par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 4 mai 2011, 10-11576
Dictionnaire Juridique
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
4 mai 2011, 10-11.576
Cette décision est visée dans la définition :
Communauté conjugale
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que le divorce de M. Pascal X... et de Mme Claudine Y..., mariés sans contrat préalable en 1979, a été prononcé par jugement du 11 juillet 2002 ; que des difficultés sont survenues au cours de la liquidation de la communauté ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, dit que pour l'acquisition de la pharmacie, la communauté doit une récompense à M. X..., calculée sur le profit subsistant s'élevant à la somme de 94 787 euros qui figurera au passif de l'acte liquidatif aux lieu et place de la somme de 78 290, 81 euros retenue par l'expert, et d'avoir dit que la récompense due au titre du compte courant ne sera pas réévaluée alors, selon le moyen, que tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que l'arrêt juge que la récompense due à M. X... au titre du financement du compte courant d'associé ayant servi à l'acquisition de l'officine de pharmacie ne sera pas réévaluée tout en confirmant le jugement qui a jugé que cette récompense serait calculée sur le profit subsistant ; qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'une contradiction entre deux chefs du dispositif pouvant, en application de l'article 461 du code de procédure civile, donner lieu à une requête en interprétation, ne peut ouvrir la voie de la cassation ; que le moyen n'est donc pas recevable ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que la disposition de l'arrêt critiquée est sans portée dès lors que la cour d'appel a aussi confirmé le jugement qui a fixé la récompense due au titre du financement de l'acquisition de l'officine de pharmacie ; que le moyen est donc inopérant ;
Sur le quatrième moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé :
Attendu qu'en allouant à Mme Y... une somme à titre de rémunération la cour d'appel ne s'est pas fondée sur les règles de la rémunération de l'activité d'un indivisaire qui gère un bien indivis ; qu'elle a au contraire constaté, par motifs propres et adoptés, que Mme Y... avait seule la qualité d'associée de la société en nom collectif dont des parts avaient été acquises par la communauté et que c'était cette société qui avait acquis l'officine de pharmacie dans laquelle elle exerçait sa profession et retenu que la somme réclamée l'était au titre de la rémunération de son travail et représentait la contrepartie de sa responsabilité professionnelle ; que dès lors, c'est sans encourir le grief de la deuxième branche que la cour d'appel s'est fondée sur l'accord des associés quant à cette rémunération ; que les critiques formulées par les deux autres branches sont inopérantes ;
Mais sur le premier moyen pris en sa première branche :
Vu les articles 1402, alinéa 1er, et 1405, alinéa 1 et 2, du code civil ;
Attendu, qu'aux termes du premier de ces textes, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi ; que, selon le second, les biens acquis par les époux pendant le mariage par succession, donation ou legs restent propres, à moins que la libéralité stipule que les biens qui en font l'objet appartiendront à la communauté, et tombent en communauté, sauf stipulation contraire, quand la libéralité est faite aux deux époux conjointement ;
Attendu que pour limiter à la somme de 30 489, 80 euros le montant des dons manuels reçus, en propre, par M. X... de ses parents, l'arrêt confirmatif attaqué, par motifs propres et adoptés, après avoir constaté que M. X... a reçu de la part de membres de sa famille des dons et legs entre 1979 et 1999, a relevé, d'une part, que ces sommes ont été versées sur le compte commun du couple utilisé par la communauté et qu'un usage personnel ne peut pas être caractérisé, d'autre part, qu'aucune précision n'est apportée quant au fait que des sommes avaient été données à M. X..., seul, les donateurs n'ayant pas précisé, à l'appui des versements sur le compte joint des époux, l'identité de la personne gratifiée ; qu'elle en a déduit que la présomption de communauté s'applique à ces dons et legs perçus par l'époux ;
Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé par fausse application le premier des textes susvisés et par refus d'application le second ;
Et sur la quatrième branche du quatrième moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour fixer comme elle l'a fait le montant de la rémunération allouée à Mme Y..., l'arrêt retient que la pièce n° 23-2 fait apparaître que sa rémunération mensuelle était de 7 200 euros à compter du mois de mars 2004 ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'il était indiqué dans l'acte en cause que la rémunération annuelle de Mme Y... était de 72 000 euros, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement, d'une part, en ce qu'il a fixé à la somme de 30 489, 80 euros le montant des dons reçus par M. X... qui sont des biens qui lui sont propres, et, d'autre part, en ce qu'il a fixé à la somme de 87 000 euros le montant de la rémunération allouée à Mme Y..., l'arrêt rendu le 17 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement déféré, limité à 30. 489, 80 le montant des dons manuels reçus par M. X... de ses parents qui sont des biens propres, d'avoir dit que les autres sommes encaissées sur le compte joint des époux et provenant des parents et marraine de Monsieur X... sont des biens communs ;
