par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 10 novembre 2009, 08-40088
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Cour de cassation, chambre sociale
10 novembre 2009, 08-40.088
Cette décision est visée dans la définition :
Salaire
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 novembre 2007), que M. X... a été engagé par la société ADECCO, entreprise de travail temporaire, en vue d'effectuer diverses missions au sein de la Société de véhicules automobiles de Batilly (Sovab) qui se sont déroulées dans le cadre de treize contrats sur une première durée du 12 mars au 29 juin 2001, puis du 27 mai 2002 jusqu'au 15 février 2003, suivie d'une troisième période du 14 avril 2003 au 13 février 2004, puis du 16 septembre 2004 au 4 mai 2005 et ensuite d'une dernière période du 31 août 2005 au 30 juin 2006 entrecoupée par la période de fermeture de fin d'année ; qu'estimant que la SOVAB avait méconnu les dispositions légales en matière de travail temporaire, M. X... a saisi le 28 février 2006 la juridiction prud'homale de demandes aux fins de requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée à compter du 12 mars 2001 et de rappel de salaire pour les périodes intermédiaires sans travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SOVAB fait grief à l'arrêt d'avoir d'avoir décidé que M. X..., salarié de l'entreprise de travail temporaire ADECCO, avait été lié à l'entreprise utilisatrice par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 mai 2002, alors, selon le moyen :
1°) qu'en retenant l'inexistence d'un surcroît temporaire d'activité ayant justifié la conclusion de contrats de mission du 27 mai au 27 octobre 2002 sur la constatation de ce que " l'historique de production du véhicule "Master" par client n'établit pas l'existence d'un surplus de production entre mai et juin 2002", inopérante au regard du motif invoqué par l'employeur, qui était l'alimentation des concessions de nouveaux produits Nissan, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 124 2 et L. 124 2 1 du code du travail, ensemble violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°) que l'autorité de la chose jugée par une juridiction pénale ne s'attache qu'aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie ; que l'autorité d'une décision condamnant un prévenu pour emploi de salariés intérimaires en violation des dispositions légales gouvernant ce mode de recours ne concerne que les salariés intérimaires dont les contrats de travail temporaires ont fait l'objet des poursuites pénales ; qu'en l'espèce, il ne ressortait ni du jugement du tribunal correctionnel de Briey du 27 juillet 2006, ni des comptes rendus de réunions du comité d'entreprise des 11 mai 2004 et 18 janvier 2005 que les missions d'intérim conclues avec M. X... du 3 juin 2003 au 13 février 2004 et du 12 au 23 septembre 2005 en remplacement de M. Y..., puis du 26 septembre au 23 décembre 2005 et du 3 janvier au 30 juin 2006 en remplacement de M. Z... aient fait l'objet des poursuites pénales ayant abouti à la condamnation de la SNC SOVAB en date du 27 juillet 2006 ; qu'en se référant à cette décision pour procéder à la requalification de ces contrats, la cour d'appel, qui a étendu l'autorité de la chose jugée de la décision pénale à des contrats n'ayant pas fait l'objet des poursuites, a violé l'article 1351 du code civil ;
3°) que le recours à un travailleur intérimaire pour remplacer un salarié absent n'est pas limité à son absence de l'entreprise, mais concerne aussi bien l'absence à son poste de travail d'un salarié provisoirement appelé à effectuer d'autres tâches ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 124 2 1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la référence faite par la cour d'appel à l'historique de production du véhicule Master par client, suivant un tableau produit aux débats qui faisait apparaître Nissan parmi les clients de ce véhicule, n'était pas inopérante au regard du motif de recours à un salarié temporaire invoqué par l'employeur, à savoir "accroissement temporaire d'activité lié à l'alimentation des concessions Nissan en nouveaux produits et aux prévisions d'évolution de la demande" ; ensuite, que la cour d'appel ne s'est pas référée à