par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 23 juin 2010, 09-15129
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
23 juin 2010, 09-15.129

Cette décision est visée dans la définition :
Adoption




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Mme X... a mis au monde, le 16 septembre 2002, une fille, prénommée Gabrielle, qu'elle a reconnue le 15 novembre 2002, après avoir demandé le secret de sa naissance ; que, par ordonnance du juge des enfants du 3 avril 2003, cette enfant a été confiée à l'aide sociale à l'enfance du Cher, placement maintenu par la suite pour dix huit mois ; que le procureur de la République a transmis au tribunal de grande instance une requête du président du conseil général en déclaration d'abandon ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Bourges, 16 avril 2009) d'avoir, après avoir annulé le jugement du tribunal de grande instance de Bourges, déclaré abandonnée l'enfant Gabrielle X... et délégué l'autorité parentale sur cette enfant à l'aide sociale à l'enfance du Cher ;

Attendu que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel, qui a relevé que, si Mme X... a, pendant la période de référence, été hospitalisée à plusieurs reprises, celle-ci a bénéficié de nombreux congés d'essai au cours desquels elle n'a fait aucune tentative pour établir des relations avec Gabrielle, soit par demande de visite, soit par appel téléphonique, soit par envoi de courriers ou colis et qu'il n'est pas démontré que ses troubles psychologiques l'empêchaient de chercher à établir avec sa fille des liens affectifs et aient été de nature à troubler son jugement et sa volonté dans ses décisions concernant le sort de Gabrielle, a estimé que Mme X... ne rapportait pas la preuve d'une grande détresse, décidé de déclarer abandonnée l'enfant Gabrielle X... et délégué l'autorité parentale sur cette enfant à l'aide sociale à l'enfance du Cher ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, après avoir annulé le jugement du Tribunal de grande instance de Bourges, déclaré abandonnée l'enfant Gabrielle X... née le 7 septembre 2002 à Bourges de Madame Sylvie X... épouse Y..., sa mère, et délégué l'autorité parentale sur cet enfant à l'aide sociale à l'enfance du Cher ;

Aux motifs propres que l'article 350 du Code civil, dans sa rédaction du moment de la requête et du jugement, prévoit que « l'enfant recueilli par un service d'aide sociale à l'enfance dont les parents se son manifestement désintéressés pendant l'année qui précède l'introduction de la demande de déclaration d'abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance sauf le cas de grande détresse des parents. Sont considérés comme s'étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien des liens affectifs » ; qu'en l'espèce, la période d'appréciation d'un désintérêt manifeste est celle comprise entre le 14 avril 2003 et le 14 avril 2004, date de l'introduction de la demande de déclaration d'abandon ; que seule la filiation maternelle de Gabrielle étant à l'époque établie, le désintérêt manifeste ne doit être apprécié que de la part de la mère ; que le cas de grande détresse de cette dernière doit être examiné, dès lors que l'appelante conteste le caractère volontaire de l'abandon ; qu'il résulte des pièces produites que depuis la naissance de Gabrielle, et jusqu'à à la requête en abandon judiciaire, Madame Sylvie Y... n'a vu sa fille qu'une seule fois, le 28 janvier 2003, à sa demande, et à la pouponnière, après deux rendez-vous annulés par la mère les 28 novembre et 5 décembre 2002, et un appel téléphonique le 23 janvier 2003 à l'aide sociale à l'enfance, pour savoir si Gabrielle était toujours accueillie en crèche ; qu'il n'est pas justifié d'autres démarches de Madame Sylvie Y... pour établir des liens affectifs avec sa fille pendant la période considérée ; que par la suite, et seulement le 16 septembre 2004, Madame Sylvie Y... a adressé à Gabrielle pour son anniversaire un colis accompagné d'une carte signée par elle et par les enfants issus de son mariage ; qu'on ne peut non plus trouver des signes d'intérêt caractérisés pour l'enfant dans les relations de Madame Sylvie Y... avec le juge des enfants de Rouen ; qu'en effet, lors de son audition préalable à l'ordonnance de placement provisoire du 3 avril 2003, Madame Sylvie Y... a exprimé sa difficulté à se déterminer vis-à-vis de l'enfant, souhaitant d'une part l'élever plus tard, tout en convenant d'autre part qu'elle ne savait pas si elle pourrait nouer une réelle relation avec Gabrielle ; que par la suite, elle ne s'est pas aisément soumise à l'examen psychologique que le juge des enfants avait ordonné en même temps que le placement ; qu'elle ne s'est pas présentée à la convocation du juge des enfants du 21 octobre 2003 ; qu'elle s'en est excusée par un courrier du 3 décembre 2003 dans lequel elle écrivait «après mûres réflexions, je souhaite qu'un projet d'adoption soit mis en place pour Gabrielle. J'aimerais donc pouvoir vous rencontrer afin que nous abordions ensemble cette question» ; que convoquée par le juge des enfants le 27 janvier 2004, elle ne s'est pas présentée ; que de l'ensemble de ces éléments de fait, il ressort que depuis la naissance de Gabrielle, et pendant l'année qui a précédé la requête en abandon judiciaire, Madame Sylvie Y... s'est manifestement désintéressée de l'enfant en n'entretenant pas avec elle les relations nécessaires à l'instauration et au maintien de liens affectifs ;


Alors qu'en sa rédaction applicable à la cause, l'article 350 exclut de prononcer l'abandon judiciaire de l'enfant en «cas de grande détresse des parents» ; qu'il appartenait à la Cour d'appel de rechercher si Madame Y..., en raison des difficultés psychologiques dont elle a souffert pendant la période considérée et de ses nombreuses hospitalisations, justifiait de sa situation de grande détresse ; qu'en subordonnant cette démonstration à la condition que cette détresse ait été de nature à effectivement empêcher toute relation entre la mère et l'enfant, la Cour d'appel qui a ainsi ajouté à la loi une condition qu'elle ne posait pas, a statué par un motif inopérant et privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 350 du Code civil, ensemble de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés fondamentales ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Adoption


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.