Aux motifs que l'article 1402 du Code civil dispose que tout bien meuble ou immeuble est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi ; qu'en l'espèce, il est constant que Monsieur X... a reçu de la part de membres de sa famille des dons et legs entre 1979 et 1999 ; qu'il résulte des documents produits aux débats que ces sommes ont été versées sur le compte commun CCP du couple ; qu'aucune précision n'avait été apportée quant au fait que des sommes avaient été données à M. X..., seul ; qu'en toute hypothèse les sommes étaient portées sur un compte utilisé par la communauté et qu'un usage personnel ne peut pas être caractérisé ; qu'en conséquence, le principe de présomption de communauté a vocation à s'appliquer concernant les dons et legs perçus par l'époux et ce dernier sera débouté de ses demandes relatives à des récompenses de ce chef ; qu'il n'est pas contesté par les parties que suivant un acte de donation-partage en date du 28 octobre 1994, M. X... a reçu en 1991 une somme de 200. 000 francs à titre de don manuel ; que Monsieur X... étant identifié comme le seul donataire, il convient de déclarer que la somme en question constituait un propre de M. X... ;
ALORS D'UNE PART QUE sauf stipulation contraire de la libéralité, les biens échus par donation à chaque époux, pendant le mariage, restent propres ; qu'en appliquant le principe de présomption de communauté aux dons et legs dont elle a constaté qu'ils avaient été reçus par M. X... de la part des membres de sa famille, la Cour d'appel a violé l'article 1405, al. 1er du Code civil par refus d'application et l'article 1402 du même Code par fausse application ;
ALORS D'AUTRE PART QUE sauf stipulation contraire de la libéralité, les biens échus par donation à chaque époux, pendant le mariage, restent propres ; que M. X... avait produit aux débats des bordereaux manuscrits de donation établis par son père et des chèques émis par sa mère à son seul nom, ainsi que des attestations de cette dernière confirmant que le bénéficiaire des donations effectuées par virement bancaire sur le compte commun était bien exclusivement M. X... ; qu'en déduisant du seul versement des sommes données à M. X... sur le compte commun CCP du couple leur caractère commun, la Cour d'appel a violé l'article 1405, al. 1er du Code civil ;
ALORS ENFIN QU'en affirmant péremptoirement qu'aucune précision n'avait été apportée quant au fait que des sommes avaient été données à M. X..., seul, sans s'expliquer sur ces documents produits par M. X... qui établissaient le contraire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1405 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, dit que pour l'acquisition de la pharmacie, la communauté doit une récompense à M. X..., calculée sur le profit subsistant s'élevant à la somme de 94. 787 qui figurera au passif de l'acte liquidatif au lieu et place de la somme de 78. 290, 81 retenue par l'expert, et d'avoir dit que la récompense due au titre du compte courant ne sera pas réévaluée ;
Aux motifs propres qu'il résulte du rapport d'expertise qu'une partie de l'achat de l'officine de pharmacie a été financée à hauteur de 78. 290, 81
provenant du compte A... ; que Mme Y... n'a pas contesté cette réalité ; qu'au regard du pourcentage de deniers propres ayant été versé sur le compte A..., il convient de confirmer le jugement déféré qui a fixé à 52. 454, 84 la somme investie par l'époux dans l'achat de la pharmacie ;
que les parts sociales de la SNC ont été acquises avec des deniers communs du couple et que le compte courant d'associé a été financé en partie par des fonds propres de Monsieur X... comme provenant du compte A... ; que s'agissant d'une créance en nominal qui ne peut pas varier avec la valeur du fonds de commerce et l'application de la règle du profit subsistant, la récompense due à M. X... à ce titre sera limitée à la somme de 52. 454, 84 ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que Monsieur X... a investi la somme de 344. 081, 10 francs soit 52. 454, 84 dans l'acquisition de la pharmacie ; que la récompense due à Monsieur X... sera donc évaluée en fonction de la proportion de ses fonds propres engagés dans l'acquisition du fonds ; que s'agissant d'une dépense d'acquisition, la récompense due à M. X... ne peut être moindre que le profit subsistant en application de l'article 1469 du Code civil ; que dès lors, la valeur du fonds étant de 950. 400 , la récompense de M. X... s'élève à la somme de 94. 787 ;
ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que l'arrêt juge que la récompense due à M. X... au titre du financement du compte courant d'associé ayant servi à l'acquisition de l'officine de pharmacie ne sera pas réévaluée tout en confirmant le jugement qui a jugé que cette récompense serait calculée sur le profit subsistant ; qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la récompense due au titre du compte courant ne sera pas réévaluée ;
Aux motifs qu'il résulte du rapport d'expertise qu'une partie de l'achat de l'officine de pharmacie a été financée à hauteur de 78. 290, 81 provenant du compte A... ; que Mme Y... n'a pas contesté cette réalité ; qu'au regard du pourcentage de deniers propres ayant été versé sur le compte A..., il convient de confirmer le jugement déféré qui a fixé à 52. 454, 84 la somme investie par l'époux dans l'achat de la pharmacie ; que les parts sociales de la SNC ont été acquises avec des deniers communs du couple et que le compte courant d'associé a été financé en partie par des fonds propres de Monsieur X... comme provenant du compte A... ; que s'agissant d'une créance en nominal qui ne peut pas varier avec la valeur du fonds de commerce et l'application de la règle du profit subsistant, la récompense due à M. X... à ce titre sera limitée à la somme de 52. 454, 84 ;
