par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 6 octobre 2010, 09-69914
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
6 octobre 2010, 09-69.914

Cette décision est visée dans la définition :
Prêt




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article 1178 du code civil, ensemble l'article 1315 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 juillet 2009), que, le 21 septembre 2007, les époux X... ont promis de vendre à M. Y... et à Mme Z... une maison, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt d'un montant maximum de 550 000 euros, au taux maximum de 5 % l'an et d'une durée ne pouvant pas dépasser 15 ans ; que, faisant état d'un refus de prêt, M. Y... et Mme Z... ont assigné les époux X... en restitution du dépôt de garantie qu'ils avaient versé ;

Attendu que pour les débouter de leur demande, l'arrêt retient que la charge de la preuve qu'il a loyalement présenté une demande de prêt pèse sur l'acquéreur, qu'en s'abstenant de produire le dossier de demande de prêt, M. Y... et Mme Z... ne mettent pas la cour d'appel en mesure de vérifier qu'ils ont communiqué à la banque des renseignements précis, complets et exacts sur l'état de leurs ressources et de leur situation financière et que la lettre du 15 novembre 2007 du crédit social des fonctionnaires suivant laquelle cet organisme leur a refusé un prêt destiné à l'acquisition du bien, d'un montant de 550 000 euros et sur une durée de 15 ans au taux maximum de 5 %, ne suffit pas à rapporter la preuve qu'ils avaient présenté un dossier de demande de prêt loyal ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. Y... et Mme Z... avaient présenté une demande de prêt conforme aux caractéristiques stipulées, ce dont il résultait qu'il appartenait aux époux X... de rapporter la preuve que les bénéficiaires avaient empêché l'accomplissement de la condition, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juillet 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne les époux X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux X... et les condamne, ensemble à payer à M. Y... et à Mme Z..., ensemble, la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour M. Y... et Mme Z...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que M. Y... et Mme Z... ne justifiaient pas du dépôt d'une demande de prêt loyale et sincère et D'AVOIR, en conséquence, débouté ces derniers de leur demande de restitution de la somme de 27.500 euros versée à titre de dépôt de garantie ;

AUX MOTIFS QUE, s'agissant du fait que M. Y... et Mme Z... n'ont pas joint à leur lettre du 8 octobre 2007, adressée au notaire, les justificatifs détaillés des caractéristiques de la demande de prêt qui avait fait l'objet d'un refus, les acquéreurs soutiennent, à tort, que le contrat prévoit seulement une information des vendeurs sur l'acceptation ou le refus de la banque, les justificatifs ne devant être produits que sur demande expresse de ces derniers, dans les termes suivants : « La réception de cette offre devra intervenir au plus tard le 7 novembre 2007. L'obtention ou la non-obtention du prêt devra être notifiée par l'acquéreur au vendeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée dans les trois jours suivants l'expiration du délai ci-dessus. A défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le vendeur aura la faculté de mettre l'acquéreur en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition » ; qu'en effet le contrat stipulait aussi que l'acquéreur « s'oblige à faire toutes les démarches nécessaires à l'obtention du prêt, à déposer le dossier complet nécessaire à l'instruction de sa demande et à en justifier au vendeur dans le délai de trente jours à compter des présentes. A défaut d'avoir apporté la justification dans le délai imparti, le vendeur aura la faculté de demander à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de lui justifier du dépôt du dossier de prêt » ; que même en dehors de toute stipulation du contrat, la charge de la preuve qu'il a loyalement présenté une demande de prêt pèse sur l'acquéreur ; qu'il s'ensuit qu'en s'abstenant de produire le dossier de demande de prêt qu'ils avaient présenté à la banque qui leur avait refusé le prêt, M. Y... et Mme Z... n'ont pas mis le juge en mesure de vérifier qu'ils ont communiqué à la banque des renseignements précis, complets et exacts sur l'état de leurs ressources et de leur situation financière ; que la lettre du 15 novembre 2007 du CSF suivant laquelle cet organisme a bien refusé aux consorts Y...-Z... un prêt destiné à l'acquisition du bien sis ..., d'un montant de 550.000 euros sur une durée de 15 ans au taux maximum de 5 %, c'est à dire conforme aux stipulations du contrat, ne suffit donc pas à rapporter la preuve que M. Y... et Mme Z... avaient présenté un dossier de demande de prêt loyal ; que la condition doit être réputée réalisée en application de l'article 1178 du code civil, et la somme de 27.500 euros conservée par les époux X... à titre de pénalité, en application du compromis de vente ;

