par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 17 novembre 2009, 07-17233
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Cour de cassation, chambre commerciale
17 novembre 2009, 07-17.233

Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... ayant été mis en redressement judiciaire le 10 novembre 1989, un plan de continuation a été arrêté le 20 juillet 1990 ; que le 14 août 1991, M. Y... a prêté à M. X... une somme de 500.000 francs qui n'a été que partiellement remboursée ; que le plan de continuation de M. X... ayant été résolu, un nouveau redressement judiciaire a été ouvert le 24 septembre 1993 puis la liquidation judiciaire prononcée le 22 octobre 1993 ; que M. Y... n'a pas déclaré sa créance au titre du prêt ; que la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif est intervenue le 25 septembre 1998 ; que se plaignant d'avoir été victime d'une fraude de la part de M. X..., M. Y... a assigné M. X..., en juin 2002, en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Y... une certaine somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que la renaissance du droit de poursuite individuelle est subordonnée à la non-extinction de la créance ; que, après avoir constaté que la créance était éteinte faute par le créancier de l'avoir déclarée, le juge ne pouvait décider que ce créancier avait recouvré son droit de poursuite individuelle après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'en dépit de la référence erronée faite dans l'arrêt au recouvrement par M. Y... de son droit de poursuite individuelle, la cour d'appel a accueilli la demande de ce dernier tendant à obtenir, en application de l'article 1382 du code civil, le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la fraude du débiteur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la quatrième branche du moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour fixer à une certaine somme les dommages-intérêts alloués à M. Y... et condamner M. X... à lui payer cette somme, l'arrêt retient que le débiteur, qui était tenu de remettre au représentant des créanciers la liste certifiée de ses créanciers et du montant de ses dettes en application des articles 52 de la loi du 25 janvier 1985 et 69 du décret du 27 décembre 1985, a dissimulé au représentant des créanciers l'existence des sommes dont il était redevable envers M. Y... de sorte que ce dernier n'a pu bénéficier de l'avertissement aux créanciers connus d'avoir à déclarer leur créance et que ce comportement a été constitutif d'une fraude ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait pour retenir que M. X... avait commis une fraude en dissimulant intentionnellement sa dette, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

Et sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour fixer à la somme de 60 976,61 euros augmentée des intérêts les dommages-intérêts alloués à M. Y... et condamner M. X... à lui payer cette somme outre intérêts au taux légal, l'arrêt retient que le créancier est en droit d'obtenir à titre de dommages-intérêts, le paiement de l'équivalent de la créance éteinte par la fraude du débiteur et que cette créance est constituée par le capital non remboursé et les intérêts contractuels ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. X... qui soutenait que, les créanciers chirographaires n'ayant pu être payés par le liquidateur, M. Y... dont la créance était simplement chirographaire n'aurait pas pu être payé dans le cadre de la procédure collective quand bien même il aurait figuré sur la liste des créanciers, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a "débouté" M. Y... de toutes les demandes qu'il a formées à l'encontre de M. X..., l'arrêt rendu le 10 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille neuf.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, après avoir constaté qu'une créance était éteinte faute de déclaration à la liquidation judiciaire d'un débiteur (M. Jean-Claude X..., l'exposant) clôturée pour insuffisance d'actif, d'avoir condamné celui-ci à payer au créancier (M. Y...) le montant d'un prêt en principal et intérêts à titre de dommages intérêts ;

AUX MOTIFS QU'il était constant que, antérieurement à ce prêt, M. X... avait fait l'objet, pour son entreprise exercée en nom propre, d'une première procédure collective suivant jugement en date du 10 novembre 1989, laquelle avait donné lieu, après des périodes d'observation renouvelées, à un jugement en date du 20 juillet 1990 arrêtant un plan de continuation ; qu'il était également constant que, postérieurement à l'octroi de ce prêt (intervenu le 14 août 1991), l'exposant avait fait l'objet, pour son entreprise individuelle, d'une deuxième procédure collective, ouverte par un jugement de résolution du plan et de redressement judiciaire en date du 24 septembre 1993, lequel avait été suivi le 22 octobre 1993 d'un jugement de liquidation judiciaire ; que cette procédure de liquidation judiciaire avait donné lieu à une clôture des opérations pour insuffisance d'actif par jugement du tribunal de commerce en date du 25 septembre 1998 ; que M. X... qui, dans le cadre de cette deuxième procédure Condamne M. Jean-Claude X... aux dépens ;

collective, était tenu de remettre au représentant des créanciers la liste certifiée de ses créanciers et du montant de ses dettes en application des articles 52 de la loi du 25 janvier 1985 et 69 du décret du 27 décembre 1985, avait dissimulé au représentant de ses créanciers l'existence des sommes dont il était personnellement redevable envers M. Y..., de sorte que ce dernier n'avait pu, en conséquence, bénéficier de l'avertissement aux créanciers connus d'avoir à déclarer leurs créances prévu à l'article 66 du décret susvisé ; qu'un tel comportement à l'égard d'un créancier était constitutif d'une fraude au sens de l'article 622-32 du Code de commerce ; qu'il en résultait que le jugement de clôture pour insuffisance d'actif avait fait recouvrer à ce créancier son droit de poursuite individuelle pour obtenir, à titre de dommages-intérêts, en application de l'article 1382 du Code civil, le paiement de l'équivalent de la créance éteinte par la fraude du débiteur ; que cette créance était constituée par le capital non remboursé (soit 60.976,61 ) et les intérêts contractuels sur cette somme ;

ALORS QUE, d'une part, la renaissance du droit de poursuite individuelle est subordonnée à la non-extinction de la créance ; que, après avoir constaté que la créance était éteinte faute par le créancier de l'avoir déclarée, le juge ne pouvait décider que ce créancier avait recouvré son droit de poursuite individuelle après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu L. 622-32 du Code de commerce) ;

ALORS QUE, d'autre part, la fraude n'ouvre droit à réparation que si un préjudice en est résulté, ce que le juge doit vérifier in concreto sans pouvoir ériger en principe qu'un préjudice a nécessairement été subi, ni évaluer celui-ci ; qu'en décidant que la fraude imputée au débiteur (mais contestée par celui-ci) permettait au créancier d'obtenir, à titre indemnitaire, le paiement de la créance éteinte, sans constater que, sans cette fraude, la créance, si elle avait été déclarée, aurait pu être payée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

ALORS QUE, en outre, l'exposant faisait valoir (v. ses conclusions signifiées le 6 février 2007, p. 12, trois derniers alinéas, et p. 13, deux premiers alinéas) qu'aucun préjudice n'avait été subi par le prêteur puisque l'actif avait été entièrement absorbé par les créanciers privilégiés et hypothécaires ; qu'en délaissant ces écritures, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

ALORS QUE, enfin, en ne précisant pas sur quels éléments de preuve versés aux débats contradictoires et par elle analysés elle se serait fondée pour affirmer que l'emprunteur avait dissimulé au représentant des créanciers sa dette envers le prêteur, quand pourtant ce fait était formellement contesté par l'exposant, la Cour d'appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant pas ainsi aux prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.