par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 13 janvier 2010, 09-60108
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Cour de cassation, chambre sociale
13 janvier 2010, 09-60.108

Cette décision est visée dans la définition :
Délégué syndical




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X...délégué du personnel de l'établissement d'Evry de la société Accor, élu sur une liste présentée par un syndicat FO, a été désigné délégué syndical par l'Union locale de la communauté d'agglomération d'Evry CGT par lettre du 9 décembre 2008 ; qu'il a démissionné de son mandat de délégué du personnel le 12 janvier 2009 ; que l'employeur a contesté la désignation du 9 décembre 2008 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Accord fait grief au jugement de la débouter de sa demande en annulation de cette désignation, alors, selon le moyen :

1° / qu'il résulte de la nature même de la mission des délégués syndicaux qui ont l'exclusivité de la négociation des accords collectifs et qui doivent représenter leur propre syndicat tant auprès des salariés que du chef d'entreprise, qu'un même délégué syndical ne saurait remplir des mandats émanant d'organisations concurrentes ; de sorte qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2143-3 du code du travail ;

2° / que la validité d'une désignation syndicale s'apprécie au jour de celle-ci, et qu'un salarié ne peut représenter simultanément deux organisations syndicales différentes ; qu'ayant constaté que M. X...détenait un mandat de délégué du personnel pour le compte de FO à la date de sa désignation comme délégué syndical par le syndicat CGT, le tribunal d'instance ne pouvait la valider sans violer les articles L. 2131-1, L. 2142-1 et L. 2141-4 du code du travail ;

Mais attendu que, dès lors qu'un salarié remplit les conditions prévues par la loi, il n'appartient qu'au syndicat désignataire d'apprécier si ce salarié est en mesure de remplir sa mission, peu important l'appartenance successive à plusieurs syndicats ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 2142-1 du code du travail et 13 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

Attendu que pour débouter la société Accor de sa demande d'annulation de la désignation de M. X...par l'Union locale CGT le tribunal retient qu'en application de l'article 11 IV de la loi du 20 août 2008, les syndicats affiliés aux organisations syndicales reconnues représentatives sur le plan national et interprofessionnel bénéficient d'une présomption irréfragable de représentativité et que l'Union locale CGT est donc représentative au sens de ces dispositions légales ; qu'en désignant M. X...en qualité de délégué syndical, cette union a constitué la section syndicale au sein de la société Accor et que les conditions prévues par l'article L. 2143-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008 sont donc réunies ;

Attendu cependant que l'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qui selon l'article 13 de cette loi est applicable jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles postérieures à la publication de la loi, autorise la désignation d'un délégué syndical par un syndicat représentatif qui constitue une section syndicale et que selon l'article L. 2142-1 dans sa rédaction issue de la loi du 20 août 2008 qui est d'application immédiate, la création d'une section syndicale suppose la présence de plusieurs adhérents dans l'entreprise ou l'établissement ;

D'où il suit qu'en statuant comme il a fait, sans avoir constaté que tel était le cas, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Accor de sa demande d'annulation de la désignation de M. X...en qualité de délégué syndical, le jugement rendu le 26 mars 2009, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Evry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Juvisy-sur-Orge ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Accor.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief au jugement attaqué D'AVOIR débouté la société ACCOR de sa demande en annulation de la désignation de Monsieur Jean-Pierre X... en qualité de délégué syndical de l'établissement d'EVRY par l'union syndicale locale CGT de la communauté d'agglomération d'EVRY ;

AUX MOTIFS QU'« il n'est pas contesté qu'au moment de sa désignation en qualité de délégué syndical par l'union local CGT le 19 décembre 2008, Monsieur X... était investi d'un mandat de délégué du personnel collège cadre du syndicat FO depuis le scrutin du 19 juin 2007, mandat dont il n'a démissionné que le 12 janvier 2009 ; qu'un syndicat peut cependant choisir le délégué syndical qui lui semble le mieux à même de le représenter, dès lors que le salarié remplit les conditions prévues aux articles L. 2143-1 et suivants du code du travail pour être désigné délégué syndical, et il n'appartient pas à l'employeur d'émettre un avis sur les choix effectués par ce syndicat ; que l'appartenance à un unique syndicat n'étant pas une condition légale de désignation d'un délégué syndical, la désignation de Monsieur X... ne peut être annulé de ce chef » (jugement, p. 4, al. 8 à p. 5, al. 1er) ;

ALORS D'UNE PART QU'il résulte de la nature même de la mission des délégués syndicaux qui ont l'exclusivité de la négociation des accords collectifs et qui doivent représenter leur propre syndicat tant auprès des salariés que du chef d'entreprise, qu'un même délégué syndical ne saurait remplir des mandats émanant d'organisations concurrentes ; de sorte qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2143-3 du Code du Travail ;

