par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 17 novembre 2010, 09-16964
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
17 novembre 2010, 09-16.964
Cette décision est visée dans la définition :
Régimes matrimoniaux
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Marc X... est décédé le 17 janvier 2001, en laissant pour lui succéder son épouse Marcelle B..., avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens, donataire de la plus large quotité disponible entre époux, et ses deux enfants issus d'une première union, Mme Nicole X... épouse Y... et M. Marc X..., majeur protégé sous le régime de la curatelle (les consorts X...) ; que Marcelle B..., veuve X..., a déclaré opter pour le quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit des biens composant la succession ; qu'elle est décédée le 11 avril 2005, en laissant pour lui succéder son fils issu d'une première union, M. Marc Z... ; que Marc X... avait souscrit quatre contrats d'assurance-vie dont son épouse était bénéficiaire en cas de pré-décès, d'une valeur totale au jour du décès de 2 663 197 francs ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 9 septembre 2009) de les avoir déboutés de leur demande tendant à la condamnation de M. Z... au paiement de l'équivalent en euros de 2 663 197 francs au titre d'une créance entre époux séparés de biens, alors, selon le moyen, que le contrat d'assurance-vie souscrit par un conjoint au bénéfice de son époux séparé en biens réalise entre eux, le transfert d'un patrimoine qui constitue une créance entre époux dont l'évaluation est soumise aux règles des récompenses par renvoi de l'article 1543 du code civil aux dispositions des articles 1469, alinéa 3, 1479, alinéa 2, du code civil ; qu'en retenant, pour décider que les primes versées par Marc X... ne relèvent pas du régime des créances entre époux, que le contrat d'assurance sur la vie est constitutif d'une stipulation pour autrui qui confère au tiers bénéficiaire un droit direct contre l'assureur sans que le capital ne transite par le patrimoine du souscripteur qui ne détient donc aucune créance envers le bénéficiaire, quand l'assurance sur la vie réalise entre deux époux séparés de biens un transfert de patrimoine relevant du régime des créances entre époux, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article 1121 du code civil ;
Mais attendu que la prétendue existence d'un transfert de valeurs entre les patrimoines d'époux séparés de biens était insuffisante à fonder le principe d'une créance entre eux ; que le moyen est inopérant ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et les condamne à payer à M. Z... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils pour les consorts X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Nicole X... et son frère, M. Marc X..., assisté de son curateur, de la demande qu'ils avaient formée contre M. Z..., afin qu'il soit condamné à payer à la succession, l'équivalent en euros de 2 663 197 F au titre d'une créance entre époux séparés de biens ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces versées aux débats que Marc X... avait souscrit quatre contrats d'assurance vie dont son épouse était bénéficiaire en cas de pré-décès, l'un auprès de la MAVPF à effet du 1er mai 1985 d'une valeur au jour du décès de 2 199 657 francs, un second auprès de l'AFER le 23 juillet 1988 d'une valeur au jour du décès de 419 198 francs et deux autres à une date inconnue auprès de la CNP et de MEDERIC d'une valeur au jour de décès de respectivement 41 372, 27 francs et 2 969, 92 francs, soit au total 2 663 197 francs et 406 002 euros ; que les consorts X... soutiennent que ces assurances vie, qui ont été alimentées uniquement par des réorientations de l'épargne préexistante de Marc X..., retraité à l'époque, doivent être réintégrées à l'actif successoral comme étant constitutives, à titre principal de créances entre époux séparés de biens, et subsidiairement d'une donation indirecte ; que Monsieur Z... conteste ces prétentions, faisant notamment valoir que les assurances vie souscrites par Marc X... au profit de son épouse ne constituent pas un actif successoral, que les primes payées n'étaient pas manifestement exagérées eu égard à ses facultés et que les règles de fonctionnement des régimes matrimoniaux ne sauraient faire échec aux principes régissant les mécanismes des assurances vie ; que les contrats souscrits par Marc X... comportant à la fois des assurances en cas de décès et des assurances en cas de vie dont les effets dépendaient de la vie du souscripteur, ce qui constitue un aléa, s'analysent en des contrats d'assurance vie relevant de l'article L. 132-12 du code des assurances selon lequel " le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré ", l'article L. 132-13 du même code précisant que les règles du rapport à succession et celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s'appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés, caractère qui s'apprécie au moment du