par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 23 mars 2011, 09-66512
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
23 mars 2011, 09-66.512
Cette décision est visée dans la définition :
Régimes matrimoniaux
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable comme étant de pur droit :
Vu les articles 1421,1427 et 1832-2 du code civil ;
Attendu qu'un époux, ne peut, à peine de nullité de l'apport, employer des biens communs pour faire un apport à une société sans en avertir son conjoint et sans qu'il en soit justifié dans l'acte ; que cette action en nullité régie par l'article 1427 du code civil est soumise à la prescription de deux ans et est exclusive de l'action en inopposabilité ouverte par l'article 1421 du code civil pour sanctionner les actes frauduleux, lequel ne trouve à s'appliquer qu'à défaut d'autre sanction ;
Attendu que le 31 janvier 1998, M. X..., époux commun en biens de Mme Y..., a constitué avec sa compagne, Mme Z..., la SCI Mafate aux fins d'acquérir un bien immobilier ; que le divorce des époux X...-Y... a été prononcé par jugement du 4 juin 2007 ; que le 17 août 2006, Mme Y... a engagé une action en nullité de l'apport réalisé par M. X... au profit de la SCI Mafate ;
Attendu que pour prononcer la nullité de l'apport en numéraire effectué par M. X... au capital de la SCI Mafate et la nullité de cette société sur le fondement de la fraude, l'arrêt énonce que si l'action engagée sur le fondement de l'article 1427 du code civil est prescrite, elle ne se confond pas avec l'action fondée sur la fraude dont le conjoint est victime, qui se prescrit par trente ans ;
Qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Codamne la SCI Malfate, M. X... et Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat de la société Mafate, et autres
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR prononcé la nullité de l'apport en numéraire effectué par Monsieur Thierry X... au capital de la SCI MAFATE et la nullité de cette société sur le fondement de la fraude ayant pour conséquence sa dissolution, et, par suite, d'avoir alloué à Madame Catherine Y... la somme de 5.000 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral qui lui a été causé par la constitution frauduleuse de la SCI MAFATE (arrêt attaqué, p. 5) ;
AUX MOTIFS QUE « en principe, Thierry X... pouvait, après s'être acquitté des charges du mariage, librement effectuer l'apport en numéraire litigieux au moyen de ses gains ou salaires (article 223 du Code civil). Ce n'est que si l'apport était constitué par des deniers communs qu'il était tenu de procéder à l'information de son épouse prévue par l'article 1832-2 du Code civil. Il convient d'admettre que tel était le cas, puisque l'intimé ne conclut que sur la prescription de l'action exercée par l'appelante. Le premier juge a considéré à bon droit que l'article 1427 du Code civil, auquel renvoie l'article 1832-2 du Code civil, qui permet au conjoint d'exercer une action en nullité pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte par lequel son époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, dérogeait à la règle générale de la suspension de la prescription entre époux édictée par l'article 2253 du Code civil. La cour ne peut également que l'approuver d'avoir dit que le délai de prescription avait commencé à courir dès que l'appelante a eu connaissance de l'existence de la SCI MAFATE, soit au cours de l'année 1999. En effet, rien ne l'empêchait de prendre connaissance des statuts mentionnant les apports de chaque associé et de constater aussitôt le caractère fictif de l'apport en biens propres effectué par son mari, puisqu'elle avait une parfaite connaissance des difficultés financières du donateur. La prescription de l'action engagée sur ce fondement est donc acquise » (arrêt attaqué, p. 4) ;
ET AUX MOTIFS QUE « si Thierry X... avait effectivement disposé de fonds propres pour faire son apport au capital de la société, la communauté n'aurait eu aucun droit sur les parts sociales. En établissant que l'apport effectué par son époux est en réalité constitué par un don manuel fictif, l'appelante démontre la fraude de son époux qui, par ce moyen, a voulu porter atteinte à ses droits. L'intimé n'est pas fondé à opposer encore la prescription, car l'action en nullité fondée sur la fraude ne se confond pas avec celle que prévoit l'article 1427 du Code civil et se prescrit donc par trente ans. Il convient donc de prononcer la nullité de l'apport en numéraire au capital de la SCI Mafate effectué par Thierry X.... Cette nullité entraîne par voie de conséquence la nullité de la société, créée dans le seul but de faire échapper les parts sociales de Thierry X... à la communauté, avec la complicité de Madame Catherine B..., seule associée, qui, compte-tenu des liens existant entre eux, ne pouvait ignorer la fraude envisagée et a ainsi concouru à sa réalisation. La nullité de la SCI MAFATE produit les effets d'une dissolution prononcée par justice » (arrêt attaqué, p. 4) ;
ALORS QUE, d'une part, les actes accomplis par un époux, hors des limites de ses pouvoirs, relèvent de l'action en nullité de l'article 1427 du Code civil soumise à la prescription de deux ans et non des textes frappant les actes frauduleux, lesquels ne trouvent à s'appliquer qu'à défaut d'autre sanction ; que l'action fondée sur la fraude et prévue à l'article 1421 du Code civil est par conséquent subsidiaire à celle fondée sur le dépassement de pouvoirs et prévue par l'article 1427 du Code civil ; qu'en examinant l'action sur le fondement qu'elle estimait applicable de l'article 1427 du Code civil puis, parce que cette action était prescrite, sur le fondement de l'article 1421 du Code civil, pour finalement l'accueillir, la Cour d'appel de LYON a méconnu la subsidiarité de l'action fondée sur l'article 1421 du Code civil et, partant, a violé les articles 1421 et 1427 du Code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion ; que les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l'autre ; que si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté ; que l'apport au capital de la SCI MAFATE a été réalisé par Monsieur Thierry X... le 31 janvier 1998 ; que Madame Catherine Y... a eu connaissance de l'existence de cette société et du caractère fictif de l'apport en biens propres effectué par son mari au cours de la première procédure de divorce, en 1999 ; que son action en nullité de la SCI MAFATE était donc prescrite deux années plus tard, soit au cours de l'année 2001 ; qu'en considérant néanmoins que l'action intentée par Madame Catherine Y... le 17 juin 2006 n'était pas prescrite au motif que l'action en nullité fondée sur la fraude ne se confond pas avec celle que prévoit l'article 1427 du Code civil et se prescrit par trente ans, la Cour d'appel de LYON a violé les articles 1421 et 1427 du Code civil.
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Cette décision est visée dans la définition :
Régimes matrimoniaux
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.