par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 7 mai 2010, 09-14324
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, 1ère chambre civile
7 mai 2010, 09-14.324

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Compétence
Pourvoi




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu que Mme X... a assigné, le 16 avril 2007, la société belge Agence de marketing appliqué (AMA) devant le tribunal de son domicile en paiements de gains de 15 500, 18 450 et 25 500 euros qui lui auraient été promis par cette société ; que celle-ci a soulevé l'incompétence de la juridiction française au profit de la juridiction belge ; que, par ordonnance du 9 janvier 2008, le juge de la mise en état a accueilli cette exception ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :

Attendu que Mme X... soutient que le pourvoi formé contre l'arrêt attaqué (Riom, 28 janvier 2009), qui a statué sur une exception de procédure sans mettre fin à l'instance, est irrecevable par application des articles 606 et 608 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en matière internationale, la contestation élevée sur la compétence du juge français saisi ne concerne pas une répartition de compétence entre les tribunaux nationaux mais tend à lui retirer le pouvoir de trancher le litige au profit d'une juridiction d'un Etat étranger ; que dès lors, le pourvoi en cassation contre le jugement ayant statué sur cette exception de procédure a pour fin de prévenir un excès de pouvoir ; qu'il est immédiatement recevable, même s'il n'est pas mis fin à l'instance ;

Sur le moyen unique :

Attendu que la société AMA fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception tendant à voir le tribunal de grande instance de Riom déclaré incompétent au profit du tribunal de Tournai (Belgique), lieu de son siège social, alors, selon le moyen, qu'en matière contractuelle, une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre Etat membre, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; qu'en application de l'article 1371 du code civil, l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ; que cette obligation est distincte de l'obligation contractuelle dont est seul titulaire le bénéficiaire du gain ; que dès lors, les modalités contractuelles d'exécution de cette dernière ne peuvent lui être étendues ; qu'en outre, le juge de la compétence doit justifier si le paiement est quérable ou portable ; qu'en conséquence, en déclarant la juridiction française compétente, en tant que juridiction du lieu où la SA AMA avait accepté de verser son prix au « grand gagnant », la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs en décidant que la nature du paiement relevait de la compétence du juge du fond et a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1247 du code civil et l'article 5-1 du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ;

Mais attendu que, d'abord, ayant retenu que l'action de Mme X... tendait à obtenir l'exécution d'une obligation de payer un prix à la charge de la société AMA, la cour d'appel a fait application, à bon droit, de l'article 5-1 du Règlement (CE) n° 44/2001 (Bruxelles I) aux termes duquel, en matière contractuelle, l'action peut être intentée devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; qu'ensuite, ayant relevé que cette société s'était engagée à exécuter son obligation de paiement au domicile du « grand gagnant », la cour d'appel en a justement déduit que Mme X..., revendiquant cette qualité, pouvait assigner la société AMA, devant le tribunal de son domicile ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Agence de marketing appliqué (AMA) aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 2010, rejette la demande de la société Agence de marketing appliqué (AMA) et la condamne à payer à la SCP Ortscheidt la somme de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat de la société Agence de marketing appliqué (AMA).

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la SA AMA de sa demande tendant à voir le tribunal de grande instance de RIOM déclaré incompétent au profit du Tribunal de Tournai (Belgique), lieu de son siège social ;

AUX MOTIFS QUE le présent litige doit être jugé au vu du Règlement CE 44-2001 du 22 décembre 2000, seul applicable quant à la détermination de la juridiction compétente territorialement, dès lors qu'il concerne deux parties domiciliées dans deux Etats distincts de l'Union Européenne ; qu'il est admis par les parties, au vu de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (arrêt ENGLER du 20 janvier 2005) que le quasi-contrat, qui sert de fondement à l'action de Mme X..., doit s'assimiler dans ses effets à un contrat relevant des dispositions de l'article 5 du règlement CE énonçant qu'"une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre : 1. a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée" ; qu'en l'espèce, l'action de Mme X... tend à obtenir l'exécution d'une obligation de payer à la charge de la société AMA, laquelle invoque le principe du caractère quérable du paiement, donc à son domicile social situé en BELGIQUE ; que Mme X... rappelle qu'il peut être dérogé à ce principe par la convention des parties et soutient que l'intimée a renoncé à ce principe en lui adressant divers documents mentionnant expressément que les chèques bancaires lui seraient envoyés à son adresse ; qu'effectivement, il est indiqué dans ces courriers nominatifs des mentions telles que "Mme Colette X..., vous êtes certaine de recevoir le Chèque Bancaire de 15.500 € sous 48 h par pli recommandé avec A.R. à votre adresse conformément aux conditions réglementaires"...."Je certifie formellement que le versement unique des 15.500,00 Euros... seront biens remis à Mme Colette X...", "Mme Colette X..., je peux vous assurer que le CHEQUE BANCAIRE signé de 18.450,00 Euros vous sera obligatoirement envoyé à votre adresse par pli recommandé avec AR", "VOUS RECEVREZ VOTRE CHEQUE BANCAIRE DE 25.500,00 EUROS A VOTRE NOM", etc.... ; que la société AMA réplique que ces mentions ne s'adressaient en fait qu'au "grand gagnant" et non aux autres participants, de sorte qu'elle n'a pas renoncé de manière non équivoque au caractère quérable du paiement à l'égard de Mme X..., qui au surplus n'a pas respecté les diverses conditions stipulées dans le règlement rédigé de façon claire et précise ; que toutefois, ces points opposant les parties quant à la qualité ou non de grand gagnant de Mme X... et quant à l'opposabilité du règlement au regard de ses caractéristiques propres de clarté et lisibilité, relèvent du fond du litige qui devront être tranchés ultérieurement par le tribunal ; qu'au stade de la détermination de la compétence territoriale, il échet de constater que la société AMA s'est librement engagée à exécuter son obligation en paiement au domicile du grand gagnant et que Mme X..., qui revendique cette qualité, a consenti à cet engagement de paiement à son domicile en réclamant l'exécution du paiement annoncé par voie d'assignation ; qu'il convient en conséquence de retenir la compétence territoriale du tribunal de grande instance de RIOM et d'infirmer l'ordonnance déférée,


ALORS QU'en matière contractuelle, une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre Etat membre, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; qu'en application de l'article 1371 du code civil, l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ; que cette obligation est distincte de l'obligation contractuelle dont est seul titulaire le bénéficiaire du gain ; que dès lors, les modalités contractuelles d'exécution de cette dernière ne peuvent lui être étendues ; qu'en outre, le juge de la compétence doit justifier si le paiement est quérable ou portable ; qu'en conséquence, en déclarant la juridiction française compétente, en tant que juridiction du lieu où la SA AMA avait accepté de verser son prix au « grand-gagnant », la Cour d'appel a méconnu ses pouvoirs en décidant que la nature du paiement relevait de la compétence du juge du fond et a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 1247 du code civil et l'article 5-1 du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.