par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 28 octobre 2009, 08-20724
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
28 octobre 2009, 08-20.724

Cette décision est visée dans la définition :
Évocation




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu que, par jugement du 18 mai 2006, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lille a prononcé le divorce des époux X... aux torts partagés, débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts et rouvert les débats à une audience ultérieure de la mise en état en l'invitant à chiffrer sa demande de droit viager d'usufruit sur l'immeuble commun ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 6 décembre 2007), saisi d'un jugement ayant prononcé le divorce et renvoyé l'examen de l'affaire à une audience ultérieure, d'avoir décidé d'accorder à Mme X..., à titre de prestation compensatoire, un droit viager d'usage et d'habitation sur un immeuble commun, alors, selon le moyen, qu'en dehors du cas où le jugement met fin à l'instance en statuant sur une exception de procédure, l'évocation suppose que le jugement ait prescrit une mesure d'instruction ; que si la condition ainsi requise est remplie lorsque le juge de première instance confie une mesure d'instruction à un tiers, ou bien encore lorsque le jugement de première instance prescrit la fourniture d'éléments complémentaires par les parties et rouvre à cet effet les débats, il en va différemment lorsque, sans prescrire une mesure d'instruction, le jugement de première instance se borne à renvoyer à une audience ultérieure l'examen d'une demande ; que tel a été le cas en l'espèce dès lors que, sans prescrire la production de pièces, le juge de première instance s'est borné à renvoyer l'examen à une audience ultérieure de la demande relative à la prestation compensatoire ; qu'en évoquant sur la prestation compensatoire, les juges du second degré ont violé l'article 568 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'une cour d'appel pouvant faire usage de son droit d'évocation lorsqu'elle est saisie de l'appel d'un jugement ayant ordonné une mesure d'instruction, c'est par une exacte application de l'article 568 du code de procédure civile que la cour d'appel a statué sur la demande de prestation compensatoire non jugée en première instance, dès lors qu'elle constatait que la mesure ordonnée par le premier juge avait pour objet de lui fournir les éléments de fait lui permettant de déterminer la valeur du droit viager d'usufruit de l'épouse sur l'immeuble commun ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, saisi d'un jugement ayant prononcé le divorce et renvoyé l'examen de l'affaire à une audience ultérieure, il a décidé d'accorder à Mme X..., à titre de prestation compensatoire, un droit viager d'usage et d'habitation sur un immeuble commun ;

AUX MOTIFS QUE « Mme Khedjouda X... soutient que le mariage a duré 47 ans, qu'elle dispose de faibles ressources et a encore deux enfants à charge ; que M. Arab X... soutient que cette question n'ayant pas été tranchée par le premier juge, Mme Khedjouda X... n'est pas recevable à en faire appel et que l'effet dévolutif de l'appel n'est limité qu'à la chose effectivement jugée ; qu'il fait valoir que sa situation ne justifie pas qu'une prestation compensatoire soit allouée à son épouse, que la demande de Mme Khedjouda X... n'est pas chiffrée et revient à le priver de ses droits sur le patrimoine commun ; que Mme Khedjouda X... avait présenté sa demande de prestation compensatoire en première instance sans la chiffrer, ce qui avait amené le premier juge à surseoir à statuer en réouvrant les débats sur ce point ; que cependant, d'une part, l'article 568 du nouveau Code de procédure civile permet à la cour d'évoquer les points non jugés, notamment en ce cas, si elle estime de bonne justice de leur donner une solution définitive ; que, d'autre part, il est de jurisprudence bien établie que la prestation compensatoire doit s'apprécier au moment du prononcé du divorce ; que la demande est donc parfaitement recevable ; que la vie commune a duré 45 ans, le mariage 48 ans ; que Mme Khedjouda X... ne justifie pas que Leïla et Fatima, âgées respectivement de 29 et 28 ans, soient encore à sa charge ; que Mme Khedjouda X..., âgée actuellement de 69 ans, a élevé cinq enfants jusqu'à leur majorité ; que la pension que lui verser la CRAM était de 395,70 par mois en 2004 sans que l'on sache si elle a travaillé ou non durant la vie commune ; que M. Arab X... lui versait une pension alimentaire de 350 par mois depuis l'ordonnance de non-conciliation ; que M. Arab X..., âgé également de 69 ans, perçoit une pension versée par la CRAM s'élevant à 799,88 en décembre 2004 (montant payé) au vu du relevé de l'organisme et à 845 par mois en 2007 au vu de son attestation sur l'honneur ; que, selon ce même document, corroboré par des pièces antérieures, il touche en sus une pension complémentaire trimestrielle correspondant à une moyenne de 267 par mois, soit un revenu global de 1.112 ; qu'il supporte le règlement d'un loyer de 307,15 (juillet 2005) et d'une assurance habitation de 14,30 par mois ; que s'il justifie avoir contracté un prêt Franfinance pour l'achat de mobilier, le montant et la durée des échéances ne sont pas établis ; qu'il résulte de la comparaison de la situation financière de chaque partie que la rupture du lien conjugal va créer une disparité au détriment de Mme Khedjouda X... ; que cependant, les ressources limitées de M. Arab X... ne justifient pas d'attribuer à l'épouse un droit viager d'usufruit à titre gratuit sur l'immeuble commun ; qu'en effet, ce bien a été évalué par notaires le 4 mai 2006 à 120.000 , ce qui, d'après le barème fiscal, donne une valeur de l'usufruit à 48.000 ; que, de plus, l'octroi de ce droit lui permettrait de tirer le cas échéant des revenus de ce bien commun ; qu'en revanche, il y a lieu de faire droit à sa demande subsidiaire (…) » (arrêt, p. 5, § 3 et s. et p. 6, § 1er) ;

