue de son licenciement ; que son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec avis de réception en date du 9 octobre 2003 ;

(...)

QUE l'appel est recevable ;

QUE en application de l'article L. 122-9 du Code du travail, constitue une prise d'acte de rupture la manifestation écrite du salarié de sa volonté de mettre fin au contrat de travail en imputant la cause de la rupture à son employeur qu'elle produit les effets d'une démission lorsque les faits qu'il reproche à son employeur ne sont pas caractérisés ;

QUE l'appelant a fait parvenir par lettre recommandée avec avis de réception un courrier en date du 12 septembre 2003 par lequel il prenait officiellement acte de la rupture de son contrat de travail en en imputant la cause à son employeur ; que le motif allégué était le défaut de proposition d'un poste conforme aux conclusions de la fiche d'aptitude délivrée à la suite de la première visite médicale de reprise en date du 5 septembre 2003 ; que le courrier recommandé en date du 22 septembre 2003 adressé à l'employeur ne peut être interprété comme étant une annulation de la prise d'acte de la rupture puisque l'appelant, se fondant sur la seconde fiche d'aptitude, rappelle à la Société que la durée de son préavis est allongée de trois mois en raison de son statut de travailleur handicapé ; qu'en outre, à compter du 12 septembre 2003, il ne s'est plus présenté à son travail ; qu'en conséquence, le contrat de travail a bien été rompu le 12 septembre 2003 ;

QUE l'employeur n'était tenu à une obligation de reclassement en application de l'article L. 122-32-5 du Code du travail qu'après constatation par le médecin du travail de l'inaptitude définitive de l'appelant au poste que celui-ci occupait ; que cette inaptitude ne pouvait résulter, conformément à l'article R. 241-51-1 du Code du travail que de l'étude du poste de travail de l'appelant et de deux examens médicaux espacés de deux semaines ; que celui-ci a justifié la rupture de son contrat de travail pour défaut de reclassement en se fondant exclusivement sur le premier examen effectué par le médecin du travail le 5 septembre 2003 qui concluait à l'affectation temporaire de l'appelant à son poste en excluant un porte de charges supérieures à 10 kgs ; que toutefois, l'employeur n'était tenu à l'obligation de reclassement qu'à compter de la réception de la seconde fiche d'aptitude établie le 22 septembre 2003 et concluant à l'inaptitude de l'appelant, après étude du poste de magasinier cariste le 15 septembre 2003 ; que par ailleurs, il n'était pas démontré que la société n'a pas respecté les prescriptions temporaires du médecin du travail mentionnées dans la fiche d'aptitude en date du 5 septembre 2003 ; qu'en effet, les bons de livraison produits par l'appelant pour démontrer que les 8 et 11 septembre 2003, son employeur l'obligeait à porter des charges supérieures à 10 kgs ne sont pas visés ou signés par lui mais par d'autres caristes ; que la prise d'acte de rupture n'étant donc pas fondée et produisant de ce fait les effets d'une démission, il convient de confirmer le jugement entrepris ayant débouté l'appelant de sa demande (...) " ;

1°) ALORS QU'en énonçant que ne pouvait être interprétée comme une annulation de la prise d'acte de la rupture en date du 12 septembre 2003 la lettre du salarié du 22 septembre suivant, qui mentionnait en-tête " remplace et annule mon courrier... du 12 9 03 ", sollicitait de l'employeur qu'il " tire les conclusions " du second avis d'inaptitude, délivré le même jour, et lui rappelait qu'en sa qualité de travailleur handicapé, il bénéficiait, en cas de licenciement, d'un préavis de trois mois la Cour d'appel qui a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, a violé l'article 1134 du Code civil ;

2°) ALORS QUE tant le salarié, qui excipait de ce que ce courrier du 22 septembre 2003 rétractait sa lettre de rupture du 12 septembre précédent, que l'employeur qui, aux termes de conclusions soutenues à l'audience, faisait valoir que cette " annulation unilatérale " n'avait pas reçu son accord, étaient convenus de ce que la lettre du 22 septembre 2003 manifestait la volonté du salarié de rétracter sa démission ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS subsidiairement QUE le médecin du travail, aux termes de l'étude du poste de travail de Monsieur X...réalisée le 15 septembre 2003, avait conclu que les tâches afférentes à ce poste nécessitaient " la manutention manuelle de charges lourdes (supérieures à 10 kgs) pour la livraison de petites quantités " ; qu'en l'état de cette étude, dont il ressortait que les tâches habituelles inhérentes à l'emploi du salarié nécessitaient l'exécution de manoeuvres expressément contre-indiquées par l'avis d'aptitude partielle du 5 septembre 2003 il appartenait à l'employeur, qui avait maintenu le salarié à ce poste de travail, de démontrer qu'il avait pris les mesures particulières nécessaires pour respecter l'avis du médecin du travail, à défaut de quoi le salarié était en droit de ne pas occuper un poste présentant des dangers pour sa santé ; qu'en déclarant que la prise d'acte de la rupture intervenue le 12 septembre 2003 était imputable au salarié faute pour lui de rapporter la preuve de ce qu'il avait été conduit à effectuer la manoeuvre inhérente à ses fonctions habituelles consistant à manipuler des charges supérieures à 10 kgs, la Cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve. a violé l'article 1315 du Code civil.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.