l'autorité de la chose jugée par le tribunal correctionnel de Briey mais a pris en considération, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation des éléments de fait, ceux dont la connaissance résultait tant de compte rendus de réunions du comité d'entreprise que des constatations opérées par ce jugement ; enfin, qu'elle a considéré à bon droit que le recours à des salariés intérimaires sur des postes libérés par glissement en cascade sur des postes de nuit ne pouvait répondre aux exigences de l'article L. 124 2 1 devenu L. 1251 5 du code du travail dès lors qu'il n'était pas établi que l'affectation de nuit de salariés remplacés ne libérait que temporairement leur poste habituel de travail ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SOVAB fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à régler des rappels de salaires au titre des périodes non travaillées, alors, selon le moyen :
1°) qu'en se fondant, pour accorder au salarié intérimaire dont les différents contrats de mission à temps complet ont été requalifiés en une relation de travail unique à durée indéterminée avec l'entreprise utilisatrice, un rappel de salaire au titre des périodes d'inactivité séparant ces différentes missions, sur le motif inopérant de ce qu'il "n'avait connaissance de ses horaires de travail qu'au fur et à mesure qu'il les effectuait", la cour d'appel, a violé par fausse application l'article L. 212 4 3 du code du travail, ensemble les articles 1134 du code civil, L. 121 1 et L. 124 4 2 du code du travail ;
2°) que l'entreprise de travail temporaire demeure l'employeur des salariés mis à la disposition de l'entreprise utilisatrice ; qu'au terme du contrat de mission, le salarié ne demeure pas à la disposition de l'entreprise utilisatrice mais peut être placé par l'entreprise de travail temporaire à la disposition d'autres utilisateurs ; qu'en condamnant l'entreprise utilisatrice, à verser à M. X..., salarié intérimaire dont les différents contrats de mission avaient été requalifiés en une relation de travail unique à durée indéterminée, un rappel de salaires à temps complet pour les périodes, séparant deux missions, durant lesquelles son employeur, la société ADECCO, pouvait le placer à la disposition d'autres utilisateurs, sans caractériser de circonstances particulières qui l'auraient tenu à la disposition de l'entreprise utilisatrice, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 124 1, L. 124 2 2, L. 124 3, L. 124 4 et L. 124 5 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé qu'il n'était pas établi que le salarié avait travaillé pour d'autres employeurs durant les périodes intermédiaires, et qu'elle a fait ressortir qu'il ne connaissait ses dates de début de mission qu'au fur et à mesure qu'il les effectuait , de sorte qu'il avait dû se tenir à la disposition de la SOVAB ; qu'elle a pu décider que des rappels de salaires étaient dus par cette entreprise pour les périodes intermédiaires ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société de véhicules automobiles de Batilly aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Société de véhicules automobiles de Batilly à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la Société de véhicules automobiles de Batilly
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR décidé que Monsieur Mickaël X..., salarié de l'entreprise de travail temporaire ADECCO, avait été lié à la SNC SOVAB par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 mai 2002 et d'AVOIR en conséquence condamné cette société à lui régler les sommes de 1 564,65 à titre d'indemnité de requalification, 14 861, 98 à titre de rappel de salaires et 300 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE "aux termes du premier alinéa de l'article L.124-2 du Code du travail, le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; (que) selon le second alinéa de ce texte, un utilisateur ne peut faire appel à des salarié intérimaires que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission" et seulement dans les cas énumérés à l'article L.124-2-1, soit en remplacement d'un salarié absent, soit en cas d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il en résulte que, dans ce dernier cas, le recours à des salariés intérimaires ne peut être autorisé que pour les besoins d'une ou plusieurs tâches résultant du seul accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, notamment en cas de variations cycliques de production, sans cependant qu'il soit nécessaire, ni que cet accroissement présente un caractère exceptionnel, ni que le salarié recruté soit affecté à l'exécution même de ces tâches ;