versement ; que les consorts X... n'invoquent pas le caractère manifestement exagéré des primes versées par leur père, et en tout état de cause n'en font aucunement la démonstration ; que le contrat d'assurance vie, lorsque le bénéfice de l'assurance est stipulé au profit d'une personne déterminée, emporte application des règles de la stipulation pour autrui énoncées par l'article 1121 du code civil, ce qui confère au bénéficiaire, du seul fait de sa désignation, et sous réserve d'une révocation faite par le stipulant avant sa propre acceptation, un droit personnel direct contre l'assureur au paiement des capitaux assurés, qui sont réputés n'avoir jamais figuré dans le patrimoine du souscripteur ; qu'il n'y a donc pas transmission du patrimoine de l'assuré à celui du bénéficiaire ; que dés lors les primes versées par Marc X... sur les contrats d'assurance vie dont, à son décès, le capital a été versé par les assureurs à sa veuve, bénéficiaire, ne peuvent constituer une créance entre époux ;
ALORS QUE le contrat d'assurance-vie souscrit par un conjoint au bénéfice de son époux séparé en biens réalise entre eux, le transfert d'un patrimoine qui constitue une créance entre époux dont l'évaluation est soumise aux règles des récompenses par renvoi de l'article 1543 du Code civil aux dispositions des articles 1469, alinéa 3, 1479, alinéa 2, du Code civil ; qu'en retenant, pour décider que les primes versées par Marc X... ne relèvent pas du régime des créances entre époux, que le contrat d'assurance sur la vie est constitutif d'une stipulation pour autrui qui confère au tiers bénéficiaire un droit direct contre l'assureur sans que le capital ne transite par le patrimoine du souscripteur qui ne détient donc aucune créance envers le bénéficiaire, quant l'assurance sur la vie réalise entre deux époux séparés de biens un transfert de patrimoine relevant du régime des créances entre époux, la Cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article 1121 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté la demande que Mme Nicole X... et son frère sous curatelle, M. Marc X..., avaient formée afin qu'il soit jugé que la souscription par M. X... de quatre contrats d'assurance-vie à un âge où il était retraité de longue date et avec le versement de primes par prélèvement sur son épargne personnelle était constitutive d'une donation directe au profit de sa mère qu'il avait épousée en seconde noces ;
AUX MOTIFS QU'un contrat d'assurance vie ne peut être requalifié en donation indirecte que si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable ; qu'en l'espèce, les deux principaux contrats souscrits par Marc X... désignant son épouse comme bénéficiaire l'ont été plus de 15 ans avant son décès pour l'assurance MAVPS, avec versement initial d'une somme de 400 000 francs le 1 " mai 1985, alors qu'il était âgé de 73 ans, les versements complémentaires ayant été effectués entre décembre 1985 et novembre 1989, et plus de 12 ans avant son décès pour l'assurance AFER avec versement initial d'une somme de 50 000 francs, alors qu'il était âgé de 77 ans ; que les consorts X... n'établissent pas, ni même n'allèguent, que Marcelle B...a accepté la clause bénéficiaire de ces contrats avant le décès de son mari ; qu'il s'ensuit que Marc X... a conservé jusqu'à sa mort son droit de bénéficier lui-même des capitaux acquis aux termes des contrats ou de les racheter, comme de modifier la clause bénéficiaire, et ne s'est donc pas dépossédé de façon irrévocable des fonds versés sur les contrats querellés au profit de son épouse, de sorte qu'il n'y a pas eu donation indirecte au profit de celle-ci ;
1. ALORS QU'un contrat d'assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que les contrats d'assurance sur vie ne devaient pas être requalifiés en donation indirecte, que Mme B...n'en avait pas accepté le bénéfice avant le décès de son mari, de sorte que ce dernier avait conservé jusqu'à sa mort son droit de bénéficier luimême des capitaux acquis aux termes des contrats ou de les racheter, comme de modifier la clause bénéficiaire, et qu'il ne s'était donc pas dépossédé de façon irrévocable des fonds versés sur les contrats querellés au profit de son épouse, la Cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'une donation indirecte dont l'irrévocabilité ne constitue pas un élément constitutif ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 894 du Code civil ;
2. ALORS QUE les consorts X... ont fait valoir que les assurances-vie souscrites par leur père étaient portées dans la rubrique des biens appartenant à son épouse sur les déclarations de l'impôt de solidarité sur la fortune (conclusions, p. 17) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen propre à établir que le dénouement du contrat d'assurance-vie à l'avantage de leur belle-mère était acquis d'avance, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
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Régimes matrimoniaux
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.