ALORS, 1°), QU'en l'absence de stipulation contraire, le bénéficiaire d'un compromis de vente conclu sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt satisfait à ses obligations en présentant une demande d'emprunt conforme aux caractéristiques stipulées ; qu'en décidant que la condition devait être réputée réalisée aux torts des acquéreurs, après avoir constaté que ces derniers avaient déposé une offre de prêt conforme aux stipulations du compromis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1178 du code civil ;

ALORS, 2°), QUE la bonne foi est toujours présumée et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ; que s'il appartient à l'acquéreur d'un bien immobilier sous condition suspensive d'obtention d'un prêt d'établir qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans le compromis, c'est au vendeur de démontrer que l'acquéreur a manqué à son obligation de loyauté dans le cadre de la présentation ou de l'instruction de la demande faite à l'établissement de crédit ; qu'en mettant à la charge des acquéreurs, dont elle avait constaté qu'ils avaient effectué une demande de prêt conforme aux stipulations contractuelles et sans relever aucun fait de nature à mettre en cause leur bonne foi, la preuve de leur loyauté, la cour d'appel a violé les articles 1178 et 1315 du code civil ;

ALORS, 3°), QUE le compromis de vente prévoyait que l'acquéreur « s'oblige à faire toutes les démarches nécessaires à l'obtention du prêt, à déposer le dossier complet nécessaire à l'instruction de sa demande et à en justifier au vendeur dans un délai de trente jours à compter des présentes. A défaut d'avoir apporté la justification dans le délai imparti, le vendeur aura la faculté de demander à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de lui justifier le dépôt du dossier de prêt. Dans le cas où l'acquéreur n'aurait pas apporté la justification requise dans un délai de huit jours de l'accusé de réception, le vendeur pourra se prévaloir de la caducité des présentes » ; qu'il résulte de ces stipulations claires et précises que les acquéreurs n'étaient tenus de justifier auprès du vendeur que du dépôt de la demande de prêt et non pas de lui communiquer le dossier complet de cette demande ; qu'en se fondant sur cette clause pour retenir que les stipulations contractuelles imposaient à M. Y... et Mme Z... de communiquer aux vendeurs « les justificatifs détaillées de leur demande de prêt », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du compromis et a violé l'article 1134 du code civil ;

ALORS, 4°), QU'aucune clause du compromis ne subordonnait la restitution du dépôt de garantie à la communication par les acquéreurs d'une copie de leur dossier de demande de prêt de sorte que s'il fallait considérer qu'elle se soit fondée sur les clauses du compromis pour dire que la restitution du dépôt de garantie était subordonnée à la communication de cette pièce, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a violé l'article 1134 du code civil ;


ALORS, 5°), QUE, en tout état de cause, les stipulations du compromis obligeant les acquéreurs à justifier aux vendeurs du dépôt de leur dossier de prêt étaient nulles comme contraires aux dispositions d'ordre public de l'article L. 312-16 du code de la consommation en ce qu'elles aggravaient les exigences de ce texte, lequel prévoit qu'en cas de non-réalisation de la condition, toute somme versée par l'acquéreur lui sera restituée immédiatement sans retenue à quelque titre que ce soit ; qu'à supposer même exact que le compromis ait entendu subordonner la restitution du dépôt de garantie à la communication au vendeur d'une copie du dossier de demande de prêt, la cour d'appel aurait dû alors écarter l'application de cette clause, contraire à l'ordre public ; que faute de l'avoir fait, la cour d'appel a violé les articles L. 312-16 du code de la consommation et 1178 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Prêt


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.