QUE s'agissant du premier contrat de mission temporaire du 12 mars au 21 juin 2001, le schéma d'évolution des cadences produit au dossier fait effectivement état, entre janvier et février 2001, d'un accroissement de production de 495 à 502 véhicules "Mascott" à réaliser, de sorte que ce premier contrat de mission, fondé sur la base d'un accroissement temporaire d'activité, est régulier ;
QUE le recours au deuxième contrat de mission du 27 mai au 26 juillet 2002, prolongé jusqu'au 31 octobre 2002 pour motif d'accroissement temporaire d'activité n'est en revanche pas justifié au regard des pièces versées aux débats sur l'historique de production du véhicule "Master" par client, lequel n'établit pas l'existence d'un surplus de production entre mai et juin 2002, mais enregistre au contraire une baisse de cadence, la production passant de 3 312 à 3 228 véhicules ; qu'il s'avère ainsi que la mission d'intérim confiée à Monsieur X... à compter du 27 mai 2002 n'avait pas pour motif celui déclaré d'accroissement temporaire d'activité mais avait pour effet de pourvoir durablement des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise, de sorte qu'il y a lieu à requalification de ce contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée ;
QU'en tout état de cause, il apparaît que la troisième mission temporaire confiée du 26 octobre au 20 décembre 2002 à Monsieur X... a eu pour motif le remplacement de Monsieur A..., dont l'absence s'est cependant prolongée jusqu'au 1er février 2003, et ce sans qu'aucune explication soit fournie sur l'interruption, le 20 décembre 2002, de la mission de Monsieur X... qui s'est vu souscrire un quatrième contrat temporaire sur la durée du 6 janvier au 15 février 2003 pour motif d'accroissement temporaire d'activité ;
QU'il ressort de plus des éléments du dossier, en particulier des comptes rendus des réunions de comité d'entreprise des 11 mai 2004 et 18 janvier 2005, ainsi que du jugement du Tribunal correctionnel de Briey ayant condamné la pratique des recours aux travailleurs intérimaires sur des postes libérés par glissement en cascade sur des postes de nuit, que les contrats de mission en remplacement de Messieurs Y... et Z..., s'étendant du 3 juin 2003 au 13 février 2004 et du 12 au 23 septembre 2005 en ce qui concerne Monsieur Y..., puis du 26 septembre au 23 décembre 2005 et du 3 janvier au 30 juin 2006 en ce qui concerne Monsieur Z... résultaient effectivement de leur affectation sur des tournées de nuit, sans que ce glissement de poste puisse répondre à la définition de remplacement au sens de l'article L.124-2-1 du Code du travail ;
QU'il convient en conséquence de requalifier les contrats de travail temporaires de Monsieur X... en contrat à durée indéterminée à compter du 27 mai 2002, première des missions irrégulières" ;
1°) ALORS QU'en retenant l'inexistence d'un surcroît temporaire d'activité ayant justifié la conclusion de contrats de mission du 27 mai au 27 octobre 2002 sur la constatation de ce que " l'historique de production du véhicule "Master" par client n'établit pas l'existence d'un surplus de production entre mai et juin 2002", inopérante au regard du motif invoqué par l'employeur, qui était l'alimentation des concessions de nouveaux produits Nissan, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.124-2 et L.124-2-1 du Code du travail, ensemble violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée par une juridiction pénale ne s'attache qu'aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie ; que l'autorité d'une décision condamnant un prévenu pour emploi de salariés intérimaires en violation des dispositions légales gouvernant ce mode de recours ne concerne que les salariés intérimaires dont les contrats de travail temporaires ont fait l'objet des poursuites pénales ; qu'en l'espèce, il ne ressortait ni du jugement du Tribunal