ALORS D'AUTRE PART QUE la validité d'une désignation syndicale s'apprécie au jour de celle-ci, et qu'un salarié ne peut représenter simultanément deux organisations syndicales différentes ; qu'ayant constaté que Monsieur X... détenait un mandat de délégué du personnel pour le compte de FO à la date de sa désignation comme délégué syndical par le syndicat CGT, le tribunal d'instance ne pouvait la valider sans violer les articles L. 2131-1, L. 2142-1 et L 2141-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief au jugement attaqué D'AVOIR débouté la société ACCOR de sa demande en annulation de la désignation de Monsieur Jean-Pierre X... en qualité de délégué syndical de l'établissement d'EVRY par l'union syndicale locale CGT de la communauté d'agglomération d'EVRY ;

AUX MOTIFS QUE « la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail dispose en son article 13 que « (…) jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles organisées dans les entreprises ou les établissements pour lesquels la date fixée pour la négociation du protocole préélectoral est postérieure à la publication de la présente loi, chaque syndicat représentatif dans l'entreprise ou l'établissement à la date de cette publication peut désigner un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès de l'employeur, conformément aux articles L. 2143-3 et L. 2143-6 du code du travail dans leur rédaction antérieure à ladite publication » ; que l'article L. 2143-3 dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008 dispose : « chaque syndicat représentatif qui constitue une section syndicale dans les établissements de cinquante salariés ou plus désigne, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès de l'employeur (… » ; qu'il ressort de ces dispositions que pour être valablement faite, la désignation du délégué syndical doit émaner d'un syndicat représentatif qui constitue une section syndicale ; que l'article 11 de la loi du 20 août 2008 précise : « (…) jusqu'au résultat des premières élections professionnelles dans l'entreprise ou l'établissement, pour lesquelles la date fixée pour la première réunion de la négociation du protocole d'accord préélectoral est postérieur à la publication de la présente loi, est présumé représentatif à ce niveau tout syndicat affilié à l'une des organisations syndicales de salariés présumées représentative au niveau national et interprofessionnel à la date de la publication de la présente loi, ainsi que tout syndicat représentatif à ce niveau à la date de cette publication (…) » ; qu'il est constant que les cinq organisations syndicales, dont la CGT, figurant dans l'arrêté du 31 mars 1966 reconnues représentatives sur le plan national et interprofessionnel bénéficiaient jusque-là d'une présomption irréfragable de représentativité et les syndicats qui leur sont affiliés sont présumés représentatifs dans l'entreprise dans les mêmes termes ; que la loi du 20 août fait disparaître cette présomption irréfragable de représentativité des syndicats parce qu'elle met en place un système nouveau d'évaluation périodique de la représentativité à partir d'un ensemble de critères incluant l'audience du syndicat ; que tant que ce système d'évaluation n'est pas mis en place et que la représentativité du syndicat ne peut s'apprécier à l'aune des nouveaux critères légalement définis, il n'y a pas lieu de modifier les principes d'appréciation de la représentativité des syndicats aux termes desquels les cinq organisations syndicales reconnues représentatives sur le plan national et interprofessionnel bénéficient d'une présomption irréfragable de représentativité, présomption qui s'étend aux syndicats qui leur sont affiliés ; qu'en l'espèce, l'union locale CGT est affiliée à l'une des cinq organisations syndicales reconnues représentatives sur le plan national et interprofessionnel et est donc représentative au sein de la SA ACCOR au sens des dispositions légales précitées ; qu'en désignant Monsieur X... en qualité de délégué syndical, l'union locale CGT a constitué la section syndicale de ce syndicat au sein de la SA ACCOR ; qu'il en ressort que les conditions prévues par l'article L. 2143-3 dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 août 2008 pour que l'union locale CGT puisse désigner un délégué syndical étaient réunies en l'espèce (jugement, p. 5, al. 3 à p. 6, al. 4) » ;

ALORS D'UNE PART QU'il résulte des dispositions transitoires de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale, interprétées à la lueur de la position commune du 9 avril 2008 et des travaux parlementaires, que la présomption de représentativité accordée aux organisations affiliées à un syndicat représentatif au niveau national et interprofessionnel à la date de publication de ladite loi, avant que ne soient connus les résultats des premières élections professionnelles dans l'entreprise postérieurement à cette loi, est une présomption simple qui peut donc être combattue par la preuve contraire ; qu'en décidant cependant que l'« union locale CGT communauté d'agglomération d'Evry », qui avait procédé à la désignation de Monsieur X... en décembre 2008, soit après l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008 et avant les premières élections professionnelles suivant cette loi, bénéficierait d'une présomption irréfragable de représentativité, pour valider la désignation litigieuse, le juge d'instance a violé les articles les articles 11 et 13 de la loi susvisées, et 4 de la position commune du 9 avril 2008 ;

ET ALORS D'AUTRE PART QUE la société ACCOR, ayant soutenu que le syndicat union locale CGT communauté d'agglomérations d'EVRY n'avait constitué aucune section syndicale dans l'entreprise et n'avait exercé aucune activité au sein de celle-ci de nature à justifier sa prétendue représentativité, viole l'article 455 du Code de Procédure Civile le jugement qui laisse dépourvues de toute réponse ses conclusions (p. 8 et 9).



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Cette décision est visée dans la définition :
Délégué syndical


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.