par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 4 mai 2011, 10-13849
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
4 mai 2011, 10-13.849

Cette décision est visée dans la définition :
Investiture




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 décembre 2009), que, par acte sous seing privé du 11 août 2005, MM. X..., Y..., Z... et A..., Mme C...-A... et Mlle A... (les cédants) ont promis de céder à M. Jodelet l'intégralité des titres sociaux représentant le capital des sociétés Mat'elec et SCTE ; que M. Jodelet s'est engagé, sur la période courant de sa prise de fonction au 31 décembre 2005, à ne pas prendre de mesures de gestion anormales de nature à réduire de façon conséquente le résultat net devant apparaître au bilan à clôturer au 31 décembre 2005 ; que par acte du 14 octobre 2005, contenant une clause compromissoire, la cession a été réitérée au profit de la société Eau Services substituée à M. Jodelet ; qu'un différend étant né à propos de l'application de l'engagement du 11 août 2005 les parties ont, par une convention du 13 décembre 2007, mis en oeuvre la procédure d'arbitrage et désigné M. E... en qualité d'arbitre unique statuant comme amiable compositeur mais à charge d'appel avec mission de " dire si les comptes annuels de la société Mat'elec établis pour l'exercice clos le 31 décembre 2005, et notamment les provisions et charges exceptionnelles imputées sur l'exercice, donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que du patrimoine de la société à la fin de cet exercice " ; que par une sentence du 10 mars 2009 le tribunal arbitral a notamment condamné la société Eau Services, représentée par M. Jodelet, à payer aux cédants la somme de 55 515 euros au titre de complément de prix ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que les parties elles-mêmes, dans leurs conclusions, avaient demandé à l'arbitre de trancher non seulement le principe mais le montant du " complément de prix " et qu'il avait ainsi statué dans l'exercice de son pouvoir d'amiable composition, sur l'objet du litige, sans s'attacher à l'énoncé très général des questions, la cour d'appel a pu en déduire que l'arbitre, qui avait constaté que l'objet de l'arbitrage avait été fixé de façon définitive par la communication des mémoires en demande et en défense exposant le détail des positions et des revendications de chaque partie, n'avait pas statué ultra petita au regard de sa mission initiale ; que le grief ne peut être accueilli ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eau Services aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eau Services à payer aux défendeurs la somme de 3 000 euros ; rejette le surplus des demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille onze. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Blondel, avocat aux conseils pour la société Eau Services et M. Jodelet

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de nullité formée par la société Eau Services contre la sentence arbitrale du 10 mars 2009 ayant donné lieu à l'ordonnance d'exequatur du 15 mai 2009, ensemble d'avoir, par confirmation de ladite sentence, condamné la société Eau Services à verser aux cédants la somme principale de 55. 000 euros ;

AUX MOTIFS QU'un différend s'est manifesté entre les parties sur le résultat de l'exercice 2005 qui selon les cédants a été minoré et ne leur laissait aucune quote-part distribuable ; que les cédants ont décidé de mettre en oeuvre la procédure d'arbitrage prévue au protocole ; que selon le protocole d'arbitrage, M. E... a été désigné en qualité d'arbitre unique avec pour mission « de dire si les comptes annuels de la société Matelec établis pour l'exercice clos au 31 décembre 2005 et notamment les provisions et charges exceptionnelles imputées sur l'exercice donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que du patrimoine de la société à la fin de l'exercice 2005 » ; que selon l'avenant du 10 mai 2008, les parties ont confié à M. E... la mission d'arbitrage relative à la garantie de passif, le cessionnaire ayant, entretemps mis en oeuvre cette garantie par l'envoi de réclamations les 21 février et 28 août 2008 ; que l'arbitre n'a pas statué ultra petita au regard de sa mission initiale telle que définition dans la convention d'arbitrage et de sa mission complémentaire telle que définie dans l'avenant n° 1, dès lors que les parties elles-mêmes, dans leurs conclusions, lui ont demandé de trancher non seulement le principe mais aussi le montant du « complément de prix » et de la garantie de passif, que l'arbitre a ainsi statué dans le cadre de son pouvoir d'amiable composition, sur l'objet du litige, sans s'attacher à l'énoncé très général des questions ; que c'est par une exacte appréciation des éléments de la cause et de l'équité, que l'arbitre a condamné la société Eau Services, conformément aux engagements pris avant la cession, à verser aux cédants la somme de 55. 515 € correspondant à ce qui aurait dû leur être distribué, prorata temporis, sur un résultat net reconstitué en fonction d'une gestion normale du dirigeant par rapport à ses engagements envers les cédants ;

ALORS QUE, D'UNE PART, lorsque son investiture procède d'un compromis, l'arbitre ne peut, sans nouvel accord des parties, être saisie par l'une d'elles d'une demande n'entrant pas, par son objet, dans les prévisions du compromis ; que lorsqu'elle saisie de l'appel d'une sentence arbitrale, la cour d'appel ne peut elle-même statuer que dans les limites de la convention d'arbitrage ; que selon les commémoratifs de l'arrêt, et s'agissant du litige qui s'était noué à propos de la redistribution prorata temporis par les cessionnaires aux cédants des éventuels bénéfices de l'exercice 2005, la mission de M. E... était définie par le compromis d'arbitrage de la façon suivante : « dire si les comptes annuels de la société Matelec établis pour l'exercice clos au 31 décembre 2005 (…) donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que du patrimoine de la société à la fin de l'exercice 2005 » ; que la mission ainsi définie, qui s'apparentait à une simple mission d'expertise, n'autorisait nullement le tribunal arbitral à reconstituer le résultat de l'entreprise, a fortiori à entrer en voie de condamnation à l'encontre des cessionnaires ; que la simple référence contenue dans l'arrêt aux conclusions des parties devant le tribunal arbitral ne permet pas à la Haute juridiction de se convaincre que la société Eau Services avait accepté au cours de l'instance arbitrale que la mission du tribunal arbitral fût étendue au-delà des limites du compromis, ce en quoi la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 1448, 1483 et 1484, 3° du code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, il ne résulte pas des conclusions de la société Eau Services devant le tribunal arbitral que celle-ci avait accepté que la mission de l'arbitre, telle que définie par le compromis d'arbitrage, fût étendue à l'examen des demandes chiffrées distinctes que les cédants avaient cru pouvoir formuler dans leurs propres écritures ; que s'il faut comprendre que la cour a estimé le contraire, force est alors d'en déduire qu'elle a statué au prix d'une dénaturation, par adjonction, du mémoire déposé par la société Eau Services devant le tribunal arbitral ;


ET ALORS QUE, ENFIN, s'agissant d'apprécier si l'arbitre avait excédé les termes de sa mission principale relative à la sincérité et à la fidélité des comptes établis par le cessionnaire à l'issue de l'exercice 2005, les motifs de l'arrêt, en tant qu'ils se rapportent à la mission complémentaire distincte relative à la garantie de passif et aux demandes qui avaient pu être formulées à ce titre, sont manifestement impropres à justifier la solution qui a été retenue et donc à restituer une base légale à la décision au regard des articles 1448, 1483 et 1484, 3° du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Investiture


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.