correctionnel de Briey du 27 juillet 2006, ni des comptes-rendus de réunions du Comité d'entreprise des 11 mai 2004 et 18 janvier 2005 que les missions d'intérim conclues avec Monsieur X... du 3 juin 2003 au 13 février 2004 et du 12 au 23 septembre 2005 en remplacement de Monsieur Y..., puis du 26 septembre au 23 décembre 2005 et du 3 janvier au 30 juin 2006 en remplacement de Monsieur Z... aient fait l'objet des poursuites pénales ayant abouti à la condamnation de la SNC SOVAB en date du 27 juillet 2006 ; qu'en se référant à cette décision pour procéder à la requalification de ces contrats, la Cour d'appel, qui a étendu l'autorité de la chose jugée de la décision pénale à des contrats n'ayant pas fait l'objet des poursuites, a violé l'article 1351 du Code civil ;
3°) ALORS QUE le recours à un travailleur intérimaire pour remplacer un salarié absent n'est pas limité à son absence de l'entreprise, mais concerne aussi bien l'absence à son poste de travail d'un salarié provisoirement appelé à effectuer d'autres tâches ; qu'en statuant comme elle l'a fait la Cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L.124-2-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, qui a décidé que Monsieur Mickaël X..., salarié de l'entreprise de travail temporaire ADECCO, avait été lié à la SNC SOVAB par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 mai 2002, d'AVOIR en conséquence condamné cette société à lui régler les sommes de 1 564,65 à titre d'indemnité de requalification, 14 861, 98 à titre de rappel de salaires et 300 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE "Monsieur X... réclame le versement d'un rappel de salaires calculé sur les périodes non travaillées à compter du 12 mars 2001, première des missions temporaires, à hauteur de la somme de 18 775,80 ;
qu'au vu de ce qui précède, et alors que la date d'embauche initiale du contrat à durée indéterminée est à fixer au 27 mai 2002, il apparaît que Monsieur X..., n'ayant connaissance de ses horaires de travail qu'au fur et à mesure qu'il les effectuait, devait se tenir à la disposition de son employeur dans les intervalles entre les missions, aucun élément n'établissant qu'il travaillait pour le compte d'autres employeurs, il convient de faire droit à sa demande en rappel de salaires au titre des périodes non travaillées des 15 février au 14 avril 2003, 13 février au 16 septembre 2004 et 4 mai au 31 août 2005 à hauteur de la somme de 14 861,98 " ;
1°) ALORS QU'en se fondant, pour accorder au salarié intérimaire dont les différents contrats de mission à temps complet ont été requalifiés en une relation de travail unique à durée indéterminée avec l'entreprise utilisatrice, un rappel de salaire au titre des périodes d'inactivité séparant ces différentes missions, sur le motif inopérant de ce qu'il "n'avait connaissance de ses horaires de travail qu'au fur et à mesure qu'il les effectuait", la Cour d'appel, a violé par fausse application l'article L.212-4-3 du Code du travail, ensemble les articles 1134 du Code civil, L.121-1 et L.124-4-2 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE l'entreprise de travail temporaire demeure l'employeur des salariés mis à la disposition de l'entreprise utilisatrice ; qu'au terme du contrat de mission, le salarié ne demeure pas à la disposition de l'entreprise utilisatrice mais peut être placé par l'entreprise de travail temporaire à la disposition d'autres utilisateurs ; qu'en condamnant la Société SOVAB, entreprise utilisatrice, à verser à Monsieur X..., salarié intérimaire dont les différents contrats de mission avaient été requalifiés en une relation de travail unique à durée indéterminée, un rappel de salaires à temps complet pour les périodes, séparant deux missions, durant lesquelles son employeur, la Société ADECCO, pouvait le placer à la disposition d'autres utilisateurs, sans caractériser de circonstances particulières qui l'auraient tenu à la disposition de l'entreprise utilisatrice, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.124-1, L.124-2-2, L.124-3, L.124-4 et L.124-5 du Code du travail.
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Cette décision est visée dans la définition :
Salaire
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.