ALORS QUE la récompense ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir un bien qui se retrouve au jour de la liquidation de la communauté dans le patrimoine emprunteur ; qu'il en va ainsi quand le bien a été acquis grâce aux fonds empruntés, indépendamment de l'affectation comptable qui leur a été donnée ; qu'en fixant la récompense due à M. X... au titre de l'achat de l'officine de pharmacie à la valeur nominale de ses fonds propres au motif erroné et inopérant qu'ils avaient été portés sur le compte courant d'associé de la SNC, cependant qu'elle avait constaté qu'ils avaient été investis dans l'achat de la pharmacie, qu'ils ont financé, la cour d'appel a violé l'article 1469 alinéa 3 du Code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir alloué à Mme Y... une rémunération annuelle de 87. 000 ;
Aux motifs que Mme Y... a géré l'officine à temps partiel ; qu'elle indique que les accords entre les deux associés avaient prévu une rémunération annuelle de 114. 076 en sa faveur outre 16. 800 pour travaux supplémentaires ; qu'il s'agissait de la rémunération de son travail et de la contrepartie de sa responsabilité dans son exercice professionnel ; qu'il est effectif que cette rémunération n'est pas comparable et assimilable à la gestion des biens indivis ; qu'au surplus les conventions passées entre les associés au titre de leurs rémunérations s'imposent à M. X... qui ne pouvait pas interférer dans ce domaine ; que le procès-verbal d'assemblée générale de la SNC en date du 21 novembre 2002 avait prévu une rémunération mensuelle de 6. 000 en sa faveur ; que la pièce n° 23-2 fait apparaître que sa rémunération mensuelle était de 7200 à compter du mois de mars 2004 jusqu'au mois de juin 2007 ; qu'en conséquence, la rémunération annuelle allouée à Mme Y... sera fixée à la somme de 87. 000 au regard de la difficulté de chiffrer avec exactitude la rémunération pour travail supplémentaire et de la réalité des émoluments perçus ces dernières années ; qu'en outre cette rémunération correspond à celles habituellement pratiquées dans les pharmacies avec un chiffre d'affaires important ; que d'autre part, l'autre associé pharmacien avait accepté de voir fixer sa rémunération à une somme nettement inférieure ; ce qui impliquait que Mme Y... avait les activités et les responsabilités principales dans la réalité des faits ;
1° ALORS QU'un indivisaire ne peut percevoir d'autre rémunération que celle qui lui est due en raison de son activité de gestion d'un ou plusieurs biens indivis ; qu'en allouant à Mme Y..., à sa demande, une rémunération pour son travail et sa responsabilité dans son exercice professionnel, en sus de l'indemnité de gestion des biens indivis qui lui est allouée par ailleurs, la cour d'appel a violé les articles 815-12 et 815-10 du Code civil ;
2° ALORS QUE les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et ne nuisent pas aux tiers ; qu'en opposant les conventions passées par les associés de la SNC au titre de leurs rémunérations à M. X..., qui n'est pas associé et dont elle a constaté qu'il ne pouvait interférer dans ce domaine, pour allouer à Mme Y..., en tant qu'indivisaire, une rémunération de 87. 000 , la cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil ;
3° ALORS QUE l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis a droit à la rémunération de son activité, dans les conditions fixées à l'amiable ou à défaut par décision de justice ; qu'il n'appartenait donc qu'à la Cour d'appel, en l'absence d'accord amiable entre les indivisaires sur la rémunération due à Mme Y... pour sa gestion du bien indivis, de fixer cette rémunération en fonction de la seule activité déployée par celle-ci en qualité d'indivisaire pour cette gestion, sans qu'elle puisse le faire en référence aux conventions passées entre les associés de la société en nom collectif ; que la cour d'appel a méconnu les pouvoirs qu'elle tient de l'article 815-12 du Code civil qu'elle a ainsi violé ;
4° ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; que la pièce n° 23-2 produite par M. X... indique, pour chaque « année » notamment le montant de la rémunération perçue par Mme Y... au titre de son activité dans la pharmacie ; qu'il est indiqué pour « 03/ 04 » une rémunération de « 72. 000 », pour « 04/ 05 » une rémunération de « 72. 000 », pour « 05/ 06 » une rémunération de « 72. 000 » et pour « 06/ 07 » une rémunération de 72. 000 » ; qu'il résulte de ce document que la rémunération annuelle de Mme Y... au sein de la pharmacie était de 72. 000 à compter de l'exercice 2003-2004 jusqu'à l'exercice 2006-2007 ; qu'en retenant cependant que cette pièce fait apparaître que sa rémunération mensuelle était de 7200 à compter du mois de mars 2004 jusqu'au mois de juin 2007, pour fixer en conséquence la rémunération annuelle allouée à Mme Y... à la somme de 87. 000 , la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la pièce n° 23-2 et violé l'article 11 34 du Code civil.
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Communauté conjugale
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.