ALORS QU'en dehors du cas où le jugement met fin à l'instance en statuant sur une exception de procédure, l'évocation suppose que le jugement ait prescrit une mesure d'instruction ; que si la condition ainsi requise est remplie lorsque le juge de première instance confie une mesure d'instruction à un tiers, ou bien encore lorsque le jugement de première instance prescrit la fourniture d'éléments complémentaires par les parties et rouvre à cet effet les débats, il en va différemment lorsque, sans prescrire une mesure d'instruction, le jugement de première instance se borne à renvoyer à une audience ultérieure l'examen d'une demande ; que tel a été le cas en l'espèce dès lors que, sans prescrire la production de pièces, le juge de première instance s'est borné à renvoyer l'examen à une audience ultérieure de la demande relative à la prestation compensatoire ; qu'en évoquant sur la prestation compensatoire, les juges du second degré ont violé l'article 568 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, saisi d'un jugement ayant prononcé le divorce et renvoyé l'examen de l'affaire à une audience ultérieure, il a décidé d'accorder à Mme X..., à titre de prestation compensatoire, un droit viager d'usage et d'habitation sur un immeuble commun ;

AUX MOTIFS QUE « Mme Khedjouda X... soutient que le mariage a duré 47 ans, qu'elle dispose de faibles ressources et a encore deux enfants à charge ; que M. Arab X... soutient que cette question n'ayant pas été tranchée par le premier juge, Mme Khedjouda X... n'est pas recevable à en faire appel et que l'effet dévolutif de l'appel n'est limité qu'à la chose effectivement jugée ; qu'il fait valoir que sa situation ne justifie pas qu'une prestation compensatoire soit allouée à son épouse, que la demande de Mme Khedjouda X... n'est pas chiffrée et revient à le priver de ses droits sur le patrimoine commun ; que Mme Khedjouda X... avait présenté sa demande de prestation compensatoire en première instance sans la chiffrer, ce qui avait amené le premier juge à surseoir à statuer en réouvrant les débats sur ce point ; que cependant, d'une part, l'article 568 du nouveau Code de procédure civile permet à la cour d'évoquer les points non jugés, notamment en ce cas, si elle estime de bonne justice de leur donner une solution définitive ; que, d'autre part, il est de jurisprudence bien établie que la prestation compensatoire doit s'apprécier au moment du prononcé du divorce ; que la demande est donc parfaitement recevable ; que la vie commune a duré 45 ans, le mariage 48 ans ; que Mme Khedjouda X... ne justifie pas que Leïla et Fatima, âgées respectivement de 29 et 28 ans, soient encore à sa charge ; que Mme Khedjouda X..., âgée actuellement de 69 ans, a élevé cinq enfants jusqu'à leur majorité ; que la pension que lui verser la CRAM était de 395,70 par mois en 2004 sans que l'on sache si elle a travaillé ou non durant la vie commune ; que M. Arab X... lui versait une pension alimentaire de 350 par mois depuis l'ordonnance de non-conciliation ; que M. Arab X..., âgé également de 69 ans, perçoit une pension versée par la CRAM s'élevant à 799,88 en décembre 2004 (montant payé) au vu du relevé de l'organisme et à 845 par mois en 2007 au vu de son attestation sur l'honneur ; que, selon ce même document, corroboré par des pièces antérieures, il touche en sus une pension complémentaire trimestrielle correspondant à une moyenne de 267 par mois, soit un revenu global de 1.112 ; qu'il supporte le règlement d'un loyer de 307,15 (juillet 2005) et d'une assurance habitation de 14,30 par mois ; que s'il justifie avoir contracté un prêt Franfinance pour l'achat de mobilier, le montant et la durée des échéances ne sont pas établis ; qu'il résulte de la comparaison de la situation financière de chaque partie que la rupture du lien conjugal va créer une disparité au détriment de Mme Khedjouda X... ; que cependant, les ressources limitées de M. Arab X... ne justifient pas d'attribuer à l'épouse un droit viager d'usufruit à titre gratuit sur l'immeuble commun ; qu'en effet, ce bien a été évalué par notaires le 4 mai 2006 à 120.000 , ce qui, d'après le barème fiscal, donne une valeur de l'usufruit à 48.000 ; que, de plus, l'octroi de ce droit lui permettrait de tirer le cas échéant des revenus de ce bien commun ; qu'en revanche, il y a lieu de faire droit à sa demande subsidiaire (…) » (arrêt, p. 5, § 3 et s. et p. 6, § 1er) ;

ALORS QUE, premièrement, ayant écarté l'attribution de l'usufruit à titre viager de l'immeuble commun, la faiblesse des ressources de M. X... excluant qu'il puisse être privé des revenus susceptibles d'être produits par ce bien, les juges du fond ne pouvaient attribuer à l'épouse un droit d'usage et d'habitation viager à l'instar de l'usufruit qui avait été écarté sans s'expliquer, dès lors que le droit viager d'usage et d'habitation était lui aussi de nature à priver le mari des revenus de l'immeuble en cause ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué est dépourvu de base légale au regard des articles 274 et 275 du Code civil dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ;

Et ALORS QUE, deuxièmement, faute d'avoir évalué le droit viager d'usage et d'habitation attribué à l'épouse, l'arrêt encourt en tout état de cause une censure pour défaut de base légale au regard des articles 274 et 275 du Code civil dans leur rédaction en vigueur antérieurement à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.